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Boss - Kelsey Grammer dans la nouvelle série politique de Starz

Boss: Citizen Crane

Par Jéjé, le 26 octobre 2011
Par Jéjé
Publié le
26 octobre 2011
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Ok. La vignette fait un peu peur. Et le concept de « Frasier dans The West Wing sur la chaîne de Spartacus » fait encore plus peur ! Mais ce qui fait vraiment inquiétant, c’est, même présenté comme ça, Boss, c’est toujours plus intrigant que les trois quart des nouvelles séries de la rentrée…

Qu’est-ce que c’est ?

Boss est le bébé de Chris Albrecht, le nouveau chef des séries de Starz, l’ancien grand manitou de HBO qui a lancé les Sopranos et Sex & The City, viré en 1997 pour une histoire de violence domestique à Atlantic City.

C’est la série sur laquelle compte Starz pour venir se faire une place sur le terrain des « Ultra-Premium-Quality-TV-Networks » qui ont des séries où on peut dire « Fuck » dedans et acquérir une certaine respectabilité que Spartacus et Party Down n’avaient pas réussi à lui apporter.

C’est avec qui ?

Des gens qui ne sourient pas beaucoup.

Kelsey Grammer.

Keylsey Grammer.

Kelsey Grammer. Que Conundrum idolâtre de façon absolue, non seulement parce qu’il est l’un des rares acteurs d’Hollywood à avoir publiquement soutenu George W. Bush et être actuellement l’un des fervents supporters de Michelle Bachmann du Tea Party, mais aussi parce qu’il est l’ex-mari d’une des Real Housewives de Beverly Hills.

A côté de lui, on trouve, de temps en temps, Connie Nielsen, la seule femme de Spartacus (le film), Jeff Hephner (dont Drum, lui encore, doit être l’un des rares à se souvenir qu’il avait joué dans l’excellente série The Jury, Iris ne le connaît que de Hellcats) et Kathleen Roberston (dont tout le monde se rappelle du passage dans Beverly Hills et dans les deux épisodes de Girls Club, la meilleure série de David E. Kelley).

De quoi ça parle ?

De plein de choses.

La série Boss s’organise autour d’un homme, Tom Kane (oui, oui, comme le citoyen d’Orson Wells… C’est pas très subtil, on sait… [1]), maire de Chicago depuis plusieurs mandats. Au sommet de son ascension, on le présente de suite en action.

Il parasite la campagne de ré-élection du gouverneur, forme le poulain qu’il destine à prendre la place de celui-là, manipule le conseil municipal, intimide ses partenaires, mène à bien ses grands travaux urbains.
En alignant discours sur discours... sur discours…
Et en tirant les oreilles de ceux qui ne l’écoute pas.

On pourrait penser que la série tient un thème solide, ambitieux comme il faut, en l’occurrence le pouvoir.
Qu’elle exploite déjà intensément dans ce pilote en développant des intrigues qui illustrent comment il s’exerce, il se conserve, il s’atteint, il se désire, il se transmet, il se perd…

Mais manifestement, ce n’est pas assez ambitieux.

Se greffent à tout ça la maladie et la mort, puisque Tom Kane apprend dans la première séquence de l’épisode qu’il est atteint d’une maladie dégénérative rapidement débilitante et mortelle.

Et cerise sur la forêt noire, on lui colle une fille diacre d’église au passé de toxicomane.

Et c’est bien ?

La description de l’exercice du pouvoir est passionnante par sa volonté d’en examiner tous les aspects et également par le fait qu’elle s’appuie sur un personnage central de quasi despote (que l’on espère un peu) éclairé.

Le personnage de Tom Kane n’a rien à voir avec un Jed Bartlet, un Matt Santos ou un Arnold Vinick, qui représentaient les visions idéales d’hommes politiques dans le monde fantasmé et clairement assumé comme tel, de The West Wing. Il n’est étranger ni à la corruption, ni au trafic d’influence, ni à l’intimidation et s’inscrit dans une représentation plus « réaliste » de notre société. Réaliste certes, la série adopte une posture clairement romanesque et très éloignée de la démarche quasi-documentaire des séries de David Simon.

Ce qui permet de faire passer certains des agissements du maire gentiment caricaturaux (au mieux) quand il menace physiquement un de ses alliés ou bien qu’il organise l’agression de son médecin.

La prestation exceptionnelle de Kelsey Grammer empêche également dans ces moments-là le spectateur de lever les yeux au ciel… Car que l’on aime (ou non) Frasier (c’est de toute façon quasiment le seul travail que l’on connaît de Grammer [2], Boss mérite le détour grâce à lui. (Bryan Cranston a du souci à se faire pour les prochains Emmys !)

Y’a un très joli générique, pour ceux que ça intéresse

L’esprit romanesque est également servi par une atmosphère froide et mélancolique, portée par une photographie brumeuse dans des tons gris et bleus splendides. Ces images semblent mélanger le passé et le présent et répondent bien à la séquence où des effets spéciaux font surgir le vieux Chicago à la place des buildings récents quand Kane et son protégé sont sur le toit de l’hôtel de ville.
Cette ambiance quasi onirique (avec Gus Van Sant derrière la caméra pour cet épisode, ce n’est pas une surprise) rend de certaine façon plus crédible, ou du moins plus acceptable, que Kane agisse en maître absolu de la ville, comme s’il n’y avait pas d’intérêt de parti, et sans que l’on connaissance son affiliation à l’un d’entre eux.

Pour l’instant, les autres personnages ont du mal à exister. C’est un peu normal tant la quantité d’informations donnée dans ce pilote est dense. Pour moi, celui de sa femme se détache déjà même si c’est surtout par le fait qu’elle amène avec elle (elle est la fille d’un ancien maire de la ville) le sujet passionnant de l’entrée en politique par le népotisme (non, Arnold, on ne pense pas qu’à toi)… Et qu’elle est incarnée par la formidable Connie Nielsen.

Deux problèmes se posent cependant dans cet épisode.
Un grand et un petit.

Le premier, mineur, concerne l’intrigue pour l’instant ennuyeuse de la fille de Kane, entrée en religion et pourtant prête à retomber dans la drogue. J’imagine qu’elle est le point d’entrée de la série vers les classes populaires, mais elle est trop déconnectée du reste de l’univers de la série et l’actrice ne semble pas avoir le dixième du talent de ses parents télévisuels. Il faut juste voir si les deux, l’intrigue comme l’actrice, peuvent prendre de l’ampleur sur la durée.

Le deuxième, plus gênant, c’est la maladie de Kane.
Je ne vois pas ce qu’elle ajoute à la série. Et pour l’instant, je vois surtout les problèmes qu’elle cause :
— des comportements de personnages bien peu crédibles : le médecin du maire qui se fait injecter un paralysant temporaire pour qu’on lui récite le serment d’Hippocrate et la maire qui achète la nuit ses médicaments à la sauvette.
— des doutes parasites pour le spectateur pendant certaines scènes : quand Kane prend par l’oreille le représentant des ouvriers de constructions, est-ce un trait de caractère normal du personnage ou bien les premiers symptômes de la maladie ?
— un questionnement inutile pour le spectateur sur la durée de l’intérêt de la série. J’adore Kelsey Grammer dans ce rôle mais je n’ai pas envie de le voir baver sans pouvoir parler...

Souriez... On l’aime bien votre série !

Il me reste l’espoir que les deux saisons à venir me donnent tort sur cet aspect de la série et à ne pas oublier que Boss est, de loin, ce que j’ai vu de mieux depuis le début de la saison.

Jéjé
P.S. Et pendant ce temps, Conundrum poursuit sa septième intégrale de Frasier
Notes

[1Au départ, il devait s’appeler Tom Code et la série Chicago Code. Mais c’était déjà pris et ça faisait trop CW !

[2Il a incarné ce personnage pendant 20 ans, de 1983 à 2004, dans trois séries différentes.