The New Normal, la nouvelle sitcom du créateur de Nip / Tuck, Glee et American Horror Story, a déjà fait beaucoup parler d’elle à cause de son sujet « original » et « progressiste » : elle met en scène un couple gay qui décide d’avoir un enfant avec l’aide d’une mère porteuse. Fera-t-elle exception à la règle ?
5 raisons d’y croire
1. Pour l’instant, la série est drôle !
Comme l’ont rappelé à juste titre Drum et Jéjé, la première chose qu’on demande à une comédie, c’est de nous faire rire. Dans les 4 premiers épisodes, Ryan Murphy remplit sa part du contrat : même si l’écriture dans son ensemble est inégale, les bonnes répliques fusent, les situations sont souvent bien vues, et j’ai beaucoup ri et souri devant la série.
2. Le casting est charmant.
Sur le papier, le trio central de la série (le gay efféminé, le gay viril et la mère porteuse paumée) avait tout pour être horriblement cliché. Mais il est interprété par trois comédiens très solides, qui apportent tous une dimension supplémentaire à leur personnage, et lui évitent de sombrer dans la caricature de l’archétype auquel il correspond.
Les seconds rôles sont aussi très bons pour l’instant. Ma seule réserve concerne le casting des enfants, moins à l’aise à l’écran, et qui ont du mal à énoncer les dialogues (très écrits) de Murphy avec naturel.
3. Le couple gay ressemble à un vrai couple.
Je vais plagier Jéjé, mais c’est agréable de voir dans une série un couple gay qui ressemble à un vrai couple, et pas à deux amis asexués en colocation (que le spectateur est censés croire sur parole quand ils nous répètent qu’ils s’aiment, même s’il ne ressent jamais vraiment cet amour).

The New Normal n’est pas très suggestives visuellement pour l’instant, mais par quelques gestes esquissés, par le jeu des regards ou par les dialogues, elle fait très bien passer à l’écran l’affection et le désir censés unir ces deux personnages.
4. La série a du cœur.
Alors que je reproche régulièrement aux sitcoms que je regarde d’être drôles mais impersonnelles, The New Normal a réussi à me faire m’attacher à ses personnages en 3 épisodes à peine. Le côté dramédie fonctionne bien pour l’instant, en partie grâce au casting mais aussi grâce à une certaine finesse de l’écriture (j’ai du mal à croire que je viens d’écrire ça sur une série de Ryan Murphy).
5. Il n’y a pas de chansons (pour l’instant). Et pas de pénis coupés (pour l’instant).
(Mais il y a un homme trisomique très méchant dès le 3ème épisode, ce qui prouve que Ryan Murphy ne perd pas complètement le nord.)
Quelques défauts corrigeables
Même si j’ai été très agréablement surpris par les premiers épisodes, j’ai quelques problèmes avec la série.
Le premier concerne son rythme : la série peut être très drôle par moment, mais elle comporte aussi beaucoup de temps mort. Pire encore : dans une même scène, on enchaîne souvent 4-5 one liners très drôles avec une réplique qui tombe à plat, souvent parce qu’elle est « surécrite » et que le jeu de l’acteur ne suit pas.
J’ai le même problème avec les scènes axées « dramédie » : un coup, ça prend. Le suivant, la scène paraît ridicule parce qu’on a l’impression que les scénaristes en font trop.
Mais pour le coup, ce problème de rythme est un défaut qui affecte beaucoup de très bonnes sitcoms dans leurs premiers épisodes, et qui peut très facilement être corrigé.
Mon autre réserve concerne le personnage de la grand-mère. Je n’ai aucun problème avec Ellen Barkin, qui est excellente dans ce rôle. Mais j’ai de plus en plus de mal avec ce type de personnage « à la Sue Sylvester de Glee », censés nous faire rire en énonçant les pires horreurs : bien souvent, je trouve que ces personnages sont utilisés par les scénaristes pour caser leurs répliques racistes, sexistes ou homophobes l’air de ne pas y toucher, et flatter les bas instincts des spectateurs tout en leur donnant bonne conscience puisque, « haha, cette blague raciste qui m’a tant fait rire était à l’évidence IRONIQUE ».
Bien sûr, nous ne sommes – en principe – pas censés sympathiser avec le personnage d’Ellen Barkin. Mais, clairement, dans les premiers épisodes, on rit autant AVEC son personnage que DE son personnage.
J’avais lu il y a quelques temps une critique de Glee, qui se moquait du discours à deux vitesses de la série concernant les sujets de société (« Le viol c’est horrible… sauf quand ça permet de faire une blague ! », « Se moquer des gros, c’est mal… sauf quand c’est drôle ! »). Dans The New Normal, c’est un peu la même chose : la série critique l’intolérance, mais nous fait rire de façon un peu paresseuse avec les remarques intolérantes de la grand-mère.
Ce discours à deux vitesses me gène d’autant plus qu’il vient parfois parasiter le reste de la série.
Un exemple : dans le 3e épisode, les personnages sont confrontés à une réaction homophobe dans un centre commercial, qui leur fait remettre en question leur décision d’avoir un enfant. La scène où ils se font insulter est très forte, presque dénuée d’humour, et assez glaçante. Clairement, le spectateur n’est pas censé rire.
Pourtant, à la fin du même épisode, la grand-mère fait une succession de remarques tout aussi horrible aux personnages (elle s’inquiète d’attraper des maladies en dinant chez eux et leur offre un t-shirt « appelez l’assistance sociale s’il vous plaît » pour leur futur enfant). Mais cette fois, on est censé rire. Pourquoi ? Parce que Ryan Murphy le dit !
Si je regardai un show connu pour être politiquement incorrect, peut-être que ce type d’humour ne me gênerait pas… Mais dans une série qui veut (en principe) prôner un message de tolérance, cette hypocrisie me gène !
Heureusement, le personnage d’Ellen Barkin est parfois mieux utilisé. Elle m’a bien fait rire dans le 4ème épisode (centré sur l’élection présidentielle actuelle), malgré sa diatribe sur l’avortement un peu longue et ambiguë (est-ce que j’étais censé rire ou être ému ?).
Une série « ambassadrice » ?
Comme je le disais, les défauts que j’ai cités plus haut peuvent facilement être corrigés. Ma principale inquiétude, pour l’instant, c’est le sujet même de la série.
Parler du désir d’enfant d’un couple homosexuel, ce n’est plus du jamais vu… mais en faire le cœur d’une comédie (et pas une intrigue annexe comme dans Modern Family ou Brothers & Sisters), c’est tout de même plutôt osé et original. Du coup, j’ai du mal à ne pas juger la série en « ambassadrice » sur ce sujet.
The New Normal est une comédie. Elle peut donc a priori utiliser l’humour pour rendre un thème « sensible » plus « acceptable » auprès d’une frange du public qui aurait été réticente à la base. Mais, bien sûr, il faut une certaine dose de finesse pour trouver l’équilibre entre la dérision et la caricature, le clin d’œil et l’insulte. Et la finesse, on le sait, ça n’a jamais été le fort de Ryan Murphy sur le long terme !
Soyons honnête, à quelques faux pas près (le gay efféminé qui décide d’avoir un enfant comme il décide d’acheter un vêtement dans les premières secondes de la série), The New Normal a pour l’instant réussi à trouver un bon équilibre. J’ai du mal à croire que le créateur de Glee parviendra a continuer sa série sans faux pas, mais je lui laisse le bénéfice du doute…
Et un gros problème à venir en Saison 2 ?
Une autre question m’intrigue, et m’inquiète pour l’avenir de la série : qu’est-ce qui se passera après l’arrivée du bébé ?
La dynamique de The New Normal repose clairement sur le mélange de 3 personnages : les deux gays et leur mère porteuse. Leurs interactions font sens pour l’instant, puisqu’elle attend leur enfant. Mais une fois le bébé arrivé, je me demande bien comment Ryan Murphy fera en sorte de conserver cette dynamique bancale. On se doute bien qu’il ne va pas virer un tiers de son casting, ou séparer ces personnages. Du coup, Goldie va-t-elle rester amie avec David et Bryan (le type d’amie qu’on a dans les sitcoms, qui passe sa vie dans votre salon même quand vous n’êtes pas là et se sert dans votre frigo) sans se mêler de l’éducation de leur bébé ?
Ou (comme je le pressens) va-t-elle aider les deux papas à élever son bébé pour que la série puisse continuer à exister ? Si Ryan Murphy choisit cette option, le message risque d’être un peu brouillé ! « Deux papas et une maman », ça n’a plus rien à voir avec « deux papas ». Si la série arrive jusqu’à sa saison 2, j’espère que Ryan Murphy réussira à ce sortir de cette situation sans tuer sa série ni invalider tout son discours.
Verdict ?
Pour l’instant, The New Normal est une série bancale, qui avance en terrain miné et a encore des défauts à corriger. Et malheureusement, le passif de Ryan Murphy ne permet pas d’espérer qu’il saura identifier les faiblesses de sa sitcom et éviter les pièges à venir.
Mais je dois le reconnaitre : pour l’instant, la série est drôle, originale et attachante. Si vous ne craignez pas de vous investir pour rien, et si vous êtes capables d’arrêter une série dès qu’elle devient nulle, je vous la recommande vivement.