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Nico & Recreation
Promenade N°3
Le Connard, Partenaire Officiel de Showtime
jeudi 31 décembre 2015, par
Tout ça ressemble à un match de boxe. Avec des compétiteurs de haut niveau.
Dans le coin bleu, avec un sens moral beaucoup moins bien noué que son nœud papillon (mais bon, c’est pour la science…), il se sert de son aura pour faire passer tout et n’importe quoi.
Accusant trois saisons et au moins 80 kilos de paperasse sur ce que sont le plaisir et l’orgasme, il pense 75% du temps à sa tronche (même avec le copain de son fils). Mesdames messieurs, voici le Blaireau en Blouse Blanche : Bill Masters.
Dans le coin rouge, c’est un auteur talentueux. Si talentueux que la seule façon qu’il a de le montrer, c’est de mettre en scène sa maîtresse et la belle-famille de celle-ci pour relancer sa carrière de romancier.
A partir de cette crise de la quarantaine, depuis deux saisons, il inflige une sacrée volée de clichés au téléspectateur (mais bon, c’est un artiste…). Des applaudissements pour le Mariole de Montauk : Noah Solloway.
En 2015, dans The Affair comme dans Masters of Sex, le personnage principal masculin s’est enfoncé dans ses pires défauts. On doit à ces gars-là une séance intensive de musculation des paupières et des sourcils chaque dimanche… mais pas seulement. Ces deux saisons sont aussi un bon moyen de nous rappeler que dans les séries de Showtime, Le Connard est un authentique produit d’appel.
Encore faut-il se mettre d’accord sur ce que nous appelons de la sorte. C’est la séquence « définition » de cette chronique.
Le Connard chez Showtime en cinq points
Le Connard est blanc, hétéro, riche et malheureux (HBO envisage de porter plainte pour plagiat)
Le Connard a vu Ally MacBeal. Oui, même celui des années 50/60. Il a adoré cet épisode dans lequel on demande à l’héroïne « Mais pourquoi crois-tu que tes problèmes sont plus importants que ceux des autres ? » et qu’elle a répondu « Mais parce que ce sont les miens ». C’est à partir de cet échange qu’il a d’ailleurs construit toute sa vie. Et tant pis pour ses amis, sa famille ou ses collègues.
Le Connard ressemble à un guéridon. Ou à une table à trois pieds, tant il a besoin de son sexe pour tenir debout. Il pense beaucoup avec ce dernier, d’ailleurs. Autant dire qu’il ne réfléchit pas trop.
Le Connard a un traumatisme lié à l’enfance. Comme à peu près tout le monde. Mais là où cela pourrait nourrir une lutte interne stimulante (ce qui est le cas d’un personnage comme Virginia Johnson, par exemple), cette donnée sert à rappeler que Le Connard est une sacrée feignasse. Un Monsieur qui pense que le sien est plus gros que les autres. [1]. A partir de là, il n’a pas beaucoup d’efforts à fournir.
Le Connard est très souvent fatigant. Mais pas tout le temps. C’est peut-être là tout le problème : en de rares occasions, il se voit tel qu’il est. Sans fard. Il déteste ce qu’il donne à voir et ça le rapproche un peu du téléspectateur. Dans le finale de la saison 3 de Masters of Sex par exemple.
A partir de cette définition, il est assez facile de comprendre pourquoi plusieurs dramas de Showtime rassemblent un public fidèle.
Comment bien utiliser un Connard dans une série
D’abord parce qu’une fois que vous avez défini qui sera votre Connard, il est sans doute plus simple de construire des personnages dont le téléspectateur peut se sentir proche. Par opposition ou par compassion. Comme Cole Lockhart dans The Affair, qui aura été le personnage le plus intéressant à suivre cette année. C’est prioritairement pour ces figures-là que l’on revient chaque semaine. Ça et l’envie de voir Le Connard malencontreusement disparaître sous un postérieur d’éléphant.
Ensuite parce qu’en de rares occasions, les scénaristes mettent leur Connard en situation de sorte qu’il paraisse un peu moins imbus de sa personne. Ils misent alors tout sur point cinq de notre définition.
Dans The Affair, cela intervient quand la mère d’Helen dit à Noah ses quatre vérités et qu’il ne peut qu’acquiescer. [2]
Cela marche beaucoup mieux que lorsque Miranda Hobbes de Sex & the City lui fait une séance discount d’En Analyse pour lui dire que c’est normal qu’il ne pense qu’à sa gueule. [3]
Comment ce procédé mazoute plein de bonnes idées
Débute alors pour le téléspectateur la traque des moments où l’on retrouverait un Noah plus humain, moins auto-centré et capable de nous toucher (comme en saison 1, après avoir laissé Helen). Un peu comme lorsque l’on est devant la saison 3 de Masters of Sex et que l’on se demande si l’on revivra des moments aussi intenses que le deuxième épisode de la saison 2.
Un épisode qui tourne… autour d’un match de boxe.
Dans les faits, il n’est pas du tout certain que l’audience revive de pareils instants. Ce que vit Virginia Johnson avec Dan Logan ne donne pas spécialement envie de la revoir avec Bill Masters. Et dans The Affair, les défauts de Noah ont tendance à contaminer tous ceux qui l’approchent. C’est le cas pour Helen mais surtout pour Allison, dont le personnage s’est considérablement affadi en douze épisodes.
Encore plus que les flashforwards (la pire des mauvaises inventions de la télé, à mon sens), le vrai danger pour les séries modernes a un nom : Le Connard Marée Noire. Le personnage qui a tendance à mazouter toutes les bonnes histoires. Y compris les séquences qui se veulent puissamment tragiques mais ne le sont pas. Comme la fin de la saison 2 de The Affair.
[1] je parle toujours de trauma
[2] Et le fait que ce personnage imite très bien Le Connard 90% du temps n’amoindrit pas cet effet.
[3] En y repensant, peut-être que la première séquence aussi était pourrie. Et que je suis potentiellement un Connard.