Nous n’avons encore jamais vraiment parlé de Superstore sur pErDUSA (sauf une fois, dans un podcast si je ne me trompe pas) et c’est embêtant parce que cette série mérite pleinement le détour.
Il faut dire que la série cumule les handicaps.
Sans générique (une pauvre Title Card et un pauvre jingle), sans rires enregistrés (c’est une "single camera comedy"), la série qui parle des aventures épiques et épatantes du quotidien d’employé·es de "Cloud 9", un très gros supermarché de Saint Louis, a vu son univers associé à celui de... The Mindy Project [1].
NBC y croyait tellement qu’elle a réduit le nombre d’épisodes de sa première saison avant même sa diffusion (qui est en désormais à sa troisième saison et 40 épisodes au compteur…).
Mais il faut donc regarder Superstore parce que…
1 Superstore, c’est plus que la somme de ses personnages
Alors voilà, l’intérêt principal de Superstore c’est tout simplement sa galerie de personnages (parce qu’on est bien d’accord que la vie et la gestion d’un supermarché, ce n’est pas ce qu’il y a de plus passionnant au monde). Par contre les histoires que vivent les employé·e·s c’est autrement plus intéressant.
Et drôle.
Très drôle.
Et ces personnages sont tous extrêmement attachants. Ça peut paraître idiot mais c’est assez important. Il n’y a pas de crétin·e qu’on aime détester ici. Pas de vilain·e, ni de méchant·e. À la rigueur l’ennemi pourrait être le supermarché lui-même mais on se rend vite compte qu’il devient un lieu de refuge pour la plupart des protagonistes.
Par contre, ils et elles ont tous un trait de caractère qui est un gros défaut et qui va devenir un ressort comique récurrent pour la série.
Dans le premier épisode, on découvre le Cloud 9 par le biais de deux nouvelles recrues qui font la visite et rencontrent tout le monde en même temps que nous.
Jonah (Ben Feldman, de Living with Fran et un peu de Mad Men), un des personnages centraux de la série, est l’une d’entre elles. Vous voyez le genre de personne qui sait tout sur tout et qui va vous reprendre à chaque micro erreur ? Celle qui ne résiste pas à vous corriger, parce que c’est plus fort qu’elle ? Celle qui vous dit qu’il faut mettre l’indicatif après « après que », qu’on écrit « au temps pour moi », que « le Comic sans MS c’est le mal absolu » ou que c’est « espace deux points espace et pas de majuscule après » ? Hé bien, ce genre de personne c’est moi. Euh, c’est Jonah. (Bon, c’est moi aussi mais c’est pas le sujet). Et bien évidemment il énerve tout le monde à cause de ça, c’est son défaut-ressort comique.
La deuxième recrue du pilote c’est Mateo, philippin, gay, sans papier, un poil carriériste et fayot vis à vis de la direction mais au final fondamentalement gentil. Ce côté égoïste fait qu’il est parfois à la limite d’être énervant pour nous mais jamais pour les autres employé·es qui font preuve (d’une manière générale) d’une bienveillance et d’une solidarité remarquable les uns et unes envers les autres.
On fait rapidement la connaissance de Amy (America Ferrara, de Ugly Betty) lors du pilote, puisqu’elle est la tête d’affiche de la série. Amy est une employée de longue date du Cloud 9 et c’est un peu la seule qui fait son travail consciencieusement. Mariée avec le père de sa fille, elle n’est pas particulièrement heureuse dans sa vie personnelle. D’où son engagement un peu obsessionnel dans le supermarché. Elle n’a pas un caractère des plus faciles non plus…
Il y a ensuite Dina. Dina c’est l’incarnation de la NRA puisque je pense qu’elle dort avec ses armes à feu. On peut, sans exagérer, qualifier sa personnalité d’« intense ». Elle est à cheval sur tout et particulièrement sur la loi et le règlement. Rien ne doit dépasser. Tout doit être respecté à la lettre. La loi c’est la loi. Le règlement c’est le règlement. Et il n’y a aucune marge de manœuvre. Pointage, pause repas, planning… Tout y passe. Tout est exagéré dans la personnalité de Dina et notamment sa confiance en elle. Et ça fait d’elle l’un des personnages les plus drôles de la série.
Il faut aussi parler de Garrett. Garrett est en fauteuil roulant, il passe sa vie à essayer d’éviter de travailler, il est totalement blasé par tout et s’amuse à faire des annonces au micro totalement loufoques dans le magasin. Il prend un malin plaisir à mettre ses camarades dans des positions peu confortables, c’est le roi du sarcasme. Garrett, c’est bonheur.
Et il y a aussi Glen, le manager, fervent chrétien à la voix insupportable et sans aucunes compétences managériales mais à la générosité et l’humanité infinies, Cheyenne la jeune employée de 17 ans, enceinte dans la première saison, Sandra, le pharmacien, Jeff… Bref, une galerie de personnages riche, diversifiée et variée, tous extrêmement attachants donc, drôles et définitivement pas du tout énervants.
2 Superstore, ce sont des interludes loufoques
Alors certes, nous n’avons pas de générique, mais nous avons très régulièrement (une à plusieurs fois par épisodes) de petits interludes n’ayant strictement rien à voir avec le reste. Et c’est systématiquement hyper drôle. Quelques secondes mettant en scène un moment décalé, cocasse de la vie du supermarché ou de ses clients et clientes. Un des plus récents et plus drôles, pour vous donner un exemple, est la bataille des Roombas : imaginez une dizaine de ces aspirateurs automatiques en train de jouer aux auto-tamponneuses dans une allée de supermarché. Terriblement efficace.
3 Superstore, c’est le jeu du prénom de la semaine
C’est un détail mais le genre de détails qui rend une série géniale. Amy explique dans le pilote qu’elle n’aime pas que les clients et clientes connaissent son véritable prénom. Elle met donc un prénom bidon sur son badge. Et ce prénom change à tous les épisodes. Le jeu consiste donc à repérer le prénom de la semaine sur le badge que porte America Ferrera et ce n’est pas si simple que ça puisque c’est parfois très furtif. C’est un peu le fil rouge de la série. Le comique de répétition [2] qu’on attend et qui met un petit sourire sur nos visages parce que personne n’y fait attention et que ceux qui n’ont pas vu le premier épisode ne comprennent pas (ou n’y font, plus raisonnablement, jamais attention).
4 Superstore, c’est mieux que la ligue d’improvisation
Une grande partie des acteurs et actrices de la série sont connues pour faire partie de diverses équipes ou ligues d’improvisation. Bien évidemment c’est compliqué pour nous, spectatrices et spectateurs de savoir ce qui relève de l’improvisation ou pas quand on ne voit que le produit fini mais force est de constater que c’est totalement bluffant et que le talent des interprètes est stratosphérique puisqu’il semble qu’une très grande partie de la série soit de l’improvisation pure et simple.
J’imagine, par exemple, qu’une grande majorité des annonces de Garett doivent être des improvisations et c’est très très très fort…
5 Superstore, c’est remboursé par la sécu
Bon, non.
Malheureusement.
Mais ça devrait.
Parce que c’est simple, gentil, bienveillant et drôle (en plus d’être bien et intéressant donc). Ça véhicule un maximum d’émotions positives et franchement ça fait du vrai bien.
Un épisode de Superstore c’est une parenthèse dans le quotidien rébarbatif et morose. C’est un petit rayon de soleil dans la semaine télévisuelle. C’est un moment de pause dans ce monde. C’est un moment où j’ai l’impression d’arrêter de creuser ma dépression (sincèrement) et dont je ressors un poil plus léger et moins amer…
Superstore fait partie de ces petites gemmes qui n’ont l’air de rien au premier abord et dont on se détourne trop rapidement parce que le thème ou le titre peut paraître intéressant. Mais ça serait une erreur de s’arrêter à ça. Qui plus est, l’air de rien, Superstore pointe (avec un certain angélisme parfois mais toujours avec humour) des sujets graves et malheureusement encore d’actualité sur les conditions de travail des salarié·es dans ce genre d’entreprises : l’absence de congé maternité, d’assurance maladie ou d’heures supplémentaires rémunérées, les pauses pipi réglementées et pauses repas limitées à 15 minutes (sous la surveillance et le chronomètre de Dina), le travail des sans-papiers, les inepties et incohérences administratives des grandes structures...
Bref, c’est clairement une comédie drôle et réussie.