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Deutsch Qualität
Folge 2
Parfum
dimanche 10 février 2019, par
En attendant de découvrir ce que vaut Dogs of Berlin, la deuxième allemande, par rapport à Plan Coeur, la deuxième française [2], intéressons-nous pour ce deuxième numéro de « Deutsch Qualität » à la troisième (et pour l’instant dernière autre) série allemande de la plateforme, Parfum.
Qui est donc la deuxième que j’ai suivie en intégralité en allemand sous-titrée... en allemand.
(Et j’arrête avec les nombres ordinaux, c’est promis [3].)
Qu’est-ce que c’est ?
C’est une co-production de Netflix avec ZDF-neo, une chaîne du deuxième [4] réseau de télé publique allemand, ZDF.
En 6 épisodes d’une heure, diffusée « à la française ». Deux épisodes sur trois soirées.
Ça raconte quoi ?
C’est une variation policière autour du Parfum, histoire d’un meurtrier, le best-seller planétaire de Patrick Süskind.
Le roman raconte l’histoire de Jean-Baptiste Grenouille, un pauvre orphelin du Paris du XVIIIème, qui trouvera à Grasse la formule d’un parfum qui provoque l’amour. Parfum, la série, se situe de nos jours dans la région très très plate du Niederrhein, à la frontière avec les Pays-Bas. La découverte du cadavre mutilé d’une jeune femme (dont des parties des aisselles et de la vulve ont été prélevées) conduit une enquêtrice sans odorat à mettre à jour les agissements passés et présent d’un groupe d’amis obsédés par le Parfum, le roman.
C’est avec des gens qu’on a déjà vus ?
Bizarrement, en ce qui me concerne, non.
Je dis bizarrement, parce que depuis que j’ai commencé à regarder des fictions allemandes avec Unsere Mütter Unsere Vätter, j’y ai toujours retrouvé dans l’une un visage aperçu dans la précédente.
Et c’est bien ?
Pour celles et ceux, dont je fais partie, dont leur maîtrise de l’allemand est encore fébrile, c’est une réussite. Quelques champs lexicaux clairement définis et récurrents d’épisode en épisode (les odeurs, le sexe, les mutilations…), une diction très claire et pas trop rapide de la part des interprètes, de longs tunnels sans parole pour souffler, quelques scènes en français pour faire le point sur le vocabulaire, tout y est pour progresser.
En revanche pour celles et ceux qui aiment les séries, il y a moins de choses. L’enquête se révèle poussive dès le premier épisode et s’enlise immédiatement dans des considérations éculées sur les tueurs en série et les meurtres à caractère sexuel. Il est probable qu’elle n’ait été voulue que comme une entrée dans le fonctionnement d’un groupe d’amis et que Parfum tirerait son intérêt de l’exploration de relations toxiques entre ces personnages et qu’elles fassent écho aux relations des policiers qui sont sensés les démêler tandis que la série glisserait doucement vers le fantastique.
Malheureusement, l’écriture n’est pas du tout à la hauteur. Toutes les intentions sont systématiquement surlignées par des successions de scènes de dialogues très explicatifs (particulièrement celles entre un personnage et sa psychologue) et par des juxtapositions brutales entre passé et présent…
Plus problématique encore : l’utilisation du roman de Süskind se limite au simple fait que des personnages veulent faire « comme dans le livre ». C’est tout.
C’est un peu léger surtout quand on veut rendre hommage à une œuvre dont le tout de force est de parvenir à faire ressentir le pouvoir des odeurs par les mots, de donner à « sentir » par la lecture.
Dans la série, ni les mots, ni les images, ni les sons ne sont utilisés dans ce but. Les odeurs et les parfums n’apparaissent que comme le sujet d’un mini exposé sentencieux en voix-off au début de chaque épisode et ne servent qu’à justifier une conclusion qui se voudrait provocante.
Parfum serait donc au vu de ces réserves une série qui n’a pas trouvé les moyens pour ne pas s’effondrer sous le poids de son ambition et du monstre auquel elle voulait rendre hommage.
Mais c’est bien pire que ça.
Car pour celles et ceux qui ont une petite fibre féministe, c’est un pur enfer.
Au vu de la représentation des interactions entre les différents personnages de la série, on pourrait imaginer, quand on sait que la série est écrite par une femme, que Parfum pouvait avoir eu pour dessein de mettre en scène les ravages de la violence masculine, à la fois physique, psychologique, sexuelle et symbolique, au sein des relations entre hommes et entre hommes et femmes (les relations entre femmes sont quasiment inexistantes) dans un groupe d’amis qui se sont choisis et dans un groupe de professionnels qui sont obligés de travailler ensemble. Plus que d’odeurs, c’est de cette violence que sont chargées toutes les images et les scènes de la série. Mais Parfum n’en fait rien et n’a aucun discours à son sujet.
Les scènes de viols et de violence physique d’hommes envers des femmes tout comme les images de cadavre de femmes mutilés s’accumulent quand dans le même temps le personnage de l’enquêtrice s’enfonce dans des rapports de soumission à son supérieur et amant. Et tandis que la caméra les filme avec complaisance, la série avance que cette violence n’est qu’une réaction à des mères démissionnaires et toxiques.
Je n’ai rarement vu une haine des femmes et de la figure maternelle aussi crasse que dans Parfum.
Elle est telle que le personnage du proxénète, auteur de plusieurs viols à l’écran, en vient à être réhabilité parce qu’il se lie d’amitié avec la fille d’une « ses » prostituées, qui, selon lui, ne s’occupait pas correctement d’elle (la série s’occupera évidemment de tuer cette mère assez rapidement) ou que l’épouse battue et violée dès le premier épisode par son mari se révèle être une tueuse d’enfant et dans une grande scène d’expiation de ses pêchés renonce à la garde de sa fille au profit de son mari dont elle tait les violences…
Le dernier épisode se conclut sur une nouvelle scène de viol (dont la mère de la victime en est un témoin mais s’en détourne puisqu’elle condamne certains des agissements passés de sa fille) et fait rentrer le personnage de l’enquêtrice dans la lignée de ces femmes veules et égoïstes responsables du malheur de leur entourage et de leur oppression.
Rien que ça.
L’échec est ainsi total à tout point de vue.
M’enfin, maintenant, je sais dire en allemand "j’adore l’odeur de ce cadavre déchiqueté"...
[1] Tiens, y’a eu une deuxième saison ou pas ?! Mais pourquoi je me pose une question à laquelle je ne veux surtout pas avoir de réponse…
[2] Pas que je considère que la confrontation soit la base de toute relation franco-allemande…
[3] Note de Seb : heureusement, parce que j’ai dû relire quatre fois pour comprendre. Trop de nombres tuent les nombres !
[4] Ce n’est pas de ma faute, c’est le nom de la chaîne ZDF, Z pour Zweite, « deuxième » !