Baptism by Fire: His game, his rules
Vic avait prévénu Kavanaugh dans l’épisode précédent, mais le lieutenant de l’IAD (Internal Affairs Department) n’avait aucune idée des règles du jeu auquel il venait de prendre part. Et il n’était pas prêt à aller jusqu’au bout. Il n’était pas prêt, comme Vic l’avait fait des années auparavant, à sacrifier une personne innocente pour son propre intérêt. Rappelez-vous l’épisode de la saison 2, intitulé "Co-Pilot" (2.09), et ses flash back sur les débuts du Barn, avant même la première saison. Vic y avait sacrifié le peu de morale qu’il lui restait en se servant (en abusant plus exactement) de Connie, personnage récurrent de The Shield, et prostituée de son état, pour ses ambitions personnelles. Vic voulait coincer un ponte du trafic de drogue pour faire bonne impression sur Aceveda et avoir les moyens de monter la Strike Tream. Il avait utilisé Connie comme couverture et l’avait envoyée planquer de la drogue chez ce type, qui avait fini par la violer... Vic s’était réfugié derrière l’excuse du métier de Connie (« c’est une professionnelle ») pendant que le micro caché sur elle faisait écho de la torture qu’elle subissait et que Vic et Shane se tenaient à 50 mètres de là. Ce moment précis est pour moi le moment décisif de la vie de Mackey, celui qui l’a conduit à tout le reste, du meurtre de Terry jusqu’au Money Train.
Kavanaugh, lui, a reculé là où Vic a fermé les yeux. Il n’était pas prêt à affronter la souffrance d’Emolia et sa responsabilité dans cette souffrance. Grâce à Claudette et à Dutch (mais surtout Claudette, l’héroïne de l’épisode, le dernier rempart moral du Barn), Kavanaugh aperçoit à travers les caméras de la salle d’interrogation ce qu’il a fait subir à Emolia, la manipulation, le chantage, la peur, le mensonge. Il prend enfin conscience de toutes les règles du jeu, et de ce qu’il faut sacrifier pour pouvoir jouer dans la même catégorie que Vic. Et il n’est pas prêt à franchir ce pas, c’est pourquoi il avoue tout avant même qu’Emolia puisse répondre aux questions de Claudette.
On pourrait trouver que Jon plonge trop vite, et qu’on aurait aimé le voir mettre des bâtons dans les roues de Vic encore longtemps. Je trouve pour ma part que cet épisode est une excellente conclusion à toute l’intrigue autour de Kavanaugh et de Vic. On aurait pu croire que le lieutenant de l’IAD était l’opposé parfait du leader de la Strike Team, aussi honnête que Vic est pourri. Il n’en était rien. Kavanaugh et Vic partagent la même obsession à la limite de la folie, la même sorte d’intelligence perverse et le même charisme. Tous deux n’obéissent qu’aux lois qu’ils se sont fixés et ne sont, au final, que des loups solitaires qui ne pensent qu’à eux.
Kavanaugh aurait pu devenir l’égal de Vic s’il était allé jusqu’au bout, s’il avait sacrifié Emolia au passage. Il ne l’a pas fait. Et il prend ses responsabilités, quelque chose que Vic n’a jamais été capable de faire, et même encore aujourd’hui, lorsque son obsession de retrouver l’assassin de Lem risque de coûter le job, voire la vie, de ses coéquipiers.
Shane apparaît même comme la voix de la raison ! Combien de morts faut-il à Vic pour qu’il arrête de penser uniquement à lui ? Car cette obsession de vengeance ne sert qu’une seule et unique personne : lui-même. C’est pour Vic la seule façon de se faire pardonner, en quelque sorte, d’avoir conduit Lem jusqu’à sa mort, mais s’il ne prend pas directement cette responsabilité. C’est sa façon d’avoir l’esprit tranquille, de pouvoir se dire, "si je tue le coupable, Lem ne sera pas mort pour rien"... Un refuge bancal pour un esprit aussi tordu.
Ceci dit, et comme à chaque fois que Vic se jette dans l’action, on ne peut qu’admirer son courage, son intelligence et sa force. Y’a rien à dire, il en jette. Et c’est pour cela que l’on continue à vouloir le voir dans la rue, à imposer les règles de son jeu et à se montrer plus malin que n’importe qui. Il y a quelque chose de jouissif à voir un homme seul kidnapper le chef d’un gang au milieu de son territoire, entouré de ses soldats. Il y a quelque chose de jouissif à voir Mackey utiliser tout ce qui est à sa portée, en son pouvoir, pour aboutir à ses fins, sans jamais rien remettre en question. Il y a beaucoup trop de héros qui sont coincés dans la réflexion, savoir ce qui est bien ou mal, imaginer les conséquences. Vic est constamment dans l’action, dans le « ici et maintenant », dans l’adaptation immédiate à la situation. Et il excelle dans ce domaine.
Dans cet épisode, il part à la chasse de Guardo, le salvadorien supposé coupable du meurtre de Lem. Malgré ses efforts (et pendant que tout le commissariat de Farmington le recherche), Guardo reste intouchable. Il décide alors de kidnapper sa petite amie. Guardo, s’il veut garder son autorité intacte dans son gang, sera obligé de la récupérer... Là encore, les méthodes sont radicales, critiquables, et une innocente se retrouve au milieu et risque de payer cher. Mais ce n’est plus ça qui arrête Vic. A vrai dire, je me demande s’il y a encore quelque chose qui puisse l’arrêter.
Claudette peut-être ? La nouvelle capitaine du Barn se retrouve dans une situation délicate. Elle doit prouver ses compétences et produire des résultats (c’est une constante depuis la saison un, Aceveda avait eu la même douloureuse révélation), tout en contrôlant un minimum la Strike Team. Mais jusque là, personne n’a réussi.
Il est d’ailleurs passionnant de voir différents capitaines se relayer, et d’observer leurs stratégies. Aceveda, Monica Rawlings et Claudette ont tous des styles différents. Aceveda s’est corrompu pour essayer de condamner Vic, sans résultat. Monica Rawlings était celle qui avait lancé le plus de réformes et qui a fait le plus confiance à Mackey. Claudette, elle, veut redonner une virginité au Barn et recommencer sur des bases plus saines. Tous avaient du faire avec la Strike Team, pour le meilleur ou pour le pire. Caudette a le respect de Vic, il me semble. L’inverse n’est pas tout à fait vrai, mais Claudette est prête à reconnaître que le travail de Vic est efficace. Elle ne le hait pas comme Aceveda le haïssait et ne lui fait pas confiance comme Rawlings avant elle. Elle garde ses distances, elle essaye de rester professionnelle avant tout. Et elle a un atout que les autres capitaines ne possédaient pas : Dutch. Leur relation est la plus aboutie, la plus honnête des relations de travail (et d’amitié) de la série. C’est toujours un plaisir de les voir travailler ensemble. Lorsque Kavanaugh tente de convaincre Claudette de retirer Dutch de l’enquête sur Vic, il fait une erreur fatale : il attise la curiosité de la capitaine et l’attitude de Kavanaugh passe alors comme de la peur. Elle prends alors soin d’interroger elle-même Emolia et de façon tout à fait royable, elle oblige Kavanaugh à tout avouer.
Du grand Claudette. Et du très bon The Shield. Reste à savoir ce que Guardo va avoir à dire sur le kidnapping de sa copine... Et sur les accusations de meurtre de flic...