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The Mary Tyler Moore Show - Retour sur la saison 2 de l’obsession estivale rétro de Jéjé

Bilan de la Saison 2: Mary & Mary & Ted & Moi

Par Jéjé, le 11 juillet 2013
Par Jéjé
Publié le
11 juillet 2013
Saison 2
Episode 24
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Ma lubie vire à l’obsession. Et c’est plutôt agréable. D’autant que ça m’a permis de faire une sélection drastique parmi les séries estivales actuelles. C’est pas compliqué, je les évalue toutes à l’aune de mon envie de suivre les aventures de la petite bande de Mary Richards.

"Ai-je vraiment envie de regarder un épisode de Under The Dome quand je pourrais en regarder deux du Mary Tyler Moore Show ?"

Résultat, j’ai abandonné le truc de Stephen King après un épisode, tenu 35 minutes devant le pilote de Ray Donovan, pas vu une seule image de la saison 2 de Magic City, rien non plus de la saison 3 de Luther. Et j’envisage sérieusement de laisser tomber Teen Wolf.

Mary Tyler Moore, mon antidote efficace contre les séries médiocres.

Des Emmys et une nouvelle famille

En septembre 1971, à la veille de la diffusion de sa deuxième saison, le Mary Tyler Moore Show n’a plus rien à voir avec la petite série dont personne ne voulait vraiment à CBS et qui avait été accueillie fraîchement par la critique.

En une année, la série a trouvé un public fidèle, obtenu huit nominations aux Emmys, emporté quatre statuettes [1], ravi les critiques à sa cause.
Et surtout, elle a perdu son statut d’ovni télévisuel pour avoir osé mettre au premier plan une femme célibataire.

Non seulement, la cause féministe a pris de l’essor dans la société américaine, mais surtout les Emmys ont mis en orbite All In The Familly, une toute nouvelle sitcom de CBS (encore !) à l’antenne discrètement depuis quelques mois. Beaucoup d’Américains découvrent durant les rediffusions de l’été Archie Bunker, un père de famille raciste et sectaire qui se confronte avec difficulté aux évolutions sociales des années 70 et font un succès à une série qui aborde frontalement à la télévision des sujets aussi controversés à l’époque que le racisme, l’homosexualité, le féminisme…

D’un seul coup, le célibat de Mary Richards paraît bien peu provocateur et avant-gardiste.

Mary, Mary, Mary

En saison 2, le Mary Tyler Moore Show cesse de considérer la situation de son personnage principal comme un problème potentiel pour le spectateur. Elle n’éprouve plus le besoin de la justifier, voire de l’embellir ou parfois même de l’excuser, en faisant de Mary un personnage discret et parfait sous tout rapport.

Désormais, dans la Newsroom, Mary est beaucoup moins timide. Elle se permet d’interrompre son patron, d’affirmer certaines de ses opinions, d’intervenir dans la vie de ses collègues…

Mais surtout, la série commence à se moquer gentiment de sa bienveillance et de son empathie. Mary devient un personnage comique à part entière et non plus seulement le contre-point sérieux aux défauts amusants de son entourage. Ce qui donne l’occasion à Mary Tyler Moore de prouver qu’elle excelle dans le genre au même titre que ses co-stars.
La voir se tordre de culpabilité parce qu’elle est la cause du licenciement d’une serveuse incompétente est sûrement l’un des moments les plus drôles de la saison (2.16 - Feeb).
Cette évolution rend étincelant le duo qu’elle forme avec Ed Asner, particulièrement dans les scènes où Lou pousse Mary à agir comme elle en a envie et pas elle pense qu’elle le devrait.
La série revient également sur son amabilité extrême (Tout le Monde Aime Mary aurait pu être le titre de la série en saison 1) et remet en cause ce qui apparaissait dans les premiers épisodes comme un avantage professionnel.

En début de saison, Mary remarque, après avoir fait une grosse erreur, que personne ne lui en veut et que personne n’estime nécessaire de pointer ses faiblesses, ni de la former. Elle se rend compte qu’elle est la gentille collègue sympa mais qu’on n’attend pas autre chose d’elle (2.04 - Room 223).

La série conserve sa façon d’aborder avec une relative discrétion ce qui touche à la place des femmes, sans grand discours, ni didactisme outrancier.

En effet, cet épisode est centré sur un cours du soir de journalisme au sein duquel ces réflexions sont simplement suggérées au spectateur.

(Il n’y a que dans l’avant dernier épisode de la saison (2.23 - Some of My Best Friends Are Rhoda) qu’un sujet de société (l’antisémitisme, en l’occurrence) constitue le coeur de l’intrigue et que la série formule alors par l’intermédiaire d’un personnage (toujours Mary) un discours moral explicite.)

Cette subtilité dans l’écriture passe également cette saison par un dosage plus équilibré des scènes à la maison et au travail dans les épisodes. La séparation entre les deux univers n’est plus si évidente.

Le problème Ted Baxter

Malgré tout, d’un point de vue du rire, la fracture reste, pour moi, la même qu’en saison 1 : les scènes avec Rhoda et Phyllis sont toujours bien plus drôles que celles avec la newsroom.
De même, il manque encore d’énergie dans les dialogues, à mon goût. Les répliques qui font mouche restent la chasse gardée de Rhoda.

Le season premiere (2.01 - The Birds And Um Bees) m’avait donné un peu d’espoir de ce côté-là : tous les personnages enchaînent des sous-entendus sur leur vie sexuelle et donnent à l’épisode un ton d’une liberté et d’une vivacité inhabituelles. Mais ce n’était que momentané, car lié à l’intrigue principale (Mary est chargée par Phyllis d’expliquer les choses de la vie à sa fille), et une grande part de l’humour de la série continue de reposer sur le personnage de Ted Baxter.

De ce côté-là, les choses vont un peu mieux. Les gags réguliers le concernant lui uniquement (erreurs de prononciation, manifestations d’avarice extrême…) ne m’amusent toujours pas.
En revanche, à l’occasion des épisodes centrés sur lui (quatre cette saison alors qu’il n’y en avait pas eu la première année), les scénaristes lui ont donné l’occasion de partager des scènes avec ses collègues et permis à Ted Knight (l’acteur) de changer de registre comique, voire même de verser dans le dramatique. Et je dois dire que j’ai été soufflé par l’étendue de son jeu et par son timing comique.

Mais si Ted s’épaissit, je trouve que les scénaristes utilisent trop son "type" de personnage (bouffon excentrique) pour brosser ceux des guest stars. Et le plus souvent, ces personnages, qui n’arrivent pas à être drôles par eux-mêmes, trop grotesques, n’interagissent que très peu avec la distribution régulière, qui passe l’épisode à sourire de leur comportement inadapté et à tenter de les faire quitter son environnement. C’est le cas du frère de Ted (2.06 - Cover Boy), de Howard dans l’épisode sur la réunion des anciens du lycée de Mary(2.07 - Didn’t Use To Be-Wait-Don’t Tell Me), du prétendant représentant en encyclopédie dans l’épisode sur la chaîne des lettres (2.10 - Don’t Break the Chain). Les producteurs vont même jusqu’à faire du dernier épisode de la saison un back-door pilot (franchement raté) pour une série centrée sur un élu local à la personnalité Baxtérienne (2.24 - His Two Right Arms). CBS a choisi à l’époque de ne pas donner suite. J’espère que cette décision aura eu un impact pour les saisons futures sur ce genre de personnages.

Portée par les formidables performances individuelles de la distribution régulière, cette saison est un peu plus plus équilibrée et un peu plus drôle que la précédente, sans parvenir toute fois à prendre son envol du côté de la comédie pure. C’est d’autant plus frustrant que les quatre premiers épisodes montrent que la série en est largement capable.

Des femmes écrites par des femmes

Alors que Treva Silverman avait été la seule femme scénariste sur presque toute la première saison, ce sont six d’entre elles qui écrivent dix des vingt quatre épisodes de la saison (huit le sont par uniquement par des femmes, deux par un duo homme/femme).

A titre de comparaison, pour l’année 2011/2012 (la dernière avec une saison complète de 30 Rock, héritier moderne du Mary Tyler Moore Show), seule Happy Endings surpasse cette saison 2 en la matière (avec 10 épisodes écrits par des femmes, 2 par un duo homme/femme). Elles montrent cette saison qu’elles sont non seulement capables d’écrire des femmes mais qu’elles maîtrisent également les personnages masculins.

Série Femmes Duo Homme/Femme
Happy Endings s2 10 2
Parks & Rec s4 7 2
30 Rock s6 5 2
Community s3 4 2
Modern Family s3 5 1
TBBT s5 0 5

Pour info, tous les épisodes de la saison 7 du Mary Tyler Moore Show seront écrits par… des hommes.

— 2.01 - The Birds And Um Bees (Treva Silverman)
Après avoir produit une émission sur le sexe, Mary est chargée par Phyllis d’expliquer les choses de la vue à sa fille.

Le meilleur épisode de la saison.

— 2.04 - Room 223 (Susan Silver)
Mary décide de suivre un cours de journalisme, et se révèle (pour une fois) ne pas être l’élève la plus agréable.

Susan Silver explore les qualités professionnelles de Mary qui se révèlent moyennes et montre que sa personnalité affable est un frein . Un très joli contre-point à la nouvelle première phrase de la chanson du générique.
"Who can turn the world on with her smile ?"

— 2.06 - Cover Boy (Treva Silverman)
Ted supplie Mary de se faire passer pour sa fiancée pour impressionner son frère.

L’épisode qui m’a fait découvrir le talent de Ted Knight (mais qui n’en est pas pour autant un épisode réussi).
NB : Jolie allusion sur le fait que Rhoda a une vie sexuelle active (en dehors du mariage). Pour l’instant, il n’y a pas d’info sur celle de Mary.
"This is the first time I’ve seen my date in underwear before I met him." - Rhoda

— 2.11 - The Six-and-a-Half-Year Itch (Treva Silverman)
Un Lou centric episode : Lou rencontre son beau-fils au cinéma avec une autre femme que sa fille.

Fantastique prestation d’Ed Asner. Une conclusion curieuse mais intéressante sur la fidélité la monogamie sur le long terme.

— 2.12 - …Is a Friend in Need (Susan Silver)
Mary cache à Rhoda, fraîchement renvoyée de son travail, qu’un poste correspondant à son profil est disponible à WJM-TV.

Un épisode amusant qui possède peut-être la meilleure scène de la saison entre Lou et Mary, dans laquelle il prend un plaisir infini à lui faire avouer qu’elle préfère agir comme elle l’entend plutôt que comme elle pense qu’elle le devrait.

— 2.13 - The Square-Shaped Room (Susan Silver)
Un Lou & Rhoda Centric episode, où Rhoda joue à la décoratrice d’intérieur chez le patron de Mary.

Toujours amusant quand Rhoda augmente son temps d’antenne.

— 2.15 - The Five-Minute Dress (Pat Nardo & Gloria Banta)
Le "date" de Mary annule tous leurs rendez-vous à la dernière minute.

Pat Nardo, dont il s’agit du premier épisode en tant que scénariste, fut la secrétaire de Brooks et Burns à l’époque où les deux hommes avaient été engagés pour écrire le script du pilote en 1969. Elle fut encouragée un an plus tard par Burns à écrire. Intimidée, elle souhaita faire ses premiers pas avec une partenaire et proposa le travail à l’une de ses meilleures amies new-yorkaises [2].
Ce Mary-centric permet à Mary Tyler Moore de montrer qu’elle est aussi drôle que le reste de la distribution, le plus perturbant étant que la dernière scène entre Ted et Lou est la plus drôle.

— 2.16 - Feeb - (Dick Clair & Jenna McMahon)
Mary culpabilise d’avoir fait perdre son travail à une serveuse incompétente.

L’un des épisodes les plus drôles de la saison.
Premier épisode où le générique de fin est remplacé par une ultime scène.

— 2.18 - Baby Sit-Com (Treva Silverman)
Mary tente de trouver un baby-sitter pour passer la soirée avec un ancien prétendant.

Pas une franche réussite.

— 2.20 - The Care and Feeding of Parents (Dick Clair and Jenna McMahon)
Mary est embarrassée quand elle constate que Phyllis met énormément de pression sur sa fille.

Un joli épisode, porté par Chloris Leachman, avec un fin subtile sur l’enthousiasme débordant des parents face aux productions de leurs enfants.

Mes épisodes préférés

On commence par quatre de la liste précédente.

— 2.01 - The Birds And Um Bees (Treva Silverman)
— 2.04 - Room 223 (Susan Silver)
— 2.12 - …Is a Friend in Need (Susan Silver)
— 2.16 - Feeb - (Dick Clair & Jenna McMahon)

Ce qui me rassure, parce qu’en fin de saison 1, je n’avais été amusé que par très peu d’épisodes écrits par des femmes.
Je n’en rajoute que deux, du tout début de la saison.

— 2.02 - I’m Curious Cooper (David Davis & Lorenzo Music)
Mary fréquente un ami de Lou, avec lequel elle n’a aucune alchimie.

Un Ed Asner formidable porte cet épisode très amusant.

— 2.03 - He’s No Heavy… He’s My Brother (Allan Burns)
Mary et Rhoda tentent d’organiser une semaine de vacances à Mexico.

Sûrement l’épisode le plus drôle de ceux centrés sur l’amitié entre Mary et Rhoda.

Sur-estimé ?

— 2.08 - Thoroughly Unmilitant Mary (Martin Cohan)
La newsroom est en grève, à l’exception de Lou et de Mary.

C’est l’épisode le plus communément vanté de cette saison. Si le duo Lou/Mary est sympathique, les deux partagent des scènes plus drôles ou plus touchantes dans de nombreux autres épisodes.

Jéjé
P.S. Mon obsession reste intacte. Vite, la saison 3 !
Notes

[1A l’époque, les Emmys ont lieu en juin et leurs résultats ont une véritable influence sur les audiences des séries récompensées.

[2Mary & Lou & Rhoda & Ted - Chapitre 10 - The Writers Wore Hot Pants (1972-74) Avec le précédent chapitre, c’ette partie - peut-être la plus passionnante du livre - est consacrée às la façon dont le pool de femmes scénaristes fut assemblé à une époque où ce travail était quasi exclusivement masculin.