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Bates Motel - Avis sur le premier épisode de la série prequel à Psycho

Bates Motel: We all go a little mad sometimes

Par Blackie, le 26 mars 2013
Publié le
26 mars 2013
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Je vous rassure, ce montage photo absolument pas étrange fait partie de la promotion officielle de Bates Motel et non pas des délires de Ju inspirés par ce Pilote.

A l’origine, cette review devait être postée la semaine dernière pour dépanner Drum, notre rédacteur le plus flemmard. Mais comme je me laisse facilement distraire par des blagues du Dinklage (gentiment partagées par mon Ju en pâte d’amandes), il faut qu’elle tombe juste après les débats enflammés sur le forum à propos du sexisme dans les séries.

Bates Motel va-t-elle perpétuer l’image des mères éternellement responsables des bêtises de leur mômes ? Les blondes sont-elles les pires ? Et quand Norman prendra la personnalité de maman, faudra-t-il le juger comme un personnage féminin ?
Que c’est compliqué...

C’est quoi ?

Bates Motel est un drame horrifique racontant les origines de la psychose de Norman Bates, à travers sa relation avec sa mère.

Au cas où vous auriez grandit dans une grotte, il s’agit du protagoniste du film d’Alfred Hitchcock Psycho. Contrairement à mon appartement actuel, la douche y marchait très bien.

La série est créée par Anthony Cipriano, qui n’a rien fait de notable à la télé mais a écrit 12 and Holding, un des films sur l’enfance les plus bouleversants que j’ai pu voir.

Faudrait pas que cela nous rassure non plus, alors Carlton Cuse (Lost) s’y colle en tant que showrunner.
Elle est diffusée sur l’inutile A&E chaque lundi soir.

C’est avec qui ?

Les Bates sont des personnages réclamant une écriture assez exigeante et des interprètes suffisamment fins pour ne pas tomber dans le ridicule. Freddie Highmore et Vera Farmiga sont des choix étonnants, et plutôt justes.

Highmore, dont tous les films ont bercé l’enfance d’Iris, a longtemps été vu comme un gamin prodige. On en demande pas moins pour succéder à Anthony Perkins.

Farmiga est considérée comme une actrice dramatique sérieuse (pour ne pas dire chiante), donc idéale pour enlever toute trace d’humour chez maman Bates. Personnellement, elle reste surtout la version après-champignon de Violet dans American Horror Story.

Les acteurs de cinéma, c’est bien pour se prendre au sérieux mais ça coute cher. Alors le reste de la galerie ne peut faire plus prestigieux que Dority de Deadwood, la gamine des 4400, un sosie de Tapenga, le pilote de Pan Am, et le flic a l’eyeliner de Ringer. Dans le rôle d’un flic. Avec de l’eyeliner.

Ça parle de quoi ?

Je vous l’ai dit juste au-dessus !

S’il vous faut vraiment les détails, l’histoire démarre lorsque le père de Norman est retrouvé mort. Sa mère Norma décide de changer de vie en achetant une grande maison flippante, assortie d’un motel pour y accueillir tous les couples adultères, les prostituées, et les secrétaires qui volent plein de cash.

Norman attire très vite l’attention de toutes personnes dotées d’œstrogènes, tandis que Norma n’est pas très appréciée par le cinglé du coin. En dehors de cela, ils vivent une relation filiale parfaitement saine.

Oui, Norma et Norman.

Le gamin n’a jamais eu aucune chance de bien tourner.

Et c’est tout pourri, alors ?

Même pas ! J’étais prête à grincer des dents tout le long, mais je reconnais que j’ai passé un bon moment.

Mon principal souci tenait dans le fait de transposer l’histoire à l’ère actuelle, plutôt que dans les années 50. Le lien avec Psycho m’aurait paru bien plus fort, et ce choix final ressemble à une grosse flemme de la part de la production.

Mais j’avoue que l’histoire fonctionne malgré tout et le détachement vis-à-vis du film fut plus facile que je ne le pensais. Si la maison et le motel sont de très fidèles reconstitutions, les gros liens (en dehors des deux protagonistes) s’arrête plutôt là.
Norman n’y a pas grandit, la mort de son père est récente, un frère détaché est ajouté à la famille, et on n’essaie jamais de nous coller un visuel hitchcockien en travers de la gorge. La série se permet ainsi de virer à la liberté du reboot au lieu des contraintes de la préquelle fidèle.

L’actualité de l’histoire trouve d’ailleurs une bonne raison d’être, en décalant encore plus les Bates du reste de la communauté. Norma semble vivre dans le passé avec ses robes 50s, ses vinyles et sa voiture de collection sur laquelle elle pose en pin-up. Elle enferme ainsi son fils dans cette bulle de perfection, où les autres n’ont pas leur place.

Le décalage de Norman au lycée s’en trouve moins forcé. Pas besoin d’adopter un regard noir ou des habitudes étranges. Il arbore juste une innocence et un calme rassurants, mêlés à ce qu’il faut de gaucherie, pour se poser tout de suite à part. Freddie Highmore adopte une performance proche de celle de Perkins, jusque dans la façon de parler vite et nerveusement lorsqu’il arrête enfin d’observer intensément.

Rater Norman, c’était rater toute la série. Et pour l’instant, il me plait beaucoup.

On n’a jamais l’impression d’être devant un psychopathe en puissance et une mère extrêmement abusive au premier abord. Norma n’a plus que ce fils dans sa vie, et il parait normal qu’elle essaie d’être proche de lui. Ce sont les petites choses qui, accumulées, créent un malaise dans cette relation.

Norman est traité à la fois comme un enfant à protéger de tout et un partenaire sensé la soutenir. Ce qui ne l’autorise jamais à se comporter en adolescent typique, et cette envie perpétuellement bloquée est ce qui crée de l’empathie envers lui.

Évidemment, quelqu’un a du se dire que les développements psychologiques ne suffisent pas pour garder les spectateurs éveillés. Il faut du sang ! De la violence !
La mort du violeur de Norma et la présence d’un tueur en série, dont Norman découvre le carnet de croquis morbides, s’ajoutent donc comme évènements plus marquants. La mort du père Bates, qui ne parait pas très claire, peut également s’ajouter en tant que mystère.

La scène du viol est par ailleurs réussie, car crue et créant bien du malaise. Comme ce genre de scène devrait toujours l’être. Elle fonctionne autant au niveau du suspense, où l’on se prend à espérer que Norman rentre à temps (son timing est effectivement trop bon, mais pas de là à éviter que le mal soit fait), que dans sa capacité à nous faire ressentir quelque chose pour Norma. Jusque là peu engageante, elle fait vite passer de la peine à l’encouragement, pour finir sur du doute quant à sa santé mentale.

La venue des flics tente de continuer à faire monter la tension, mais fonctionne beaucoup moins par son aspect prévisible. Il est évident qu’ils ne découvriront rien, ni que les Bates vont s’attaquer à eux. Il est un peu tôt pour virer dans quelque chose d’aussi grossier. En plus de ça, je n’aime pas trop écouter les gens faire pipi pendant dix minutes.

Les scènes entre adolescents furent également assez pauvres. Le groupe de filles fascinées par Norman (pour des raisons qui tiennent à un fil) est un cliché ambulant et leur monde d’une banalité confondante. Ces moments font surtout regretter le reste de cet univers, bien plus énigmatique.

En tout cas, Bates Motel a le potentiel d’être une petite série horrifique sympathique.
Tant qu’on en attend pas trop à cause de sa filiation ou des présences de Farmiga et Highmore. Même s’ils constituent clairement les points les plus forts de l’ensemble.

Blackie
P.S. Norman a un bateau. Cela fait trop de coincidences... Vous croyez qu’il a aussi un jumeau maléfique caché ?