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Huge - Avis sur le premier épisode de la série

Huge: A déguster comme un bon cheesecake au citron

Par Blackie, le 11 juillet 2010
Publié le
11 juillet 2010
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Ah, l’été ! C’est la période préférée d’ABC Family pour rameuter tous ces jeunes n’ayant plus rien à regarder sur les chaînes plus potables. En ce moment, la mode chez eux est aux vampires, mais la chaîne mère exploite déjà le filon avec The Gates (plutôt sympa, soit dit en passant), et aux adaptations de bouquins. Bingo ! Pourquoi faire original quand on n’a pas besoin de se creuser ?

Le truc, c’est que cette adaptation là est faite par Winnie Holtzman, à qui on devait entre autres My-So-Called Life, qui ne fut pas trop la série la plus pourrie du monde sur l’adolescence. Elle s’y connaît aussi en adaptation à sa sauce grâce au musical Wicked. Ajoutez une actrice de Firefly, et vous avez le tiercé gagnant pErDUSien.

Oublions donc la chaîne qui daigne bien la diffuser, Huge mérite le coup d’œil au même titre qu’une autre.

Huge raconte quoi d’abord ?

On suit l’arrivée de la jeune Willamina à Camp Victory, une de ces colos d’été où le but est de faire perdre du poids à des adolescents obèses. Envoyée contre son gré, elle se bute à la directrice, refuse de se plier à la moindre règle, prend en grippe la jolie Amber, fait du traffic de bouffe, développe un béguin pour le gentil Ian, qui en pince lui-même pour Amber, qui en pince pour l’assistant de la prof de gym. On rit devant le strip-tease de Will pour la photo « Avant » en maillot de bain et son attitude de caïd de bonbons dans les toilettes. On s’émeut devant l’humiliation d’Amber qui craque son short et le départ forcé d’une campeuse. Et on s’étonne d’apprendre que Gina Torres a été grosse, un jour.

Du poids sur la bonne balance

Avec pour sujet principal l’obésité, une série peut très facilement virer dans les pires travers avec des personnages geignards et un discours condescendants. Ainsi, elle ne finirait par qu’intéresser que les gens souffrant du même problème et ne donnant envie que de s’y complaindre.
Huge évite totalement de tomber dans ces erreurs faciles dès son Pilote, grâce à deux très bonnes idées.

Déjà, elle se focalise uniquement sur un groupe d’adolescents. Des adultes sont beaucoup trop faciles à montrer du doigt, car considérés comme seuls responsables s’ils mettent en danger leur santé. L’opinion se résume un peu au manque de volonté et n’engendre pas trop d’empathie. Chez les jeunes enfants, on blâme les parents.

Mais les adolescents, c’est autre chose. Cet âge est une mine d’or scénaristique, parce que le mal-être y prend toutes les formes et que c’est une période de transition où chaque personnage apprend à découvrir qui il est. Que le surpoids en soit une cause ou une conséquence, c’est un sujet qui s‘intègre parfaitement à cette période charnière où l’image de soi prend un rôle si important. Résultat, il est très facile de s’identifier à ce que ressentent les personnages, que l’on ait déjà connu un rapport conflictuel avec la nourriture ou non.

La seconde bonne idée, c’est d’avoir placé ces ados dans un Fat Camp. Sortis de leur univers familier, on ne connait pas leur passé ni leur famille, et l’on apprend petit à petit les raisons de leur présence. Cela permet de se focaliser sur chacun d’entre eux, au même point de leur vie, dans un lieu neutre. Et il n’y a pas besoin de les confronter aux clichés du lycée. Les humiliations publiques, l’horreur des douches communes et des cours de gym, ça va, on a vu et revu. Ici, ils sont tous sur un pied d’égalité et le spectateur ne peut que les voir comme tels et ne les compare pas sans le faire exprès aux esthétiques habituelles.

Le camp d’été permet de ne pas perdre son temps sur les soucis de cours et de se focaliser sur les relations amicales et amoureuses, et toutes ces expériences qui y sont immanquablement liées. Un lieu fermé et une courte période bien définie, c’est une petite bulle que Huge se créé afin de ne pas s’étaler autour de son sujet et de se distinguer un peu des autres teen shows.
Elle a d’ailleurs un joli petit cachet grâce à sa caméra à l’épaule, une bande-son originale faite de guitare sèche plutôt que de tubes pop (il n’y a rien de tel pour évoquer la colo), et des décors naturels qui font de ce camp au milieu de la forêt un endroit moins fictionnel.

Et au cas où ce que je viens de dire ne l’a pas laissé entendre, je suis certaine qu’il n’y aura jamais de blagues grasses sur des fonctions corporels peu ragoûtantes comme dans un film d’Eddie Murphy. L’obésité n’a aucune raison de rimer avec un niveau intellectuel très bas.

The biggest winners

Ecrit et développé par des femmes, il n’est pas très étonnant que l’on se focalise dans ce Pilote principalement sur le groupe de filles partageant le même cabanon que nos deux héroïnes. D’autant que le surpoids est considéré comme un sujet principalement féminin. Mais Ian le campeur amateur de rock et George le jeune assistant à moitié sourd ne sont pas en reste et plutôt prometteurs. Seules la prof de sport et la guide cucul font office de caricatures à ce stade, mais elles servent plus de véhicules comiques à petit dose.

Camp Victory déclare vouloir rendre ces jeunes en bonne santé et en forme, pas les faire maigrir pour les faire rentrer dans un certain moule. Ce qui est très louable en soi, mais très difficile à faire rentrer dans le crâne d’adolescents pour qui se sentir désirés est synonyme de minceur. Certaines de ces filles sont juste un peu rondes et n’ont même pas dix kilos à perdre, mais c’est leur rapport avec la nourriture et l’image qu’elles voient qui coincent.
Restriction alimentaire et exercices physiques sont donc au programme.
Bonjour les vacances qui ne donnent pas envie de se lever le matin.

Nikki Blonsky confirme un talent déjà entrevu dans Hairspray, dans un rôle assez opposé. Will n’est pas aussi bien dans sa peau qu’elle le clame, n’aime pas trop se pomponner en fille très féminine et a tendance à broyer du noir. Avec ses mèches bleues et ses t-shirts de rock, c’est une fille très intelligente et forcément rebelle, qui refuse de maigrir par contradiction envers des parents ne l’acceptant pas telle quelle. Il y a aussi une peur de l’échec qui la freine. Blonsky réussit en tout cas toujours à dégager de la force dans ses personnages, qui donnent envie de la suivre lorsqu’elle fait bouger l’ordre établit.

A l’opposé de Will se trouve Amber, la jolie blonde qui accumule les régimes depuis ses 10 ans et est l’une des plus minces du camp. une obsédée de son image qui ne se trouve jamais assez jolie et devient la star du camp, celle que tous les garçons convoitent. Il y a des geeks et des jocks à Camp Victory, mais à un degré bien moindre. Amber peut être considérée comme la cheerleadeuse, la fille jolie, populaire et convoitée, et il serait très facile de la détester pour cela. Mais elle n’est tellement pas habituée à tant d’attention que c’en est impossible. Elle ne sait pas flirter, n’a jamais été populaire, et elle est un peu maladroite et timide face au garçon qui lui plaît juste parce qu’il est mignon et a été gentil avec elle. Il n’y a pas une once de prétention chez elle, ce qui fait que sa rivalité avec Will semble veine et a tout pour devenir une grande amitié, chacune pouvant beaucoup apporter à l’autre.
Heureusement pour nous, Hayley Hasselhoff surpasse largement le jeu de son ridicule papa.

A signaler (parce que c’est loin d’être insignifiant), tous les interprètes des campeurs sont bel et bien en surpoids. Pas de "Fat Suit" ou de « Gros de 60 kilos » comme on a souvent droit en fiction, au milieu des moches qui deviennent canons dès qu’elles découvrent les lentilles et le shampooing. On ne se fiche pas nous, et l’on a d’autant plus envie de croire aux sentiments que dégagent les comédiens. Blonsky a encore pris du poids depuis Hairspray et Hasselhoff, bien qu’en meilleure santé, est une ancienne mannequin Plus-Size. Roseanne l’avait prouvé : il n’y a pas besoin d’être un sac d’os pour rameuter les foules.

A la tête de ce petit monde fermé, il y a le Dr Rand. Une femme forte, un peu rigide et autoritaire au premier abord, mais avec une certaine douceur qui transparaît derrière. Vu qu’elle est jouée par Gina Torres, elle est forcément formidable, et elle rappelle ici beaucoup un autre rôle dans lequel on l’adorera toujours, par ce mélange de dureté et de bienveillance. Rand semble avoir son lot de soucis concernant sa relation à peine entrevue avec son père, engagé comme cuisinier au camp. Ancienne campeuse, elle incarne la promesse de Camp Victory de donner un corps sain. Mais pour la paix de l’esprit, il reste encore beaucoup de travail. En tout cas, les relations parents-enfants semblent être autant au cœur de ces histoires que les soucis de poids.

Au final

Huge est une série avec beaucoup de cœur, de l’humour et des personnalités que l’on a très vite envie d’explorer. On est touchés par leurs batailles quotidiennes, qui commencent avec la nourriture mais s’étendent à tellement plus. On rit avec et non d’eux, grâce à leur sens de l’autodérision. On veut suivre ces jeunes durant cet été crucial, tout simplement.

C’est un teen show agréable, qui divertit et aide à se sentir bien, et qui serait tout aussi notable si l’on n’était pas en période de vaches maigres télévisuelles (sans mauvaise blague). A surveiller de prêt, en espérant qu’elle ne subira pas la malédiction d’ABC Family, qui voit ses bonnes séries s’annuler vite ou défaillir lamentablement. Un tel sujet si correctement traité mérite d’être remarqué.
Par contre, elle a un titre vraiment chiant pour les recherches dans Google.

Blackie
P.S. D’après l’échelle de Conundrum, on peut placer la série au-dessus de la moyenne rien que par sa présence d’un générique. C’est pas faux.