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Desperate Housewives

3.07 - Bang

Simply the Best

dimanche 12 novembre 2006, par Jéjé

Tout simplement le meilleur épisode de la série.
Voilà, c’est écrit, c’est fait.
C’était le plus facile.
Maintenant, développons un peu.

Quand Desperate Housewives est à son meilleur, c’est une merveille de mélange des genres qui met la caricature au service de la justesse des émotions. L’épisode pilote était à ce titre sa plus grande réussite. Mais, les scénaristes n’ont pas réussi longtemps à conserver ce paradoxal équilibre. Si la recette est pratiquement restée la même pendant deux ans, il a souvent manqué en seconde saison (et même sur la fin de la première) le supplément de magie qui forçait les clichés, les grosses ficelles et les références (ses ingrédients de base) à faire vivre des personnages consistants et des situations innovantes.
De toute façon, l’outrance et l’authenticité ne sont peut être pas faites pour cohabiter sur la longueur. Leur association n’est peut être appelée qu’à faire des étincelles sur quelques épisodes. Et la forme « série » n’était peut être pas celle qui convenait le mieux à Bree, Lynette et les autres...

Et c’est là que tous les petits malins qui ont arrêté la série ricanent de leur côté, satisfaits qu’ils sont d’avoir compris avant les autres que Desperate Housewives n’était qu’un feu de paille... Attention, karma’s a bitch, les enfants ! C’est un coup à devoir reviewer Lost pour des générations et des générations, et surtout à passer à côté de Bang !

L’épisode convoque tout ce qu’il est possible de trouver de plus usé en période de sweeps : l’annonce de la mort d’un personnage ‘important’ (pas principal non plus, on va pas s’amuser à tuer Bree non plus pour trois spectateurs en plus), un rêve, une narration à rebours, des références au pilote de la série, une prise d’otage ! Question clichés et grosses ficelles, la dose est là !
Et tout marche.
Tout marche parce que chaque procédé narratif n’est pas juste là pour faire illusion de sophistication mais bien pour éclairer un propos, affermir une émotion, lier des parcours.
Prenosn la construction à rebours, par exemple.
On commence l’épisode avec Carolyn Bigsby dans le florilège de ses tâches quotidiennes qui s’interrompt par une nouvelle inattendue. Elle se fige. Puis elle se dirige vers un supermarché, tire deux fois en direction de son mari qui se réfugie dans un bureau, et prend en otage les consommateurs aux alentours. Ce sont quelques courtes scènes dans lesquelles la caméra se focalise sur elle, le reste des personnages restant à ce moment hors cadre. On reverra ces moments au cours de l’épisode avec un point de vue plus large, et cette séquence d’ouverture permettra de ne pas oublier que la prise d’otage n’est pas le simple Deux ex machina dont avaient besoin certaines intrigues pour rebondir mais qu’elle s’inscrit dans la trajectoire personnelle d’un personnage qui s’épaissit. Carolyn Bigsby n’est plus seulement un simple outil de la narration qui fait avancer le mystère de la saison, elle devient un personnage à part entière.
On enchaîne avec le rêve que Lynette a fait la nuit précédente, où elle se revoit prononcer les dernières paroles qu’elle a eues avec Mary Alice. Ce n’est pas grand-chose, mais cette scène va être suffisante pour donner au comportement mi-héroïque mi-inconscient de Lynette une dimension dramatique supplémentaire. Quand elle assène à Carolyn qui vient d’abattre Nora dans le supermarché que peut être ‘elle avait mérité que son mari la trompe’, elle le fait donc en partie en réaction à son sentiment de culpabilité de n’avoir su empêcher la mort de Mary Alice.
Cette construction était nécessaire, pas un simple gimmick à la Alias.
Le rêve rappelait ainsi au spectateur que la culpabilité est l’un des traits caractéristiques du personnage de Lynette, c’est elle qui culpabilisait d’être une mauvaise mère, c’est elle qui culpabilisait d’être une épouse dominatrice... Aucune autre des héroïnes de la série n’aurait pu avoir sa réaction pendant la prise d’otage, et c’est l’un des grands mérites de cet épisode et de ce début de saison 3 en général que d’avoir rendu aux personnages leur cohérence.

De plus, Bang parvient à associer les quatre filles autour d’un seul événement. J’ai beaucoup reproché à la saison 2 de les avoir séparées, chacune était occupée à ses petites affaires dans sa petite intrigue de son côté. Les scènes avec plusieurs housewives me manquaient certes, et leur retour est saison 3 est salutaire, mais l’absence d’unité dans les épisodes était la véritable faiblesse de l’écriture. Ici, Bree, Susan, Lynette et Gaby n’ont pas d’interactions directes, elles ne se retrouvent pas pour se poser et discuter ensemble. Si ces scènes font toujours plaisir, elles gardent toujours un arrière goût d’artificialité quand les filles ne font le point que sur leurs histoires respectives : elles sont ensemble à l’écran mais pas vraiment dans la série.
Dans cet épisode, la cohésion du quatuor se reforme à mesure que chacune d’entre elles est touchée par la prise d’otage.
Lynette n’a pas vraiment le choix, elle est prise en otage.
Bree est à nouveau mise face à sa faillibilité d’être humain : elle a voulu de façon puérile faire du mal à celle qui lui en avait fait. Résultat, ses amies sont en danger de mort. Le timing dans Bang est prodigieux : une seconde, Bree est à la hauteur de son personnage aux traits forcés de l’hôtesse parfaite qui peut transformer un spectacle tragique en un événement mondain, celle d’après, au milieu de ce moment parodie, sa vulnérabilité et son impuissance émergent et sonnent vrai.
Gaby, elle, s’inquiète de comprendre la rage qui motive l’action de Carolyn. Sa prise de conscience est d’autant plus touchante et opportune que la Guerre des Solis arrivait en bout de course et qu’elle permet de relancer son couple avec Carlos.
Avec cette prise d’otage, on se souvient que Susan est aussi la mère d’une adolescente, et on se rappelle que cette facette est la plus réussie de son personnage : elle et Julie forme un duo comique assez exceptionnel. Cet épisode expose de plus sans mièvrerie la part d’amour qui existe entre les deux et rend Teri Hatcher plus attachante qu’elle ne l’a jamais été. Voir Susan demander si l’on peut échanger sa place avec l’un des otages est à la fois hilarant et émouvant. Enfin, dit comme ça, ça parait un peu niais, mais il faut compter avec la brillance des dialogues. Si presque chaque réplique est un petit bijou d’humour noir, aucune n’est jamais gratuite. Elles font et rire et avancer les intrigues.

Marc Cherry a eu le nez creux en allant chercher pour relancer la série Joe Keenan, un ancien de Frasier et d’Out of Practice, deux sitcoms qui ont comme point commun d’allier des dialogues brillants à des enchaînements éblouissants de situations. (Et si vous ne me croyez pas, croyez le Drum, qui est le seul de pErDUSA - pour l’instant - à avoir vu l’intégralité de Frasier !). C’est pile poil ce dont avait besoin Desperate Housewives.

Et puis, si tout ça ne suffisait pas, c’est un épisode devant lequel on pleure. On pleure, alors que vingt secondes auparavant, on avait la mâchoire décrochée, ébahi par l’exécution de Nora. On pleure encore devant la scène finale, un nouveau rêve... (Avec Mary Alice ! C’est dire le coup de force de l’épisode, non ?)

Mélange des genres, salade d’émotions, il y a peu d’épisodes de séries télé qui parviennent à ce degré d’excellence !
Et peu d’épisodes avec deux actrices comme Felicity Huffman et Laurie Metcalf, toutes les deux ahurissantes de talent !

Desperate Housewives
n’est donc pas une erreur, ce n’est pas une mini-série qui n’en finit pas de durer, c’est une série inégale mais pleine de potentiel !


Oui, je sais, j’ai sauté un épisode. C’est mal, surtout qu’on a inventé les jokers pour ce genre de choses, mais j’en ai déjà utilisés deux... Et écrire sur le 3.06 après avoir vu Bang était trop dur !
Et vive Frasier  !

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