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The Real Jéjé of pErDUSA
Prise N°3
Vive les saisons de trop !
lundi 27 août 2012, par
Et d’un point strictement qualitatif, je ne peux qu’adhérer à ces points de vue.
Pour une The Shield, qui conclut ses sept saisons de son existence sur sa meilleure, combien d’autres ont vu le faible niveau de leurs dernières années forcer leurs spectateurs à réévaluer leurs avis favorables initiaux ?
Je me demande toujours si les deux premières saisons de 24 (que je n’ai jamais revues et que je ne reverrais sans doute jamais) peuvent encore être appréciées avec la même jubilation qu’à leur première diffusion après la dérive réactionnaire (et profondément ennuyeuse) des 5 ou 6 suivantes…
Pourtant, je dois bien avouer que j’ai un gros faible pour les séries qui s’éternisent et pour leurs saisons tardives qui n’ont pas vraiment de raisons "créatives" de voir le jour.
Parce que qu’au bout d’un certain temps, après 150-200 épisodes, une fois le succès révolu, de façon involontaire, liée simplement à la durée de production et de diffusion, se manifeste de façon patente l’action érosive du temps qui s’écoule, ce passage implacable qui altère les sentiments, transforme les gens, génère la nostalgie, fantasme le passé, et qui est pour moi l’un des phénomènes les plus émouvants de la vie et l’un des plus complexes à faire exister dans les oeuvres de fiction de format plus ramassé.
J’y ai pourtant vraiment été sensible pour la première fois grâce au cinéma, il y a désormais bien longtemps, en regardant l’extraordinaire Splendour in the Grass, d’Elia Kazan, dont il constitue l’un des sujets principaux et qui se termine sur ces vers éloquents du poète romantique William Wordsworth :
"Though nothing can bring back the hour
Of splendour in the grass, of glory in the flower ;
We will grieve not, rather find
Strength in what remains behind".
Plus tard, je me suis rendu compte que ce thème avait une grande importance dans mon intérêt pour la fiction sérielle quand j’ai terminé la trilogie des Mousquetaires de Dumas.
Clairement, Les Trois Mousquetaires est le chef d’oeuvre universel et absolu. C’est génial, c’est enlevé, c’est plein de grands sentiments, c’est la quintescence du roman-feuilleton, c’est l’un de mes livres favoris et l’un des rares que j’ai lu plusieurs fois.
Pourtant, ma préférence va à sa deuxième suite, Le Vicomte de Bragelonne, trois fois plus long, et qui se déroule 40 ans après les histoires des ferrets de la Reine et du siège de la Rochelle. Les Mousquetaires ont vieilli, ils sont fatigués, ils ont réévalué leurs rêves. Ils apportent une ambiance crépusculaire qui crée un splendide contraste avec les aventures de beaucoup d’autres personnages, plus jeunes, auxquels plus des deux-tiers du roman sont consacrés, illustrant ainsi, exposant, faisant toucher du doigt au lecteur l’inexorable pouvoir du temps qui passe.
Je pense qu’une grande part de mon affection pour la dernière saison de House tient à ce qu’on le ressent de façon prégnante dans chaque épisode qui baigne ainsi dans une atmosphère mélancolique. (Essentiellement dans la première partie, la fin s’occupant trop de préparer un finale boursouflé et, en définitive, anecdotique).
Puisque Cuddy ne fait plus partie de la série, pour satisfaire, on l’imagine, un quota minimum de présence féminine, deux nouvelles doctoresses rejoignent l’équipe. Deux personnages tout-à-fait acceptables, aux personnalités contrastées et bien définies, qui créent des situations inédites avec House. Ils renvoient surtout à chacune de leurs apparitions l’absence de Cuddy et que la série ne fut jamais aussi bonne que dans les moments de "screwball comedy" générés par le couple qu’elle formait avec House.

J’adore de plus le côté tragique de ces personnages créés quand l’engouement populaire s’est tassé, qui devraient incarner un nouveau souffle et qui ne sont que les marqueurs d’une gloire lointaine. Sans aucune chance de rester dans la mémoire télévisuelle collective.
Ce sont les Gates, Morris et Neela d’Urgences, les Logan de Gilmore Girls, les Cally et James de Dallas (nouvelle femme et fils illégitime de JR dans les saisons 12 et 13), le Noah (successeur raté de Dylan McKay) de Beverly Hills, les Jenny et Ray de Ally McBeal, les Megan et Lexi de Melrose Place, tous les avocats de LA Law qui se sont succédé et qui ne sont resté qu’un an à partir de la saison 5, et enfin, pour la série à rallonge du moment, les April et Jackson de Grey’s Anatomy (qui est bien partie pour atteindre une saison 10…)
J’aime leur "existence" tragique et futile, qui s’étire souvent plus qu’elle n’évolue. Et je compatis quand ils sont amenés, dans les derniers instants de leur série, à s’effacer au profit des célébrations finales (presque) injustes des personnages originels (souvent disparus depuis bien longtemps, qui réapparaissent à cette occasion), qui resteront toujours bien plus emblématiques qu’eux de l’univers dans lequel ils évoluent.
Urgences aura été une des rares séries à parvenir à un jeu de correspondances entre le passé glorieux et le présent toujours en marche pendant toute sa dernière saison. Elle a réussi à jouer à fond la carte de la nostalgie sur les 22 épisodes avec l’élégance de laisser une place de choix au présent et valorise ainsi, de l’une des plus belles façons qu’il m’est été donné de voir et de ressentir, cette composante temporelle qui m’est si chère dans les fictions.
Vivement la saison 12 de The Good Wife et la saison 9 de Vampires Diaries !
[1] Même si c’est de moins en moins vrai. Certaines séries anglaises, comme Shameless, se rapprochent même des modes de productions américains (avec des équipes de scénaristes étoffées et des saisons d’à peu près vingt épisodes) pour des raisons d’économies budgétaires..