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Black Sails

2.05 - Un Point sur la Série

Le Placard de Davy Jones

lundi 23 février 2015, par Ju

En soi, qu’une série comme Black Sails s’améliore nettement en saison 2 n’est pas quelque chose de remarquable ou de nouveau. C’est toujours agréable, c’est vrai, mais Black Sails n’est pas la première série à avoir réussi à gommer ses plus gros défauts entre deux saisons, et elle ne sera certainement pas la dernière.

Ce qui est nettement plus rare, c’est quand ce gain notable de qualité arrive en vous donnant exactement le contraire de ce à quoi vous vous attendiez.

J’attendais la saison 2 de Black Sails parce que j’avais été séduit par l’ouverture faite en fin de saison 1. Flint n’était plus capitaine, son équipage et lui, étaient échoués sur une île avec le trésor qu’ils avaient convoité pendant huit épisodes. Entre eux et leur objectif ? Une confiance détruite, des relations irréparables.

Oh, et une plâtrée de soldats espagnols.

Je m’attendais très sincèrement à passer une grande partie de la saison sur cette île, à voir Flint et John Silver manœuvrer pour récupérer leur or, dans une pseudo-adaptation de « L’Ile au trésor » (dont les deux personnages sont issus).
Je ne m’attendais pas à passer cinq minutes sur cette île pour les voir repartir directement vers Nassau (après un abordage très efficace qui aidait à faire passer la pillule). Mais malgré cette déception (toute relative) due à des attentes complètement décalées de la réalité, il m’est difficile de ne pas admettre que les cinq épisodes de la saison 2 de Black Sails diffusés jusqu’à présent ne sont pas au moins aussi réussis que les meilleurs de la première saison.

Chaque chose en son temps

Depuis le premier épisode de la série, ce que j’ai toujours admiré dans Black Sails (en dehors de son générique et de ses plages magnifiques) c’est sa capacité à présenter des enjeux narratifs clairs, en se fixant systématiquement des objectifs à court, moyen, et long terme.

Dans le pilote, il s’agissait de mettre la main sur la page de registre (court terme) permettant de localiser l’or espagnol (moyen terme) qui donnerait à Flint l’opportunité de civiliser les pirates de Nassau (long terme).
Une saison et demie plus tard, l’or a été localisé mais n’a pas pu être récupéré, les objectifs à court terme changent d’épisode en épisode pour essayer d’y parvenir, quant au long terme... il n’a jamais semblé aussi lointain. Mais en même temps, et c’est la force de cette deuxième saison, il n’a non plus jamais semblé aussi important, parfaitement défini, et concret.

En se fixant de cette façon des buts à atteindre, Black Sails joue un jeu très dangereux. D’un côté, elle bénéficie d’une clarté narrative dont rêverait des séries comme The Walking Dead (dont le but est de... mouais... personne ne sait). De l’autre, Black Sails se doit de ne pas frustrer ceux qui la regarde en repoussant constamment ses objectifs de façon trop grossière.
Il s’agit d’un piège dans lequel la saison 1 tombait un peu trop souvent (passer un épisode entier à nettoyer un bateau était sans doute un peu abusé), un piège que la saison 2 sait gérer bien plus efficacement.

Cette amélioration est passée par des obstacles plus convaincants offerts aux personnages, et par le fait que, la plupart des moments plus lents de Black Sails sont désormais utilisés dans un seul but : développer de façon intelligente le pourquoi de la série, donner du poids à son objectif à long terme.

Et pour faire ça, les scénaristes ont utilisé un procédé tout con.

Des flashbacks.

Et oui, moi aussi, en découvrant ça, j’ai trouvé que c’était au moins aussi abusé que de passer un épisode entier à nettoyer la coque d’un bateau.

Londres, 1705

Quand une série déjà pas très rythmée (restons poli) commence en plus à utiliser des flashbacks pour nous raconter comment ses personnages en sont arrivés à passer leur temps dans les rouages de la bureaucratie caribéenne, la tendance naturelle est de crier au foutage de gueule.

C’est en tout cas ce que j’ai ressenti quand le premier épisode de la saison 2 de Black Sails a commencé à nous montrer le capitaine Flint à Londres, dix ans plus tôt, alors qu’il était encore officier pour la flotte anglaise. Et je me suis posé deux questions : « C’est bientôt fini ? » et « Est-ce vraiment bien nécessaire de nous montrer ce qu’on nous a déjà raconté en saison 1 ? »

Car oui, la vie de Flint et de Mrs. Barlowe ainsi que la façon dont ils s’étaient retrouvés à Nassau nous avait déjà été racontées en saison 1. Et il s’agissait, sans aucun doute, des passages que j’avais trouvés les plus insupportablement longs et sans intérêts de la série.
La faute à des scènes faussement mystérieuses, à une Mrs Barlowe inutilement cryptique, et au fait qu’on nous racontait tous les événements qui les avaient conduits sur l’île de la façon la plus sèche possible, à travers de longs dialogues prononcés à demis mots nous relatant des faits dont on n’avait pas grand-chose à foutre.

J’avoue que me retaper la même chose à travers des flashbacks n’était une perspective très séduisante. On savait déjà que Flint allait trahir Hamilton, qu’il allait se taper sa femme, le tuer dans des circonstances mystérieuses, se faire poussait une barbe rousse, et partir devenir pirate à Nassau.

A quoi bon nous raconter la même chose, si ce n’est pour gagner du temps ?

C’était sans compter sur le fait que, en dépit de toute logique, les flashbacks en question étaient bien foutus. Voir Flint agir différemment dans un contexte complètement différent avait de l’intérêt. Ce contraste saisissant apportait un vrai plus à l’intrigue. Et, surtout, le plan de Lord Hamilton pour civiliser Nassau, un plan idéaliste en opposition à toutes les pensées de l’époque, a permis à la série de présenter son objectif à long terme en y apportant des enjeux réels, portés par des personnages agissant dans un but noble.
Les flashbacks ont donc donné à Flint et Barlowe la profondeur dont ils manquaient cruellement en première saison, peu importe si on savait déjà que Flint allait se taper la femme d’Hamilton, se faire pousser une barbe rousse, et qu’il allait... tomber amoureux d’Hamilton, être renvoyé de l’armée à cause de leur relation, et voir l’homme qu’il aime être interné par sa faute.

Hein ?

Ah, donc, ok !

Oui, le rebondissement de ce cinquième épisode était assez merveilleux.

Même si les flashbacks sont, en règle générale, une béquille narrative que je trouve assez détestable, il est difficile de s’en plaindre quand ils sont déployés de façon aussi efficace que dans la saison 2 de Black Sails.

Grâce à eux, la motivation de Flint n’a jamais été aussi claire. Grâce à eux, sa relation avec Barlowe a enfin du sens. Et mieux que ça, ils tiennent debout, il ne s’agit pas d’un rebondissement pensé pour choquer ou pour faire parler (si vous en voulez un exemple, regardez House of Cards).
Parce qu’ils ont pris leur temps, pendant cinq semaines, à nous montrer la relation entre Flint et le couple Hamilton évoluer, les scénaristes ont acquis le droit de jouer cette carte. À ce moment-là, et pas un instant plus tôt. Nous montrer la raison qui a poussé Flint à la piraterie en saison 1 aurait pris trop de temps pour que ça soit aussi bien fait qu’ici. Ça aurait encore plus endommagé le rythme d’épisodes qui n’avait pas besoin de ça. Je ne dis pas que cette révélation ça répare a posteriori toutes les scènes de Mrs Barlowe de la première saison mais... disons qu’elles gagneront peut-être un nouveau niveau de lecture en les revoyant.

(Je ne les reverrai jamais, soyons sérieux, on se faisait trop chier.)

Et donc, non, à ma grande surprise, je ne m’impatiente toujours pas de voir Flint et son équipage partir à la recherche de leur or, même arrivé à la moitié de la saison 2.
Plus les choses avancent et plus je doute qu’on verra cet objectif se réaliser avant la fin de la série. Ils adapteront « L’Ile au trésor » éventuellement, je n’en doute pas, mais je ne pense pas que ça soit avant un long moment.
Il faut déjà ramener la fille du gouverneur à son père. Puis il faudra sans doute faire autre chose, et encore autre chose. Le moyen terme devient le long terme. Le long terme devient un doux rêve dans la tête de nos protagonistes, un rêve auquel a été donné un vrai poids grâce à des flashbacks déployés au bon moment.

Tout ça n’a strictement importance. Je prends beaucoup de plaisir pour ça, semaine après semaine, à voir les pirates de Nassau se trahir mutuellement, décapiter des gêneurs au milieu de décors magnifiques, tenter de vivre leur sexualité de façon intelligente et moderne à une époque ni intelligente ni moderne. Peu importe s’ils retardent sans cesse leur quête de trésor par des bavardages constants et leur amour inégalable de la bureaucratie maritime.

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