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Empire - Avis sur les premiers épisodes du premier soap dans le milieu du hip-hop

Empire: Papa, Can You Hear Me ?

Par Jéjé, le 28 janvier 2015
Par Jéjé
Publié le
28 janvier 2015
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Je ne vous cache pas qu’en cette nouvelle année, Galavant était la seule série musicale que j’attendais. Accaparé par l’idée de découvrir ses princes et ses princesses en collant, ses chansons écrites par le compositeur d’Aladin et de La Petite Sirène et son format court, je n’ai accordé à Empire qu’une toute petite attention quand j’ai appris qu’elle était produite par Timbaland.

Une série financée par un fabricant de chaussures de bucherons, c’est étrange, me suis-je dit.

Qu’est-ce que c’est ?

Empire, c’est le gros carton série du début de l’année et la preuve (j’imagine rassurante) pour les networks que Shonda Rhimes n’est pas la seule à réussir à créer des séries qui marchent et qui font parler.

La FOX, qui la diffuse le mercredi soir avec un succès croissant depuis trois semaines, est en passe d’être sauvée du marasme et de l’indifférence que provoquait sa grille de programmes depuis des années, non pas par le retour de Jack Bauer, non pas par Batman sans Batman, non pas par Mindy Kalling [1], mais bien par Dynasty Au Pays du Hip-Hop.

De quoi ça parle ?

Pour nos plus jeunes lecteurs et pour les adeptes de Quality-TV qui auraient éradiqué de leur mémoire les années 1980 convaincus que les série télé ont vraiment commencé avec Twin Peaks et les Sopranos, rappelons que Dynasty fut pendant les années Reagan aux États-Unis l’un des fleurons des Prime-Time Soap Operas, ces feuilletons très populaires qui prenaient très très au sérieux les luttes de pouvoirs et les histoires sentimento-sexuelles de leurs personnages.

Dynasty a initialement construit sa singularité en intégrant dans son univers des sujets de société inhabituels pour le genre et l’époque (opposition de classes sociales, homosexualité...) avant de bâtir son succès sur la flamboyance de ses personnages féminins (à la fois dans leurs coupes de cheveux et dans leurs caractères belliqueux).

Vingt-cinq ans plus tard donc, Empire transpose méticuleusement l’ensemble de ces caractéristiques dans le milieu du hip-hop.

Danny Strong, son co-créateur, scénariste des deux premiers épisodes, a des références plus prestigieuses et aime à dire que l’œuvre de Shakespeare constitue l’inspiration première de la série.
Apparemment, l’histoire d’un magnat de l’industrie du disque, qui se découvre une maladie incurable et qui décide de monter ses fils les uns contre les autres pour déterminer celui qui lui succèdera à la tête de son empire, c’est la trame du Roi Lear. (Je ne peux pas vous dire, moi, ces frères en rivalité pour la reconnaissance paternelle me font surtout penser aux Ewings et à Dallas…)

Mais Lee Daniels, l’autre co-créateur, le papa de Precious, assume beaucoup mieux l’esprit d’Empire. Lui aime plutôt dire qu’il est venu faire un petit tour à la télé pour supplanter sur leur terrain les Real Housewives dont il est fanatique. (Ce sont des références qui me touchent un peu plus…)

C’est avec qui ?

Taraji P. Henson.
Et d’autres personnes.

Mais surtout Taraji P. Henson, qui est la véritable star de cette histoire d’hommes.

Elle risque de déstabiliser (un tout petit peu) les afficionados de Person of Interest dont le personnage qu’elle incarnait fut le compas moral des premières saisons. Elle est cependant tout aussi convaincante dans un rôle tout aussi stéréotypé de femme revancharde et grande gueule prête à tout pour arriver à ses fins.

La distribution masculine, constituée essentiellement d’inconnus (à l’exception de Terence Howard dans le rôle du père), fait moins d’étincelles pour l’instant (ils ont, il est vrai, moins de choses à faire et sont occupés une grande partie du temps à chanter).

Et c’est bien ?

Oh, que oui.

Il faut être client du genre, évidemment.
Et si on mesure la réussite de la série au nombre de moments « Oh mon Dieu, mais qu’est-ce qu’il se passe ? », on peut dire qu’après trois épisodes, le contrat est largement rempli.

Ce qui est rassurant pour la suite, c’est qu’ils ne constituent pas la raison d’exister de la série. Il en va de même pour les moments musicaux. Contrairement à une série de Ryan Murphy, l’intrigue générale n’est pas un prétexte pour passer le temps entre des points forts.
En seulement trois épisodes, Empire semble déjà posséder une vision très claire de ce qu’elle veut raconter : la construction difficile d’une relation entre un père homophobe et un fils qu’il a longtemps rejeté à cause de son orientation sexuelle. C’est une histoire d’autant plus passionnante qu’elle se déroule au sein d’une famille et d’un milieu social et professionnel où la force et la légitimité d’un homme dépend d’une virilité débarrassée de tout attribut supposément féminin.

La composante « premier degré » du soap à l’ancienne sied particulièrement bien à ces enjeux narratifs et l’exagération des sentiments, caractéristique du genre, leur apporte une dimension tragique essentielle.

Trois épisodes, c’est évidemment bien peu pour avoir une idée des « jambes » de ce type de série, mais j’ai l’impression que des choix malins ont été faits derrière la caméra. Si Danny Strong et Lee Daniels sont bien les créateurs de la série et l’âme du pilote, ils n’ont pas l’expérience de la forme « série télé » et je trouve assez excitant que les rênes aient été confiés dès le deuxième épisode à Ilene Chaiken, la créatrice et showrunneuse de The L Word. S’il y a bien une personne capable de mener sur le terme un soap sur une thématique gay, c’est bien elle.

Le milieu du hip-hop semble de plus une source de thématiques inédites à explorer, particulièrement sur les networks, et j’espère que la série creusera celles du racisme (amorcée avec habilité dans le troisième épisode), du rapport à l’argent et de l’égalité des chances dans la société américaine…

Je me dis qu’on tient peut-être là une grande série populaire.

Jéjé
P.S. L’assistante de Cookie (Taraji P. Henson) a été façonnée sur Nene Leakes de Real Housewives of Atlanta, je ne me trompe pas ?
Notes

[1Vraiment Drum, il faut te faire raison !