Je ne pouvais pas parler de la saison 3 de Sherlock sans commencer par ça. La scène du restaurant. Les retrouvailles tant attendues entre Watson et Holmes. Le serveur français.
Comment dire. Je suis fan de perruques. J’adore les fausses moustaches, les fausses barbes, les faux poils en général. Rien ne me fait plus rire au Monde (à part, peut-être, la langue espagnole dans son ensemble).
Mais pourtant, quand Sherlock s’est dessiné une petite moustache avant de retrouver son ami, je n’ai même pas souri. Je n’ai pas compris, je crois. Je ne voyais pas ce que ça faisait là. Je ne vois toujours pas. Je...
Bref, je ne suis pas là pour parler pilosité, je suis là pour partager quelques impressions sur la saison 3 de Sherlock ! La saison la plus... hmm... la plus... de Sherlock !
La plus...
Médiocre ?
Oubliable ?
Globalement innofensive ?
La saison 3 de Sherlock, c’est surtout la seule où aucun épisode ne sort du lot, véritablement, en bien ou en mal. C’est une saison qui, au contraire des deux précédentes, ne souffre pas du syndrome de « l’Episode Pourri du Milieu ». (Oui, j’ai beaucoup aimé le mariage, j’en reparle plus bas.)
Mais c’est aussi une saison qui, à aucun moment, ne s’approche des hauts qui l’ont précédée. Ici, pas de « Study in Pink » (c’est-à-dire une introduction parfaite à l’univers de la série, si on oublie sa conclusion trop facile), pas de « Scandal in Belgravia » (approfondissement parfaite, si on oublie les relents misogynes) ni de « Reichenbach Falls » (le meilleur épisode à ce jour). Juste trois épisodes efficaces, autant saupoudrés d’excellents moments que de passages très problématiques.
C’est ce que j’entends par saison médiocre. Un tout presque homogène dont il est difficile de ne pas ressortir déçu.

La saison 3 de Sherlock ne ressemble pas vraiment aux précédentes. Quelque part, c’est louable. Intellectuellement, on devrait s’en réjouir. Mais avec si peu d’épisodes, les expérimentations scénaristiques de Steven Moffat et Mark Gatiss peuvent laisser un goût amer.
Car ces trois épisodes de Sherlock manquent quand même cruellement de... mystères à résoudre, d’enquêtes à mener, et d’occasions pour Sherlock Holmes de prouver qu’il est (beaucoup) plus intelligent que tout le monde.
Certes, les résolutions des mystères de la série m’ont souvent laissé sur ma faim (la faute, sans doute, à cette vilaine manie qui consiste à nous faire croire, par des effets de manche, que les fins mots de l’histoire auxquels on vient d’assister sont plus malins que ce qu’ils sont vraiment). Mais ce n’était pas une raison pour supprimer toute enquête et écrire, en définitive, des épisodes qui donnent l’impression d’avancer au hasard, sans structure.
Cette année, Sherlock a retrouvé une bombe dans le métro londonien sans se fouler, il a arrêté un photographe de mariage, et n’a trouvé aucune autre solution que le MEURTRE pour déjouer un adversaire plus malin que lui. Disons que, niveau intellect, on a connu notre duo plus inspiré.
Et c’est vrai à tous les niveaux car, comme les gros mystères, les petites déductions de Sherlock ont elles aussi quasiment disparues. Là où Holmes avait établi le portrait de Watson à partir de ses semelles de chaussure et de l’usure de son téléphone portable dans le premier épisode de la série, cette année ses sauts de logiques sont apparus de plus en plus « magiques ». Des déductions lancées sur un ton toujours grandiloquent, mais sans explications derrière, deviennent beaucoup moins impressionnantes.
La seule scène où on en retrouve, en réalité, c’est dans le duel que se livre Sherlock et Mycroft autour d’un bonnet. Des dialogues rapides et une logique qu’on peut suivre. Pas de mots qui flottent ou de « Donjon Cérébral ». (C’est ma traduction personnelle de Mind Palace. Parce que ça me fait rire.) Une scène excellente, d’ailleurs, à l’image du travail assez remarquable fait cette année sur la relation entre les deux frères.
Car à défaut d’être la plus intelligente ou la plus réussie, la saison 3 de Sherlock est certainement celle qui s’est le plus attaché à explorer les relations entre ses personnages.
Là où Mycroft n’était qu’une présence parmi d’autres dans l’univers de la série, au même titre que Molly ou Lestrade (toujours le plus mal loti), les trois épisodes diffusés cette année m’ont donné une bien meilleure idée de qui il est et de son rapport à son frère.
De la même façon, j’ai souvent opposé Elementary et Sherlock par la façon dont elles traitent l’amitié entre Holmes et Watson (pour faire simple, je n’y ai jamais cru dans la série de Moffat). Je vais avoir du mal à réutiliser cet argument désormais, puisque la relation entre les deux hommes m’est apparue bien plus naturelle cette année, surtout grâce au très joli discours du second épisode. (J’utiliserai d’autres arguments, comme par exemple, « Elementary c’est mieux ! »)
La relation entre Holmes et Watson faisait peut-être également plus vraie parce que... la personnalité de Sherlock a complètement changé depuis la saison 2.
Non ?
Ok, je vais prendre quelques précautions, car c’est peut-être ma mémoire qui me joue des tours. Peut-être que Sherlock n’a pas complètement changé de personnalité entre les deux saisons. Peut-être que ce n’est vrai que dans mon Donjon Cérébral. Mais, quand même, j’ai passé deux épisodes entiers à me demander qui était ce nouveau personnage principal, pourquoi Sherlock avait des sentiments, et où était passé le robot sociopathe des deux premières saisons.

Encore une fois, ça vient peut-être de moi. Mais ça choque. Et il aura fallu attendre le troisième épisode pour que je le retrouve enfin, ce connard arrogant à tête de lézard. Il aura fallu un épisode écrit par Steven Moffat.
Comme dans Sherlock, la solution du mystère était donc bien débile : Gatiss et lui n’écrivent simplement pas le même personnage. Le Sherlock de Moffat n’aura pas pu faire un aussi beau discours au mariage de son meilleur ami, lui jouer du violon, ou avoir peur de se retrouver seul.
Parenthèse !
J’ai vraiment beaucoup aimé le deuxième épisode. C’est mon préféré de la saison. Il m’a ému, je me suis marré, et j’ai aimé la résolution du mystère. J’ai détesté (DÉTESTÉ !) le très long passage où Watson et Holmes sont saouls. J’ai adoré le reste. J’ai adoré voir un épisode de Sherlock avec des personnages humains.
Fermeture de la parenthèse !
La saison 3 de Sherlock, c’est beaucoup de bruit pour rien.
C’est une saison qui commence bien (en très grande partie parce qu’on est content de retrouver le détective au long manteau et à la tête de lézard) et qui se termine mal (parce que Sherlock tue un mec dans l’indifférence générale, et à cause du cliffhanger qui pue l’incapacité à se renouveler) ou presque (parce je dis ça, mais j’aime beaucoup le Moriarty d’Andrew Scott, et je ne peux pas trop leur en vouloir de l’aimer aussi).
C’est une saison qui réintroduit dès son premier épisode un concept que j’avais trouvé tout pourri dans « The Hounds of Baskerville » (à savoir le Donjon Cérébral) pour en montrer les limites (non, Sherlock ne sait pas désamorcer de bombe). Une saison qui s’en ressert dans le second épisode (avec les témoignages des victimes du Fantôme) pour me frustrer un peu plus. Et une saison qui l’utilise, une dernière fois, pour un rebondissement final plutôt cool et bien amené, qui me ferait presque regretter d’en avoir pensé tant de mal.
Parenthèse !
(Mais non, je n’ai pas du tout perdu le fil de ce que je voulais dire. Non, mes sauts de logique n’ont rien de magique).
Parenthèse, donc. Je sais que les Donjons Cérébraux (c’est encore plus beau au pluriel) existent vraiment. Visualiser des choses dont on veut se souvenir dans un lieu physique pour mieux s’en rappeler, c’est une vraie technique qui permet d’améliorer sa mémoire, une technique qu’on peut aussi bien utiliser pour résoudre crimes que pour, comme moi, retenir sa liste de courses.
C’est plus la façon dont le concept est représenté dans la série qui me pose problème. Quand on voit Sherlock remuer la tête et plisser des yeux très forts, j’avoue, j’ai du mal.
Fermeture de la parenthèse !
La saison 3 de Sherlock, c’est une saison portée par Benedict le Roi des Lézards et Martin le Hobbit, tous deux très en forme. Une saison à la réalisation de plus en plus grand-guignolesque. Une saison télé bordélique, trop courte, trop conne, trop drôle, trop nulle, trop moyenne, trop géniale, trop pas assez pareil qu’avant.
C’était vraiment pas mal. J’ai passé un bon moment. J’ai hâte de voir la saison 4, tout en la craignant.
Oui, tout ça en même temps. Car pour ne rien vous cacher, c’est un peu le bordel dans mon Donjon Cérébral.