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Breaking Bad - Retour sur l’adaptation de Breaking Bad pour la télévision colombienne

Metástasis: Tout est plus drôle en espagnol

Par Ju, le 4 novembre 2014
Par Ju
Publié le
4 novembre 2014
Saison 6
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Voilà plus d’un an que le dernier épisode de Breaking Bad a été diffusé, et on n’en a jamais parlé sur le site. C’est (en partie) ma faute. Comme souvent avec une série aussi populaire, j’ai beaucoup de mal à me lancer dans l’écriture d’une critique quand tout, ou presque, a déjà été dit ailleurs. J’aime avoir un angle original quand il s’agit d’aborder une série comme Breaking Bad.

Et je crois que je l’ai enfin trouvé.

Vous avez sans doute déjà entendu parler de Metástasis, l’adaptation colombienne de Breaking Bad lancée en juin sur Unimás. Plusieurs articles y avaient été consacrés à l’époque, puisqu’il s’agissait, en gros, de la meilleure idée de la Terre.

Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que Metástasis a été diffusée sur le mode des telenovelas sud-américains, à raison de cinq épisodes par semaine, chaque semaine, sans interruption.
La série s’est donc terminée en septembre, après quatre mois de diffusion et 62 épisodes qui auront vu le faible Walter Blanco se transformer en méchant Jaisenber et, vous l’aurez maintenant compris, j’ai passé pas mal de temps ces derniers jours à revivre les meilleurs moments de Breaking Bad à travers son parfait jumeau en español.

Mon bilan ? Sans surprise, je me suis trouvé conforté dans une des règles qui me gouvernent depuis des années : tout est toujours plus drôle en espagnol.

Et non, en disant ça je ne m’arrête pas au fait que des noms comme « Walter Blanco », « Cielo Blanco », « José Miguel Rosas » ou « Saúl Bueno » sont absolument hilarants en eux-mêmes.
Je sais très bien que j’ai une affection particulière pour cette langue réjouissante, la paeYA, los toROS, et tous les clichés espagnols et sud-américains que j’adore mélanger grossièrement sans raison particulière. Forcément, j’allais trouver Metástasis marrante.

Mais en écrivant que tout est plus drôle en espagnol, je veux simplement dire qu’une série comme Breaking Bad, une série sérieuse, une série importante, la « Meilleure Série de Tous les Temps » d’après mon Papa (dont l’autre série préférée est The West Wing qu’il a vu intégralement en VF et en VOST, au passage), est rendue parfaitement ridicule dès qu’elle est interprétée par des acteurs moyens parlant une langue rigolote dans des décors en carton.
Et ça, malgré le fait que Metástasis reprend presque plan pour plan la série originale.

J’ai donc regardé le final de la série en entier, pour me faire une idée précise du niveau de fidélité de l’adaptation, ainsi que tous les moments marquants de Breaking Bad (et il y en a un paquet). Résultat : on ne peut pas faire plus fidèle que ça.
Le final démarre peut-être dans une voiture embuée sous la pluie, plutôt que sous la neige, mais c’est une différence qu’on comprend bien. Le reste est identique, absolument pareil (sauf pour quelques trucs qui coûtent trop cher), avec la même musique d’ambiance (mais pas les mêmes chansons), en moche.

Jusque-là, pas de surprise. Ce qui est plus inattendu, c’est quand des passages très forts de Breaking Bad arrivent à provoquer une émotion, malgré l’emballage, malgré la langue.
Par exemple, la dernière scène dans la cuisine entre Cielo et Walter, où celui-ci avoue enfin qu’il a fait tout ça parce que ça lui plaisait, parce qu’il était doué, pas pour sa famille, est aussi forte et satisfaisante ici que dans l’original. Ça n’a sans doute aucun sens et aucune raison de l’être, mais c’est tout au crédit de l’écriture de Vince Gilligan, et c’est assez important pour le signaler.

A l’opposé, une conclusion aussi facile que « Walter tue tous les nazis sans aucune difficulté avec la mitraillette planquée dans son coffre de voiture » est encore plus ridicule ici que dans Breaking Bad.
Car si j’ai trouvé la dernière saison de la série vraiment réussie, je n’ai jamais pu m’empêcher d’être déçu par sa conclusion, trop facile à mon sens, et surtout trop gentille envers son personnage principal. Walt obtient sa vengeance, se réconcilie avec sa femme, trouve un moyen de refiler son argent à ses enfants, et meurt sans faire face aux conséquences de ses actions. J’aurais préféré que la série s’arrête sur le fabuleux Ozymandias deux semaines plus tôt, ou même avec Walter seul dans sa cabane, en train de mourir, dans l’épisode précédent.

Ici, l’histoire est exactement la même, le sentiment de facilité demeure, sauf que l’emballage fait que tout parait encore plus ridicule. En effet, dans Metástasis, à la fin de chaque séquence, il y a des pubs. Et au début et à la fin de chaque plage publicitaire, il y a un écran titre avec un petit jingle énervant à la guitare :

Metastatis revient dans un instant !

Et dans le genre « truc qui casse l’ambiance sombre d’un final déjà très bancal », ça se pose.

Dans ces moments, il faut bien se rendre à l’évidence, il y a une vraie raison pour laquelle Breaking Bad a été adaptée en telenovela : c’est parce que son intrigue et ses rebondissements multiples sont tellement gros qu’ils sont parfaitement à leur place dans le genre.
(Si vous ne voyez pas de quoi je parle, je vous conseille l’excellent pilote de Jane the Virgin, diffusé cette année sur la CW. Je ne sais pas si je regarderai la suite, mais le premier épisode était assez génial. Et très proche de Breaking Bad, apparemment.)

Partant de ce constat, j’ai commencé à réfléchir à d’autres moments énormes de la série.

Et c’est donc avec joie que je vous présente « les 9 raisons qui font que Breaking Bad a toujours été une telenovela ».

9 ¡ Walter White a un alter ego maléfique qui porte un bouc !

Dès qu’il se rase la tête et porte le bouc, Walter se transforme en vrai dur à cuire trop cool qui adore qu’on lui dise comment il s’appelle (« Diga mi nombre ! »), que tout le monde redoute...

... et qui n’hésite pas à faire exploser des immeubles grâce à des substances magiques dont il a le secret.

8 ¡ Breaking Bad est une histoire d’argent, de trahisons et de violence !

Malheureusement, malgré le succès de son trafic de drogue, l’argent ne fait pas tout et Walt n’arrive pas à s’entendre avec son associé Mike, qu’il tue...

... mais rira bien qui rira le dernier, car Walter meurt lui aussi à la fin, après une énorme fusillade...

... dont seul son protégé sort vivant (mais changé, après des mois et des mois de tortures).

Et je vous remets une deuxième photo de Mike, parce que c’est le contraste d’acteur le plus drôle de la série.

Enfin... le deuxième contraste le plus drôle de la série... les gagnants sont en numéro 1 de ce classement.

7 ¡ Walter White vit plein d’aventures improbables !

Quand on est fabriquant de drogue comme Walter, on n’a pas le temps de s’ennuyer, et parfois les ennuis s’accumulent. Comme quand il se retrouve coincé dans le désert ou que, désespéré, il se marre tout seul dans son sous-sol...

... ou encore quand il affronte un poulet géant.

Je ne me souviens absolument pas du poulet géant dans Breaking Bad.

6 ¡ Les actions de Walter White ont des conséquences incroyables : il est responsable du crash d’un avion !

Avec un ours rose dans des flashforwards inutiles en noir et blanc et un ours rose, parce que Breaking Bad est une série artistique remplie d’interprétations possibles.

Oui, c’est une troisième photo de Mike.

5 ¡ Walter White est responsable de la mort de la petite amie de son protégé !

Et il gardera ce secret presque toute la série, comme dans toute bonne telenovela qui se respecte, même si en définitive, ce n’est pas si grave... car, quand même, à cause d’elle, Jose Miguel Rosas... heu, Jesse... se droguait.

Et la drogue, c’est mal !

4 ¡ Walter White est responsable de la mort de son beau-frère !

Pendant presque toute la série, Walter cache sa véritable identité à son beau-frère, qui dans une coïncidence digne d’un feuilleton d’après-midi sud-américain, travaille à l’agence anti-drogue.

Son secret est éventé lors d’un repas de famille, quand Hank se rend aux toilettes...

... mais celui-ci ne pourra rien faire, car Walt crée une vidéo de confession pour le faire chanter.

Mensonges, secrets et trahisons en famille, c’est de la telenovela.

3 ¡ Breaking Bad a un suspense insoutenable, comme quand Walt organise le braquage d’un train !

Ou, le braquage d’un camion, je ne me souviens pas trop.

Notons au passage que Metástasis ne censure pas trop la violence, alors que tout ce qui est vaguement sexuel disparait (la scène de « viol domestique » en début de saison 2 est coupée, pas trop discrètement, dès que Walter s’approche de Cielo, et reprend alors qu’il a déjà quitté la cuisine).

Le seul vrai acte de violence qui disparait est le meurtre du gamin en saison 5...

... qui se résume à cet « enfant » faisant coucou, Todd qui lève son arme, un bruit de pistolet, et un plan sur l’araignée dans son bocal.

2 ¡ Walter White affronte un super méchant !

Toute bonne telenovela se doit d’avoir des méchants plus grands que nature, et Gustavo Fring remplit très bien ce rôle. Intelligent, implacable, avec toujours un coup d’avance sur Walt, il n’est vaincu qu’avec l’aide providentielle...

... d’un vieux sur un fauteuil roulant.

Celui de Metástasis est apparemment paralysé du visage, ou alors l’acteur n’avait pas envie de jouer ce jour là.

1 ¡ Walter White est poursuivi par des tueurs jumeaux invincibles !

...

Ok, arrêtez de rire.

La voilà, l’intrigue la plus telenovela de Breaking Bad, celle qui fait qu’on n’a pas à être étonné du tout que la série ait été adaptée en Colombie. Le Cartel envoie des tueurs invincibles pour se débarrasser de Walter, des jumeaux qui font leur grande entrée dans la série en faisant exploser un camion d’immigrés clandestins à la frontière.

...

Sauf dans le cas d’une adaptation sud-américaine où il n’y a pas vraiment de frontière à traverser clandestinement, et où ils arrivent donc en avion à l’aéroport, avant de faire leur grande entrée dans la série en...

... tuant leur chauffeur de taxi avec une hache, parce que leur facture est trop salée.

Oui, vraiment.

Ils meurent lors d’un affrontement spectaculaire avec le beau-frère de Walt dans un parking de supermarché...

... ce qui a le mérite, une fois pour toute, de venger la mort de leur chauffeur de taxi.

¿ En conclusión ?

Que vous soyez ou non de ceux qui trouvent que Breaking Bad est une série sérieuse, une série importante, la « Meilleure Série de Tous les Temps », peu importe.

l fallait juste qu’on nous ouvre un peu les yeux pour qu’on s’en rende compte, mais il y a bien une chose sur laquelle on peut tous être d’accords : au fond, Breaking Bad a toujours été une telenovela.
La telenovela la plus jolie à regarder, et la plus soignée de tous les Temps.

Pensez à ça la prochaine fois que vous allumerez un cierge à l’autel de la série.

Ju
P.S. Vivement "Walter Blanc", l’adaptation française sur TF1 avec Francis Huster !