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Kaamelott, un succès à suivre

KAAMELOTT - Construire un royaume

lundi 9 avril 2007, par Jérôme Tournadre

L’étude de la manière dont est conçue la série en laisse apercevoir les forces à travers ses originalités.

Nous sommes au Vème siècle après Jésus-Christ. Toute la Gaulle est envahie par les Romains. Toute ? Oui toute allez circulez il n’y a plus rien à voir !

Allons plutôt sur l’île de Bretagne car, là bas, il y a du mouvement et une légende est en train de se forger. Investi par la Dame du Lac (Audrey Fleurot) d’une mission sacrée, le roi Arthur (Alexandre Astier) tente de fédérer tous les clans de Bretagne et de rechercher le saint Graal avec l’aide des Chevaliers de la Table Ronde. Cependant entre les différentes invasions des Vikings et autres peuples nordiques, des chevaliers pas vraiment futés, les affaires quotidiennes du château, sa vie de famille et ses histoires sentimentales, il a bien du mal à accomplir sa quête et à apporter la lumière à son peuple. Pour l’aider dans cette difficile tache le roi est assisté par les Chevaliers de la Table Ronde, une fraternité d’hommes courageux, nobles et forts qui consacrent leurs vies au bien de leurs prochains. Dans les faits, Bohort, chevalier de Gaunes (Nicolas Gabion), est plus apte à l’organisation des fêtes qu’à la préparation d’un plan de bataille. Leodagan, roi de Carmélide (Lionel Astier), est de la vieille école et ne dit jamais non à une bonne torture ou une guerre contre le voisin. Perceval le Gallois (Franck Pitiot), ou Provencal le Gaulois selon certaines sources, semble avoir fait vœu de stupidité et son ami Karadoc (Jean-Christophe Hembert), chevalier de Vannes, est un prince de la fourchette. Il semblerait qu’Arthur ne puisse compter que sur Lancelot du lac (Thomas Cousseau), mais s’il connaissait l’amour secret que ce dernier porte pour la reine Guenièvre (Anne Girouard), leurs relations deviendraient vite tendues. Ajoutez à cela un Merlin (Jacques Chambon) dont les plus grands succès sont la potion contre les ongles incarnés et la pierre de lune qui transforme la viande en eau douce et vous comprendrez assez bien pourquoi Arthur frôle souvent la crise de nerfs. Hélas on ne peut pas dire qu’il puisse trouver réconfort auprès de sa famille. Guenièvre l’exaspère et sa belle-famille ne perd jamais une occasion de le traiter de naze.

« Kaamelott » est donc le troisième short-com à connaître le succès après « Un gars / une fille » et « Caméra café ». Il est par ailleurs le deuxième succès pour M6 et la société de production CALT (C’est A La Télé) après la série d’Yvan Le Bolloch et Bruno Solo dont il est le successeur à l’antenne. La genèse de « Kaamelott » remonte à « Dies Irae », un court métrage écrit et réalisé par Alexandre Astier et qui contient déjà tous les germes de la série. « Caméra Café » finissant, il réalisa alors six épisodes de cinq minutes afin de les proposer à CALT. Après un deuxième remaniement sous la forme de quatre nouveaux épisodes de quatre minutes, la société de production les proposa à M6. Impressionnée par ces épisodes et probablement conscients du potentiel de l’univers présenté ainsi que des similitudes apparentes avec d’anciens succès populaires français (le décalage époque/langage pouvant renvoyer aux yeux du téléspectateur lambda aux « Visiteurs »), M6 lança la production de 100 épisodes de « Kaamelott » qui apparurent sur les écrans de télé français le 03 janvier 2005. Et là : Surprise !

Car si la série d’Alexandre Astier est l’avatar d’un format devenu très populaire chez nous il se distingue nettement de par son ampleur. Alors que « Un gars/une fille » s’imposait une contrainte de protagonistes (Jean et Alex sont seuls à l’écran) et que « Caméra Café » offrait une galerie de personnages autour d’un point de vue unique (celui de la machine à café), « Kaamelott » s’émancipe de toutes contraintes et offre un véritable ensemble show, c’est-à-dire une série mettant en scène un nombre important de héros réguliers. Bien qu’Arthur soit le personnage principal, la série offre une pléiade de rôles tous aussi comiques les uns que les autres et cela dans une quantité de décors incroyables, et tout aussi beaux qu’ils sont variés.

En effet, de la Table Ronde à la salle du trône, de la chambre d’Arthur à la taverne ou du labo de Merlin jusqu’aux geôles du château, on ne compte pas moins d’une vingtaine de lieux récurrents dans la série. Il faut dire que « Kaamelott » bénéficie d’une réalisation bien supérieure à ce que l’on pourrait attendre d’un tel programme. Issu d’une famille de comédiens de théâtre, Alexandre Astier sait optimiser ses décors et leur apporter ce petit plus particulier pour les rendre crédibles. Ce sont par exemple les dizaines de grimoires dans le laboratoire de Merlin, les armoiries dans la salle du trône où bien encore cette volonté de tourner en éclairage naturel. C’est d’ailleurs cette propension aux décors naturels qui est frappante dans « Kaamelott ». Dès le livre II, des lieux comme la cour du château, les murailles ou la forêt deviennent également récurrents. Le travail sur les décors participe au cachet d’authenticité de la série. Dans la même veine on peut aussi citer les costumes ou armures des personnages qui, s’ils ne sont pas historiquement corrects, retranscrivent bien ce souci d’immerger le spectateur dans un univers bien défini (celui de la légende d’Arthur avec des notions historiques réelles mais baignant également dans la fantasy). De la même manière que les décors, les costumes évolueront au fur et à mesure des saisons, faisant de « Kaamelott » la plus belle série française actuelle. Une beauté renforcée par un excellent montage qui est au centre de la dynamique de la série. En incluant la notion de mouvement cinématographique (aussi primaire soit-il), « Kaamelott » se démarque là encore de ses prédécesseurs. Le dynamisme est engendré par le montage mais aussi et surtout par la qualité de ses dialogues qui sont le nerf central de l’humour de la série.

Un épisode de « Kaamelott » se compose, à de très rares exceptions pour l’instant, comme suit : un court prologue, un générique, un développement de l’histoire puis un générique de fin qui comprend les crédits (du moins dans la diffusion tv) et enfin un gag final qui se conclut sur un fondu au noir avec une dernière réplique. Dés le premier épisode, « Heat », le ton est donné et Arthur se met en position de leader affublé d’incapables. Dans la forêt, Arthur, Léodagan et Perceval tentent d’échapper à un groupe ennemi. Arthur analyse la situation froidement alors que Léodagan veut leur rentrer dedans et que Perceval propose des échappatoires abracadabrantesques. Ce décalage entre un personnage sensé et des personnages décalés renvoie directement à De Funès, l’un des modèles d’Astier, et sera un des fondements de « Kaamelott ». Que ce soit avec sa famille ou ses chevaliers, Arthur devra toujours composer avec des individus déphasés, certes, mais pas dénués de logique pour autant. Il faut rendre hommage ici à l’ensemble des comédiens de la série qui composent des personnages hauts en couleurs, niais, savoureux et drôles avec une justesse incroyable. Le direct Leodagan, le niais Perceval, Karadoc l’affamé, le précieux Bohort, l’insupportable Guenièvre, les djeuns Yvain et Gauvain, l’incapable Merlin... Ce sont tous des personnages merveilleusement bien écris et servis par des dialogues très bien ficelés. On pense bien sûr à Michel Audiard mais il ne faut pas sous-estimer l’influence d’un homme comme René Goscinny sur le double sens des dialogues et le décalage entre l’époque et les situations actuelles telles que les repas de famille, les différentes tentatives d’Arthur pour moderniser son pays ou bien encore les relations que le château entretient avec les romains. De la même manière que dans « Astérix », ce décalage permettra à Astier de dresser une critique de notre société acerbe, notamment sur la question de la place de la femme, la religion, la peine de mort, l’homosexualité, l’obscurantisme...

Une des forces de « Kaamelott » provient aussi de ses guests : Elie Semoun en répurgateur, Emma de Caunes en maîtresse d’Arthur, Léa Drucker en fée Morgane, Roland Giraud en parodie de Robin des bois, Phillipe Nahon en Goustan le cruel (père de Leodagan), Yvan le Bolloc’h et Bruno Solo respectivement en charpentier et porte-drapeaux ou encore François Rollin en roi Loth dont le personnage pourrait être l’ancêtre du professeur Rollin. Alexandre Astier a toujours souligné qu’il ne travaillait qu’avec des comédiens qu’il avait d’abord vus jouer. En mettant le comédien au centre de son écriture et en écrivant aussi pour lui, Astier a créé une alchimie entre tous ses acteurs et apporte ainsi un ton très frais à la série qui se renouvelle du coup constamment. Un renouvellement qui se perçoit d’ailleurs au fil des épisodes quand, petit à petit, les différents héros sortent de leurs clichés pour évoluer vers d’autres sentiers. Les personnages deviennent moins monolithiques et affichent dès lors plusieurs facettes. Nous reviendrons sur le personnage de Lancelot plus bas car il est au centre de la série mais l’on peut déjà s’attarder ici sur celui de Perceval. Le candide comique révèlera un don extraordinaire pour le calcul (dans l’épisode « sept cent quarante deux ») mais surtout nous dévoilera une sensibilité et un amour sans bornes pour Arthur, notamment dans le touchant épisode « L’habitué » où il paye une prostituée simplement pour lui parler de ce qu’il ressent. ‘‘Je suis peut-être pas un as de la stratégie ou du tir à l’arc, mais je peut me vanter de savoir ce que c’est que d’aimer quelqu’un’’. Comme Arthur l’apprendra de sa conscience, Perceval est un gamin qui recherche avant tout l’amour de celui qu’il considère comme son père, à savoir le roi. Et même s’il ne veut pas le reconnaître, Arthur tient à Perceval, l’aide et le protège.

« Kaamelott » ne joue donc pas que sur le registre de la comédie pure et les personnages brisent bien vite le moule dans lequel ils furent crées. Plus que tout autre chose, voilà ce qui affranchit la série de ses autres consoeurs pour emprunter un sentier d’avantage arpenté par les séries anglo-saxonnes et américaines. Mais est-ce étonnant quand on parle de l’histoire d’un roi qui veut lutter contre une tradition archaïque et imposer des valeurs et des lois plus en adéquations avec son époque ?

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