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Maniac - Retour sur la série WTF de Netflix

Maniac (Bilan de la Saison 1) : The Good Places

Par Max, le 30 septembre 2018
Par Max
Publié le
30 septembre 2018
Saison 1
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Est-ce que l’anthologie vient de mourir avec Maniac ? Non, ceci est un papier dithyrambique. Mais c’est en tout cas la question que l’on peut se poser après avoir vu cette mini-série de Netflix, écrite par Patrick Somerville et réalisée par Cary Fukunaga.

Lors d’un essai médical, Annie (Emma Stone) et Owen (Jonah Hill) s’aventurent dans des simulations toutes plus étranges les unes que les autres. Alors que l’équipe (Justin Theroux, Sonoya Mizuno, et Sally Field) tente de réparer un dysfonctionnement du système et eux-mêmes à l’occasion, les deux comparses essaient de soigner leurs maladies mentales en cherchant un remède contre la solitude l’un avec l’autre. Et ce n’est que la partie résumée du schmilblick.

The Tales of The Creep

La fiction aime s’intéresser aux gens qui vont mal. Il y a une dimension cathartique pour nous, public, qui se doit de fonctionner pour que la série ici, en l’occurrence, soit une réussite. Mais Maniac, en plus de dépeindre deux personnes à la dépression profondément ancrée, surélève son propos par une mise en scène incongrue, absurde, erratique et donc inventive, fort à propos et incroyablement riche.

À aucun moment la série ne va essayer de faire de la santé de ses personnages le seul enjeu. Ce qui importe ici, dans chaque segment halluciné, c’est à la fois le récit en lui-même, qui lorgne entre la fantasy, le roman noir ou le film de gangsters et ce que le comportement des personnages au sein de ceux-ci disent sur ceux qu’ils sont dans la réalité.

American Erreur Story

Considérée comme une mini-série, Maniac joue de son format pour construire un schéma qui ne se pas reproductible sans refaire tout de fond et comble (et encore). Mais même close, elle se permet d’ouvrir une infinité de possibilités dans ses deux plans de lecture, et elle est quasi-anthologique par ses morceaux de récits aux tons et personnages différents.

De fait, elle tue l’idée même d’anthologie en l’exploitant au sein de la construction de son récit. Si l’on suit des patients dépressifs en proie avec leurs hallucinations, chacune d’entre elle donne lieu à un fantasme différent. Une histoire propre à chaque réalité inventée, toujours plus crédible que la précédente, se suit, alternant les genres et les variations sur les personnages. Puis, petit à petit, Somerville y instille des éléments qui font écho au récit-cadre et le tout se mêle sans jamais prendre le pas l’un sur l’autre, surtout par le travail puissant de Fukunaga, à la réalisation à la fois éclatée et inventive, harmonieuse et simple.

Celle qui joue sur le film noir, faisant d’Annie et Owen un couple d’espions, respire la déception des actes manquées, l’oppression que nos erreurs peuvent exercer sur nous. Cette idée va poursuivre Owen dans un autre scénario, s’inspirant de Scorsese et des gangsters pour régler les problèmes d’Oedipe, efficace malgré la simulation défaillante. L’autre, plus excentrique, capte les codes du genre de la fantasy, nous rejouant un Seigneur des Anneaux féminin où Annie joue une elfe devant protéger une autre elfe. Mais il se trouve que cette simulation transpose ses rapports avec sa sœur, faisant intervenir la réalité dans cette histoire fantastique. La musique, les dialogues et la réalisation réinvestissent tous les tics et imaginaires que l’on a de ce genre pour y développer son récit sur les troubles de la psyché quand Annie réalise où et qui elle est encore dans la simulation. Et on ne s’y perd pas, à aucun moment.

The Lonely Zone

Au-delà de ça, il y a une solitude que les personnages se traînent au corps qui est bouleversante. Dans les fantasmes d’Owen à trouver quelqu’un pour qui compter, il explore ses problèmes avec ses parents, sa famille. Il y a cette scène dans le 1.08 - The Lake of The Clouds où il est père de sept enfants et marié avec une femme qu’il pense aimer. Mais son quotidien lui pèse et il saute par la fenêtre pour atterrir plus bas et s’écraser dans une maquette de ville. Il y entend la voix d’Annie, toujours coincé dans sa simulation Fantasy et se transforme en aigle pour la rejoindre. Maniac nous suggère ici que le besoin de l’autre peut être plus fort que les fictions séparées que l’on se construit pour nous même. Il s’agit de lâcher les névroses du passé qui les enferre.

Comme Bojack avant elle sur Netflix et bien d’autres ailleurs, Maniac choisit le rire dépressif. Elle ne nous force jamais les zygomatiques mais se révèle un vivier d’absurdités qui font sens au regard de la série et des personnages, de son ton si particulier et qui, in fine, parvient à ne pas rire des dépressifs mais avec eux.

Fukunaga et Somerville nous disent en dix (petits) [1] épisodes ce que sont les frontières poreuses entre réalité et fiction et ce que la fiction peut sur la réalité. Avec ce « that’s real ? » préliminaire, ils semblent dans un premier temps nous avouer que le réel l’emportera toujours sur la fiction. Mais par leur voyage qui suit, durant huit épisodes, avec son apogée dans le final, ils nous confirment en substance que la fiction - les différentes simulations où Annie et Owen s’inventent des vies et des personnages mais aussi la série télévisée en art, comme la littérature et le cinéma - peut nous aider à guérir du réel et de ses affres (les personnages « guérissent » de leurs maux - et que le réel ne peut se faire sans se fonctionnaliser nous-mêmes (Annie et Owen s’enfuient en mentant, en s’inventant des rôles, avec toujours la schizophrénie du jeune homme comme autre réalité). Et aussi qu’il n’est pas condamné celui qui est malade de vivre avec des choses que les gens ne sentent pas. Il va juste devoir s’ajuster à sa réalité et n’est pas obligé de traverser cela tout seul.

Il faudra sûrement plus d’un visionnage de ces dix épisodes pour saisir tous les tenants et les aboutissants de ce que Maniac raconte, toutes les subtilités qu’elle y instille et qui se sentent dans le jeu de chaque personnage. Dans ce monde, on s’y sent inconfortablement à l’aise, comme une plaie que l’on aime gratter parce que ça fait mal et du bien en même temps.

Max
Notes

[1Ils font entre une demi-heure et une heure, et c’est parfait comme exploitation du format.