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The Good Place - Timey Wimey Jeremy Bearimy stuff

Jeremy Bearimy: Beware, Doctor Who !

Par Max, le 21 octobre 2018
Par Max
Publié le
21 octobre 2018
Saison 3
Episode 5
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À la télévision, actuellement, il n’y a pas de série aussi complète et multiple que The Good Place. Oui, je jette le pavé dans la mare.

Michael Schur est quelqu’un dont j’apprécie immensément le travail. Parks And Recreation est une de mes séries (si ce n’est ma) préférées. Brooklyn 99 est plus qu’une franche réussite. Son travail sur The Office n’est absolument pas des moindres. Ce mec sait s’entourer, sait écrire ses personnages, maîtrise ses séries (avec ses comparses, bien sûr).

All Over The Places

Une critique à l’épisode pour une sitcom, cela peut sembler inutile. Non pas que le format est automatiquement moins complexe et analysable que le drame mais qu’il s’y écrit moins de strates en vingt minutes que sur une heure. Il y a peut-être un rapport plus direct et moins sensible. Mais The Good Place, depuis trois saisons, à chaque épisode ou presque, court-circuite cette impression que j’ai et m’offre un récit à la fois émouvant, hilarant, profond, à l’approche aussi complète que débridée.

Cette semaine, elle capitalise une nouvelle fois sur toute la mythologie (sans précédent dans une comédie) pour nous surprendre et peaufiner son discours. Depuis maintenant 24 épisodes, elle nous fait suivre la volonté de quatre personnages de devenir meilleurs qu’ils ne l’étaient de leur vivant. Mais il y avait toujours en travers le “dessert moral” qui les conduisait, celui d’accéder au paradis, à The Good Place. Même Chidi, à priori le plus vertueux d’entre eux tous, avait cette volonté, péchant par vanité d’être supérieur moralement. Et, de reboot en reboot, de prise de conscience en mise en action, cette carotte était toujours là.

En ce début de saison 3 et leur retour sur Terre, ils avaient tout oublié, Michael et The Judge leur offrant l’opportunité d’arrêter de répéter leurs erreurs. Mais cette trillionième chance ne portait pas ses fruits à cause de l’intervention de nos démons préférés. Désormais au courant de l’existence de The Good Place et le moyen pour y accéder, ils se voient refuser l’entrée car ils ne peuvent plus gagner inconsciemment les points nécessaires. 3.05 - Jeremy Bearimy vient nous apporter la réponse (temporaire, on se doute) : il faut l’honnêteté et la mise à nu de leur situation, de leurs envies et de leurs obstacles pour qu’ils prennent conscience (à travers Eleanor !!) que pour accomplir leur destin, il faut pas uniquement l’amitié ou l’apprentissage d’une autre philosophie, il faut son application et donc l’abnégation.

La philosophie pas que pour les nuls

Après la découverte de la fin du précédent épisode, nos quatre humains prennent alors conscience, non pas dans un environnement loufoque et presque inconséquent de ce qu’ils peuvent faire mais dans la réalité, qu’il existe bien une vie après la mort. Mais que peu importe ce qu’ils fassent, ils n’auront jamais accès à son bon côté, non pas parce qu’ils sont fondamentalement mauvais mais parce que, tout humain qu’ils sont, ils voudront toujours en retirer quelque chose.

Sauf que. Sauf qu’Eleanor, à travers l’enseignement de Chidi qui l’impacte inconsciemment, réalise qu’elle ne peut se renier et qu’à défaut de pouvoir avoir ce qu’elle veut, elle peut le donner à quelqu’un d’autre. Alors elle aide des inconnus. Alors Tahani jette l’argent par les fenêtres. Alors Chidi se lâche (et retire le maillot !!). Plus que la philosophie expliquée aux nuls qu’était la saison une (et qui le faisait très bien), ses exercices qui permettaient son évaluation en saison deux, la saison trois semble être l’application réelle, la mise en pratique dans une réalité où leurs actions ont de vraies conséquences. Et où Michael et Janet ne peuvent plus être les artisans de leur scénario pédagogique mais des observateurs de leur expérimentation. Franchement, qui arrive à appliquer du Nietzsche à la télévision ?! C’est tout bonnement magistral.

Nous sommes tous foutus. Et tant mieux.

La propension de la série à aller de l’avant, phénomène qu’elle répercute sur ses personnages, est indicible. Jamais de mémoire une série n’a su se réinventer à chaque épisode, à ne jamais se reposer sur ses acquis, même Doctor Who. Mieux, elle capitalise sur ce phénomène pour faire bouger ses lignes, sans renier sa mythologie. Deux-trois exemples du dernier épisode :

  • Jason et Tahani se marient. Tout comme en fin de saison 1. Et là où le triangle amoureux impliquant Janet s’était fait discret, il revient par touches, insérant une émotion dans ses endroits les plus incongrues. Mais seul.e.s Janet, Michael et nous spectateurs, observateurs de cette boule à neige qui englobe notre quatuor, pouvons le voir dans son ensemble.
  • L’explication du temps selon Michael et selon les lois de la série. La théorie du Jeremy Bearimy, aussi farfelue soit-elle, permet le rire (‘Not if I see you first !’) mais aussi participe à leur faire comprendre qu’ils ne parviendront pas à échapper à leur destin. Et c’est cette aberration, cette confrontation à une théorie qui le dépasse, qui fait craquer Chidi et ses principes. Et c’est Eleanor, figure du nihilisme jusqu’ici, qui parvient à y faire du sens.
  • L’amour de la série pour les surnoms est incommensurable. Et communicatif. Cette semaine, Alias n’a qu’à bien se tenir avec son André Michaux, nous, on a Rick Justice et Lisa French/Double Nickname Fuqua. Et après Team Coackroach et The Brainy Bunch, The Soul Squad.

La série n’a de cesse que de créer des règles - philosophiques, éthiques, narratives, de genre, de comique - et les briser, les tordre, les réinventer. Jason brise même la pire : ‘one lollipop per customer !’. Mais loin d’en faire un levier pour faire n’importe quoi, elle nous apprend qu’il faut embrasser le chaos pour y trouver du sens, du rire et de l’humain.

Dans The Good Place, quand plus rien a de sens, plus rien ne va, que tout est chaos, à côté, tous les idéaux, les mots abimés, il faut chercher une âme qui pourra t’aider. Et cette éthique qu’elle veut exposer, c’est dans le gang qu’elle le trouve, unique constante des multiples vies qu’elle endosse. Et ils sont la seule direction qui compte.

Max
P.S. Et la richesse des gags visuels vaut tous les revisionnages du monde.