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The Good Fight

1.10 - Bilan de la saison 1

À trois mois étranges !

mercredi 24 mai 2017, par Conundrum

A la fin de Chaos, l’épisode de fin de saison de The Good Fight, Lucca et Maia trinquent aux récents événements de leurs vies avec ce toast : « À trois mois étranges ! ».

"Étrange" est un adjectif qui convient plutôt bien à la saison qui s’est déroulée sous nos yeux.

Étrange n’est pas négatif, en soi. Il y a de l’intérêt, de la curiosité et même de la fascination avec l’étrange. Cette saison fut prenante, voir comment la série a créé son univers tout en rappelant sa filiation à la série mère fut gratifiant.
Il peut persister une légère frustration liée au fait qu’on a accroché plus à ce que la nouvelle série a voulu nous dire qu’à la nostalgie de retrouver le monde de The Good Wife.
Mais à bien y regarder, c’est de la bonne frustration, car cela signifie que The Good Fight est une série solide sur ses mérites propres. La voir marcher avec une béquille dont elle n’a pas besoin est un bon problème à avoir.

Le thème central de la série, le combat pour la justice, est traité avec brio sur toute la saison, et c’est, paradoxalement, celui qui résonne le mieux avec la série-mère. Paradoxal car The Good Wife ne cherchait pas à rendre noble les combats des avocats du cabinet. L’intérêt du traitement de la justice dans la série d’Alicia était le combat entre deux parties et non la recherche de l’équité.
Le pilote de The Good Fight voit Diane rejoindre un cabinet d’avocat non pas par envie de se battre pour un idéal mais par dépit. Qu’elle accepte la proposition d’Adrian à la fin de l’épisode de rejoindre la « bataille pour le bien » ne signifie pas qu’elle intègre le cabinet pour cette raison.

Diane, le personnage le moins bien utilisé cette saison après la pauvre, pauvre, Barbara, n’est en effet que très peu intervenue dans les intrigues judiciaires.
Et aussi sirupeuse que soit l’idée de la scène où elle découvre son ex-mari sauver un bébé, elle amène plutôt bien le fait que Diane prend conscience que lui se bat pour la justice alors qu’elle s’est contentée de défendre des personnes à la moralité douteuse. Il a fallu que son esprit ne soit plus encombré par ses problèmes financiers et personnels pour arriver à cette conclusion. Quand Adrian explique que la seule constante est la loi dans une société chaotique, ce n’est plus la loi dans le sens d’arme de combat dans un jeu où il faut gagner (vision du métier d’avocat dans The Good Wife) mais dans la recherche de la justice (vision du métier d’avocat dans The Good Fight).
La scène où Diane comprend que Kurt est un homme qui, avec ses propres moyens et des idéaux radicalement différents de ceux de Diane, se bat pour une vision forte et claire du « bien » participe de plus à la réconciliation du couple. Sa trahison (quand il la trompe à la fin de The Good Wife) n’efface pas son code de la justice qui plaît tant à Diane. Elle indique enfin qu’il a fallu que Diane trouve un équilibre (le nouveau cabinet), puis un choc (l’idée de perdre Kurt) pour la réveiller et lui apporter l’énergie nécessaire pour qu’elle retrouve un sens à sa vie.
Le traitement du personnage sur toute la saison est loin d’être parfait mais, force est de constater que son arc, à défaut d’être bien mené, est cohérent.

L’arc de Maia est intéressant mais d’une structure problématique. En faire l’histoire centrale et feuilletonnante de la saison impose d’y associer étroitement, sinon exclusivement, le personnage. On ne nous la montre que très rarement en tant qu’avocate. L’évaluation professionnelle, idée parfaite pour un épisode de fin de saison, aborde justement ce point : Maia doit plus s’affirmer. On impose au personnage de s’impliquer dans l’arc juridique. Si son heure de gloire vient à partir d’un moment un peu gros où elle se retrouve seule dans le prétoire, elle est enfin montrée comme une avocate qui a l’étoffe de devenir une très bonne professionnelle. Et c’était très important de le faire avant de clôturer la saison. Le personnage ne semblait que réagir ou avoir besoin des autres (Diane puis Lucca). Il était important de la définir sous un autre angle, et pour une série judiciaire, il était problématique de ne pas la voir travailler sur une affaire.
C’est son arc qui se conclut le mieux. Sa relation avec Lucca est cimentée par son investissement dans sa défense, et surtout le dénouement est parfaitement amené. Je ne parle du fait que, à l’issue de l’épisode, Maia est inculpée, mais de l’aveu de son père. L’arrestation correspond à la relance de l’intrigue pour la saison prochaine. Elle avait en revanche besoin d’entendre de la bouche de son père ce qu’elle refusait de s’avouer : oui, il y avait un complot, mais il n’en était pas la victime, il est coupable.
La trahison finale de son père n’est pas étonnante : on parle d’un homme qui a essayé de piéger sa fille et qui a essayé de se suicider pour éviter la prison et la honte. C’est un homme qui peut relativiser la peine de prison de sa fille, en se disant qu’elle est une jeune femme, et qu’à l’issue de ces cinq ans, elle pourra reprendre sa vie. Tout comme Diane, il faut un choc pour qu’elle s’en rende compte.

Lucca, le personnage le mieux géré de la saison, est mise en retrait dans le finale. Mais si elle apparait moins qu’à l’accoutumée, son importance est primordiale car tous les personnages réagissent à son arrestation. Son absence met en reflet son impact dans la vie de ses collègues et de ses amis. Lucca a toujours été dépeinte comme une femme ayant des difficultés à tisser des liens, sa relation avec Colin était symptomatique de ce fait. Et pourtant, voir autant de monde s’insurger et se battre pour elle montre à quelle point elle est connectée. Et c’est ce point là qui m’a le plus marqué sur cette saison.

En effet, The Good Fight n’est pas une série jetable. Elle pousse à la réflexion, et il m’a fallu un peu de temps pour comprendre quel était l’intérêt de cette première saison. La série n’est pas juste une série dérivante de The Good Wife ou une série sur trois femmes à différents stages de leurs vies. Il s’agit d’une série sur la connexion avec l’autre. Lucca en est le personnage emblématique, en menant « la brave bataille », elle s’est trouvée des collègues qui l’estiment bien plus que d’un point de vue strictement professionnel. Elle a donné et a reçu en retour. C’est une différence notable, et une évolution majeure d’une femme qui n’avait qu’Alicia comme unique amie il y a encore un an.

Pour Maia, il s’agissait d’une déconnexion nécessaire. Elle devait comprendre qu’elle s’était laissée portée par sa famille et voir enfin ses parents comme un homme et une femme à part entière avec un passé et une histoire troubles. C’est une étape nécessaire par laquelle nous devons tous passer, libre à nous ensuite d’adopter nos parents en les acceptant, ou de couper le lien s’il s’avère toxique.
C’est une thématique que l’on voit assez peu à la télévision quand on y pense. La famille est montrée soit sous un regard noble ou comme quelque chose que l’on cherche à fuir. Au bout du compte, l’intrigue centrale, d’apparence purement sensationnaliste avec de l’argent, des secrets et de la trahison, se révèle plutôt intimiste. Maia peine à se prendre conscience de qui sont vraiment ses parents, elle lutte contre l’idée de ce qu’ils sont vraiment durant toute la saison. C’est un arc fascinant qui aurait mérité, par certains moments, d’être peut être mieux traité.

Et enfin, il y a Diane. On sait que les King aiment les parallèles, et le couple n’a pas résisté à la mettre dans une situation similaire à celle d’Alicia aux débuts de la série-mère : une femme qui se doit de revenir dans le monde du travail. Pour Diane, il s’agit d’une reconnexion.
L’avocate s’est un peu perdue dans le cynisme de sa profession. On la voit, dans les débuts de la série, dans un cabinet froid et stérile (pourtant lieu principal de la série mère) défendre un policier dans une affaire où il a commis un crime. Aux côtés de Barbara et Adrian, elle est ré-introduite d’une manière plus noble même si elle garde la même vision réaliste et cynique de son métier que dans The Good Wife. Et, faisant face à une situation financière ardue (elle perd sa fortune... mais garder tout de même son sublime appartement, hein) et créant à nouveau un lien avec son mari, Diane est en plein processus de redécouvrir sa vie.

Cette thématique de la connexion n’est apparue clairement qu’à l’issue de ces dix épisodes. Ils n’étaient pas parfaits, quelque fois « étranges », mais derrière une surface un peu brouillonne parfois, The Good Fight a eu un message clair et un sous-texte limpide.
C’est ainsi une première saison d’une qualité rare, et, malgré ses défauts, un très beau début.


Mais quand même, pauvre, pauvre Barbara.

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