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Les Moments du Mois
Février 2017
Février 2017 en 5 Moments Séries
mercredi 1er mars 2017, par
Et l’esprit d’équipe, ça se construit en formant une alliance majoritaire contre un·e seul·e du groupe pour lui assigner la rédaction de l’intro de la chronique, la plus ingrate des tâches qui puisse exister.
C’est l’esprit d’équipe à la Grey’s Anatomy, Blackie vous en dira quelque chose aujourd’hui.
En février, on a écrit sur sur une série policière féministe, un teen-show féministe et un spin-off féministe.
Donc, pour changer, dans les moments du mois, on s’est aussi intéressé à quelques personnages masculins (et un sac à main) dans des séries... féministes. (Et dans Legion).
Mais, tout de suite, pour "fêter" l’Oscar de Casey Affleck, notre Brie Larson à nous fait un petit point sur Nashville !
1 Nashville
9 février / Non approuvé par Shelley Duvall
Par Blackie
Malheureusement, on vit dans une époque où Hollywood continue de récompenser des hommes blancs accusés d’abus mentaux et sexuels. Le message envoyé au public est particulièrement dérangeant, et encore plus rageant personnellement vu qu’il s’agit de l’industrie dans laquelle j’ai choisi de travailler. Alors forcément, l’arc récent de Scarlett dans Nashville me fait sortir de mes gonds.
Oui, Nashville est une série médiocre, et souvent maladroite sur les sujets difficiles qu’elle choisit de traiter. Mais elle a toujours été bien intentionnée (comme des blancs beaux et riches savent si bien l’être !), et je l’apprécie pour cela.
Alors qu’est-ce qui est venu à l’esprit des scénaristes de pondre cette relation abusive entre Scarlett et son réalisateur, qui se conclut en faisant passer ça pour une bonne chose ?!
J’ai une aversion pour ce mythe abominable qui existe en art, et surtout dans le cinéma, associant talent et comportement atroce. Parce qu’un homme est vu comme un “génie”, il peut faire ce qu’il veut sur les plateaux comme en dehors. C’est le résultat qui compte, voyons ! L’ART passe avant la décence humaine. Comme si c’était le seul moyen d’arriver à certains résultats.
L’association complètement fausse entre tyrannie et talent reste encore bien trop encrée dans les esprits. Et c’est exactement ce que Nashville perpétue.
Scarlett se fait mentalement abuser par le réalisateur de son clip, sous le regard d’une équipe qui ne dit rien. Y compris Gunner, son partenaire dans tous les sens du terme, à peine gêné. Le chromosome Y de Rayna fait bourdonner son cerveau, pour qu’elle soit mieux écrasée aussi sec par un autre homme lui assurant que la situation est "normale". Ni la star ni la productrice ne sont écoutées. Ce sont des petites choses fragiles qui paniquent pour rien, et sont vite remises à leur place.
Le sentiment d’impuissance et de solitude de la victime, ignorée par un monde qui ne veut rien savoir par peur égoïste, est bien rendu. Et j’ai vraiment cru qu’on allait dans une autre direction quand Scarlett élève enfin sa petite voix de souris pour envoyer chier ce jeune con prétentieux qu’a fait 3 vidéos dans sa vie. Sauf que cinq minutes après, elle accepte de se plier jusqu’au bout à sa torture mentale.
*soupir*
Évidemment, la vidéo finale est formidable. Un triomphe critique et public. Voyez-vous, ce réalisateur a réussit à faire sortir une part cachée qui existait en Scarlett, grâce à son abus magique. Et elle l’en remercie ! Elle est tellement forte maintenant, qu’elle en développe des sentiments pour lui, et balance à Gunner de grandir un peu. C’est une femme transformée ! Quelle leçon féministe !
J’en. Ai. Marre.
(Ces épisodes tiennent à remercier Stanley, Casey, Roman, Woody, et tous leur amis.)
2 Jane The Virgin
6 et 13 février / Il se passe plein de trucs dans Jane the Virgin
Par Tigrou
Le 6 février, il s’est passé un truc dans Jane the Virgin (Si vous ne savez pas à quoi correspond le truc en question, arrêtez de lire cet article. Maintenant.). Un truc qu’on aurait dû voir venir (d’ailleurs c’est pas pour me vanter mais je l’ai vu venir avec bien 40 minutes d’avance – 40 minutes atroces que j’ai passé à me ronger les ongles devant mon écran en espérant me tromper). Un twist (partez je vous dis...) qui pouvait ressembler à un énorme saut dans le vide sur le moment, même s’il semble très logique rétrospectivement. Un truc (dernière chance de partir si vous ne savez pas) qui avait le potentiel de relancer la série dans une direction excitante... ou de la plomber durablement.
Bref : la mort de Michael (c’est pas faute de vous avoir prévenu) a été très bien amenée dans la série. Mais dans les secondes suivantes, elle a généré une grande angoisse chez moi. Est-ce que le ton de la série allait pouvoir survivre à un drame pareil ?
Depuis 3 ans, Jane the Virgin est LA série qui me met de bonne humeur. Les scénaristes ont réussi un pari difficile, en créant une série drôle et positive sans jamais perdre de vue l’humanité de leurs personnages... Bref, Jane the Virgin est une série qui fait du bien... Mais elle n’est pas la plus adaptée pour traiter frontalement d’un événement dramatique. La série l’avait d’ailleurs bien compris. Il suffit de voir comment elle a géré ses cliffhangers de fin de saison : des rebondissements « tragiques » (un bébé kidnappé, un fiancé entre la vie et la mort) qui étaient rapidement évacués en début de saison suivante pour ne pas nuire au ton de la série...
Tout ça pour dire que, pendant cinq secondes, en voyant Jane s’effondrer en apprenant la mort de son mari, j’ai été inquiet... Et puis la série – qui me connaît décidément très bien – a sorti de son chapeau un de ses coups de génie narratif dont elle a le secret, en réalisant un bon de trois ans. Résultat : je suis sorti de l’épisode moins effondré que surexcité par les possibilités narratives qu’ouvrait ce rebondissement.
Et je dois le dire : toutes mes attentes ont été comblées dans l’épisode suivant, diffusé le 13 février. Ce premier épisode « post-Michael » de Jane the Virgin est une réussite totale : non seulement le saut temporel permet à la série de conserver son équilibre entre drame et comédie, mais en plus, les scénaristes semblent avoir complètement réussi l’exercice du « X ans plus tard », qui consiste à faire rebondir les intrigues dans des directions inattendues tout en redéfinissant les relations entre les personnages. A ce niveau là, l’épisode enchaîne les idées géniales : le mariage de Rogelio avec une femme qu’il a appris à détester en off pendant 3 ans ; la nouvelle relation d’amitié entre Gabriel et Jane... Et surtout, le nouveau rôle de Petra – absolument parfaite en présidente de l’association de parents d’élèves – qui permet de remettre sur les rails un personnage que la série semblait avoir un peu perdu cette saison...
Et je ne parle même pas des 10 000 gags, hashtags et autres révélations qui mettent les larmes aux yeux (qui n’a pas cherché un mouchoir en comprenant que le livre de Jane ne parle pas de sa grand-mère mais de Michael ?).
Je n’ai qu’une question : avec ce saut de trois ans dans le temps, est-ce qu’on va avoir droit à l’élection de Michelle Obama l’année prochaine dans l’univers fictif de la série ?
Si oui, Jane the Virgin sera officiellement la plus formidable du monde.
3 The Good Fight
19 février / Le générique qui soigne
Par Feyrtys
Après seulement un peu plus d’un mois de Président Bannon-Trump au pouvoir et une campagne présidentielle française qui oscille entre « émoticône rire nerveux » et « émoticône tête de mort », il faut bien dire ce qui est : je ne me sens pas au sommet de ma forme. Se réveiller tous les matins en se demandant quelle ignominie le facho orange a pu déclarer/signer pendant la nuit n’est pas un sentiment qui inspire la sérénité. Et il y a des jours où je me demande si mes angoisses sont légitimes et si je ne serais pas, ma foi, en train de me tourmenter moi-même. Des jours où j’ai envie de demander aux gens qui restent calmes et optimistes ce qu’ils prennent comme drogue ou s’ils ont eu recours à une lobotomie.
Heureusement, la télé est là pour me rassurer. J’ai toujours eu besoin de séries pour fuir la réalité, mais les programmes qui m’aident en ce moment à ne pas rester en position fœtale dans mon lit le matin sont ceux qui me disent que je ne suis pas seule à enrager/trembler tous les jours. Il suffit par exemple que je lance un épisode de Full Frontal with Samantha Bee pour me sentir mieux. Si Sam Bee réussit à faire de l’humour et à critiquer le régime fasciste dans lequel elle vit à l’heure actuelle, je devrais arriver à ne pas fixer mon écran de téléphone d’un air vide en répétant « c’est pas possible » tous les matins.
Le retour de John Oliver m’a également redonné quelques points de santé mentale. Pendant 30 minutes, Last Week Tonight agit comme un étrange calmant sur moi : au lieu de m’énerver un peu plus, j’ai l’impression de partager un moment avec un ami qui pense comme moi et qui ne cherchera pas à nuancer mes propos (que je tiens généralement le poing levé).
Et puis lundi dernier, un dernier remède est apparu : The Good Spin-off, The Good Fight. Mais plus encore que de revoir Diane et Lucca, d’entendre à nouveau le rire de l’avocate la plus badass de Chicago, c’est le générique du deuxième épisode qui m’a donné des ailes.
C’est bien simple, entre le fait d’avoir un générique (denrée rare de nos jours), la musique classique qui va crescendo et les objets qui explosent au ralenti sur fond noir, je pense que mes voisins ont cru que je m’envoyais en l’air.
Ce générique, c’est le réconfort ultime. La récompense pour avoir survécu à une semaine de plus sans craquer devant son ordinateur et sans avoir fait ses valises pour partir vivre loin, très loin, n’importe où pourvu qu’il n’y ait aucune connexion Internet et très peu d’habitants. Ce générique, c’est mon phare dans la nuit.
Alors merci les King. Du fond du cœur, merci.
4 Legion
15 février / David, Sydney and the Romance of the Mind
Par Nico
Regarder Legion, c’est accepter de se perdre.
Dans un récit qui propulse le téléspectateur au cœur de l’esprit de David Haller (Dan Stevens, Downton Abbey), un homme doté de superpouvoirs et à qui l’on répète depuis des années que les voix et les visions qui l’oppressent ne sont que le produit de son imagination.
Mais aussi dans un univers visuel foisonnant, qui vient asseoir un parti pris : la série explore la question de l’identité à travers ce qu’elle montre beaucoup plus que par ce qu’elle dit. Avec ses cadres très travaillés, sa photographie super soignée et son jeu de couleurs élargi.
Si on considère que n’importe quelle œuvre artistique est un peu comme une balle qui vient rebondir sur le mur de notre subjectivité, Legion a tout de la sphère qu’on utilise dans une partie de squash. Suivant que vous soyez ou non bien dans la partie, elle claque avec force… ou loupe complètement la cible.
La série de FX se prend dans la tête et dans les tripes. Ou elle prend la tête et donne mal au ventre. Dans tous les cas, elle ne provoque jamais de réaction tiède. Un peu comme Sense8 ou The Leftovers, mais de façon très (très) différente.
Je fais partie (et Blackie aussi, je crois : Go, Blackie, Go !) de la première catégorie. Parce que sous des dehors qui semblent bordéliques, la série interroge la question de la normalité et de l’anormalité.
Là où des séries comme Mr Robot et Hannibal (en tout cas, dans le souvenir que j’ai gardé de la saison 1) questionnent la thématique de la perception du réel, Legion s’intéresse à la réalité en tant que convention. C’est quoi, être fou ? En quoi notre monde repose-t-il sur un regard objectif et des normes fiables, des conventions viables ?
Ces interrogations sont notamment portées par la relation que David noue avec Syd Barrett (Rachel Keller, Fargo saison 2). Dans le premier épisode, le héros la rencontre pendant une séance de thérapie où elle verbalise les questions posées plus haut. Et c’est à travers les sentiments qu’il a pour elle que Haller commence le tri de ses émotions et des multiples pans de sa personnalité.
Sydney ne peut pas toucher les autres. Son pouvoir a tout du don et de la malédiction. Si elle le fait, elle change de corps avec celui ou celle qui l’a approché et elle tente de limiter cela au maximum. Et contre toute attente, si cela se produit avec David au début de la série, c’est ce qui lui permet d’établir une connection à part avec le héros.
Elle devient une sorte de point (plus ou moins…) fixe autour duquel tout est toujours en mouvement. Et c’est sans doute autour de cette notion que s’articule la dimension émotionnelle de la série.
Ce sont dans les séquences David/Sydney que Legion explore effectivement un énorme potentiel poétique. C’est quoi, au fond, la poésie ? C’est s’arrêter sur l’aspect émotionnel d’éléments dépourvus d’émotions mais revisités par l’esprit humain. De sorte qu’ils donnent un sens à ce que l’on vit.
Dans la vie de tous les jours, c’est parfois une touillette en plastique à la forme tordue, lentement torturée par des mains stressées (oui, bon…). Dans Legion, ce sont toutes les séquences où les deux amants se découvrent (figurativement) l’un à l’autre. Et ce sont tous les plans où ils se retrouvent projetés dans une « romance de l’esprit », comme l’appelle David.
Encapsulée dans le point de vue de David, la série prend-elle le risque d’enfermer le personnage de Sydney dans une vision éthérée de la femme, où le contact physique provoquerait le chaos ? C’est la théorie d’un très bon article Vulture qui fait le parallèle avec les personnage dd’Alicia (Misfits) et Rogue (X Men).
L’idée est intéressante parce qu’elle montre ce que Noah Hawley et sa bande doivent éviter. Mais on peut raisonnablement considérer que c’est en le touchant que Syd a libéré David – ou en tout cas amorcé le processus de sa libération. Et que c’est ce premier contact qui a donné envie à ces êtres miroirs de fouiller dans l’ombre de leurs âmes. En appelle-t-il d’autres plus tard ? Peut-être. L’important est que le personnage de Sydney puisse exister en tant qu’entité autonome. Entière. Et non fantasmée.
Dans tous les cas, l’aventure mérite d’être suivie. Et poursuivie.
5 Grey’s Anatomy
9 février / DeLuca v. Karev
Par Blackie
Ca y est, Grey’s Anatomy a clairement enfoncé le clou avec l’arc qui m’énerve le plus cette saison. Après toutes ses positions fièrement progressistes pendant plus d’une décennie, je ne comprends pas qu’elle se retrouve tout à coup dans un discours aussi problématique que celui qu’elle mène avec l’attaque de DeLuca.
Durant toute cette affaire, le comportement de la majorité des personnages m’a énormément fait grincer des dents. Il est normal de montrer une certaine solidarité indécrotable envers Karev, ami de longue date et collègue respecté, car c’est ainsi que la majorité des gens réagissent face aux agresseurs. Ils ne sont pas des boogeymen, mais des gens qui sont aussi aimés. Cet aspect fait partie de la réalité. Très bien.
Ce que j’accèpte moins, c’est quand la série passe plus de temps à chercher un pardon à Karev (à travers eux), qu’à se préoccuper des effets de l’attaque sur la victime. Si ce n’est carrément la vilifier. En particulier lorsqu’il s’agit de Meredith, LA voix de la série, et elle-même victime traumatisée quelques saisons plus tôt. En déclarant que les remords d’Alex, ainsi que tout ce qu’il fait de positif, surpassent ce geste, la série se positionne du mauvais côté.
Car pour DeLuca, une seule personne déclare clairement le soutenir, tandis que les autres le font culpabiliser de perturber l’hôpital avec son procès. Karev est un super docteur, mince, faut qu’il pense à tous ces enfants à soigner ! Ben voyons, se faire brutalement casser la figure, et manquer d’avoir sa carrière et vie ruinées, c’est juste une façon de faire chier les autres. Parce qu’il n’a pas de séquelles physiques, en fin de compte, donc la situation devient facile à oublier.
Quand Karev décida d’aller en prison de lui-même, j’ai roulé des yeux. Il ne faut pas se leurrer, c’était une façon de le faire passer une fois de plus pour “un gars bien, qui fait ce qu’il faut”. Mais au moins il allait payer pour son crime... AH AH.
Non, à la dernière minute, DeLuca retire sa plainte. Notre héros préféré est libre ! Pourquoi ? Parce qu’il a subit trop de pressions à son boulot ? Non, parce que l’objet de leur affection commune “n’a pas besoin de ça en plus”.
Relâches le type qui a des accès de violence et t’as éclaté la tronche, pour gagner le coeur d’une femme (elle-même ancienne victime, au passage). Parce que voir son ex en prison serait trop dur POUR ELLE.
?!?!?!
Je cherche encore à comprendre cette excuse pitoyable pour enterrer l’affaire, et revenir au bon vieux status quo.
Une chose est sûre, le message envoyé par Grey’s Anatomy aux victimes de violences est un petit peu répugnant sur ce coup.