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Un rapport favorable à l'accès des caméras aux procès
le Jeudi 24 Février 2005
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Nous vous en avions parlé, M. Perben a demandé un rapport sur l'accès des caméras aux procès. Il a été remis le 22 février au ministre de la Justice. En voici une première analyse, publiée par Libération le 23 février :

Remis [le 22 février] à Dominique Perben, le texte se prononce pour la levée de l'interdiction mais sous conditions.

Les prétoires sont interdits d'accès aux caméras. Or, n'importe quel téléspectateur peut le constater, il ne se passe guère de semaine sans un procès à l'antenne (1). Des «autorisations» sont accordées sur des critères indéterminés, au mépris du code de procédure pénale. En juin, Dominique Perben a chargé un groupe de travail de réfléchir à la manière de modifier le texte pour sortir de cette situation paradoxale. Le groupe piloté par Elisabeth Linden, présidente de la cour d'appel d'Angers, lui a rendu son rapport hier (2). Et, dès la semaine prochaine, le garde des Sceaux devrait annoncer les suites qu'il compte donner à ces travaux.

Divergences. Comment répondre aux demandes de tournage en veillant au respect de la justice et du justiciable ? De l'aveu même de la présidente Linden, il n'y a pas de réponse idéale (Libération du 2 février). Et, à l'intérieur du groupe composé de magistrats, journalistes et avocats, les positions les plus divergentes se sont exprimées. Avec une inquiétude qui a émergé tout au long des débats : celle de «voir transformer la justice en spectacle, ou en "justice réalité"». Le rapport insiste sur ce «risque majeur» susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux des justiciables (présomption d'innocence, droit à l'image, droit à l'oubli...).

Malgré tout, estimant que le statu quo actuel n'est pas viable, la commission Linden se prononce pour une levée de l'interdiction, «à une large majorité qui transcende les clivages catégoriels et les sensibilités diverses». Une fois le principe d'ouverture posé, les choses se corsent : comment éviter les dérives redoutées ?

La commission analyse deux régimes possibles : la liberté encadrée (l'autorisation est la règle, l'interdiction l'exception), ou l'autorisation préalable de l'institution (cas de figure inverse). Mais manifeste sa préférence pour le second, au moins «le temps que l'institution expérimente la présence des caméras et s'approprie une nouvelle culture dans ses relations avec les médias». Ce qui suppose une impartialité de l'institution dans le traitement des demandes : les décisions devront être motivées pour éviter l'arbitraire.

Dans l'autre système, la liberté de filmer serait la règle. Les acteurs du procès seraient informés du projet et auraient la possibilité de s'opposer au tournage devant une autorité à créer : le «juge de la mise en image». Ils pourraient soulever des motifs tels que «l'atteinte à leur dignité, à leurs droits procéduraux, à la présomption d'innocence ou à leur sécurité». Seraient exclues, sauf accord des parties, les affaires relevant du droit de la famille, concernant des mineurs ou des incapables, «ou susceptibles de porter atteinte à la dignité des personnes (agressions sexuelles, par exemple)».

Consentement. La commission a exploré une «autre forme de régime de liberté» : diffusion de l'intégralité des débats, peu de temps après le procès, et sans rediffusion possible. «C'est le système qui respecte le mieux les droits des personnes, le déroulement des débats judiciaires, l'exigence d'absence de parti pris.» Mais, par réalisme économique, elle estime qu'il n'est pas possible d'imposer de telles contraintes aux médias.

Dans tous les cas, la commission dresse une liste de préconisations qui prévoit notamment de protéger certains acteurs du procès en les «anonymisant» : témoins, policiers, jurés. Mais on se passe du consentement du couple accusé-victime, note Denis Salas, de l'Institut des hautes études sur la justice (IHEJ). Or, si on comprend l'intérêt du film pour les télés, le public, les avocats ou même l'institution judiciaire, celui du justiciable ne saute pas aux yeux. «On lui impose une contrainte supplémentaire au nom d'un intérêt collectif alors qu'il est là, dans sa singularité et sa souffrance», dit Denis Salas. Or la justice est d'abord faite pour lui.

(1) Dernier en date : un huis clos chez un juge des enfants diffusé sur France 2, le 3 février.
(2) www.justice.gouv.fr

Auteur : OzGirl
Source : Libération

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