Round N°7

Et ce n’était que le début. Car en réalité, deux mois plus tard, je pense même que plein de séries seraient bien meilleures si elles étaient diffusées sur Cinemax.

Laissez-moi vous expliquer ce qui s’est passé.

Dans l’épisode en question, « The River in Reverse », Klaus (l’hybride vampire / loup-garou immortel au cœur de The Originals... non, ne partez pas !) règle une bonne fois pour toute ses comptes avec ses ennemis, en les affrontant de la façon la plus cool possible : dans une baston à un contre cent.
La scène est courte, mais très réussie : ça se donne des coups, ça se mord, c’est le bordel. Vous pouvez juger par vous-même. Pour faire court, alors que tout semble perdu pour Klaus (bah oui, un contre cent, c’est chaud), il se transforme en hybride (Restez ! Vraiment !) et la situation se renverse. On repart de plus belle dans la violence, la deuxième manche s’annonce glorieuse et... la séquence se termine brusquement. Klaus a gagné.

C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que The Originals ne pourrait jamais exploiter tout son potentiel. Tout simplement parce que la série n’est pas diffusée sur Cinemax, la chaine du cul, des bastons, et des explosions. Elle est diffusée sur la CW, la chaine des adolescentes superficielles.

Dans Banshee, joyau grotesque et jouissif de Cinemax, la même scène de deux minutes se serait déroulée exactement de la même façon, avec d’enchainer sur une autre séquence de dix minutes, encore plus violente, avec du sang partout, des os qui craquent, une chorégraphie impressionnante, et l’impression de ne pouvoir voir ce genre de scène que dans cette série, et nulle part ailleurs. Encore une fois, jugez par vous-même.

La liberté totale dont jouissent les séries diffusées sur Cinemax, Starz ou HBO, tant au niveau du sexe que de la violence, amène parfois certains critiques de séries télé à ne pas les prendre au sérieux.
Elles sont sujettes à des moqueries, parfois justifiées, parfois moins, parfois drôles, ou parfois accompagnées d’un certain puritanisme un peu nauséabond. Le fait est que les excès dont elles font parfois preuve entrainent des jugements hâtifs peut-être regrettables. À titre d’exemple, certains critiques séries continuent encore aujourd’hui de railler Spartacus, en n’en ayant certainement rien vu d’autre que le premier épisode, alors que beaucoup de gens très bien s’accordent à louer ses nombreuses qualités.

En ce qui me concerne, j’ai le problème inverse. Je n’arrive plus à regarder les séries de la CW sans me demander constamment si, quand même, elles ne seraient pas meilleures avec plus de sexe et de violence.

C’est incontestablement le cas de The Originals (et dans une moindre mesure celui de The Vampire Diaries), qui peine à nous présenter ses protagonistes (des vampires violents qui passent leur temps à coucher les uns avec les autres) comme les véritables monstres qu’ils sont censés être.
Certes, des actes de violence font leur apparition, de temps en temps, mais... il leur manque un certain excès. Les cassages de nuques entre immortels, ça va bien deux minutes, mais c’est très répétitif et ça reste très propre. Idem pour les bisous bien chastes, sur fond de musique pop, qui desservent la réputation de ceux qui sont sensés se taper de la bourgeoise à travers les continents depuis plus de mille ans.

Pas étonnant, à partir de là, que True Blood soit un succès absolu tandis que The Vampire Diaries et The Originals demeurent plutôt confidentielles. Ce n’est pas grâce à ses intrigues ou à la richesse de ses scripts que True Blood fait parler d’elle, et ça n’a donc pas d’importance que les deux séries de la CW lui soient infiniment supérieures sur ces points. Non, le succès de True Blood repose uniquement sur les culs respectifs d’Anna Paquin, Ryan Kwanten et Alexander Skarsgård, et sur rien d’autre.
Après tout, et malgré tout le mal que je peux penser de la série, il est difficile de trouver quelque chose à reprocher à une scène comme celle où Bill se tape son ex, avant de lui retourner la tête à 180 degrés pour ne pas avoir à la regarder. C’est ce qu’on appelle maitriser son art.

Mais les séries de vampires ne sont pas les seules qui auraient bénéficié d’un peu moins de pudeur. Gossip Girl, j’en suis sûr, aurait pu être plus créative dans ses scandales si elle n’avait pas été écrite avec l’audience de la CW en tête. Scandal pourrait être encore plus scandaleuse. (Je n’ai jamais vu Scandal.) En général, dans un monde parfait, la plupart des soaps diffusés sur les grands networks ressembleraient à Banshee.

Exception notable : Reign, également diffusée sur la CW, ne gagnerait rien à être produite pour le câble. Pire, elle risquerait de se transformer en un clone des Tudors (ou d’une autre série historico-érotique de votre choix).
En effet, toute la spécificité de Reign repose sur sa gentille vision proprette de la cour de France. Sur ses complots bien faciles à suivre permettant des retours rapides au statu quo. Sur ses musiques sucrées (complètement ringardes, pour le coup, car utilisées pour accompagner les scènes lourdes en dialogues explicatifs qui ouvrent chaque épisode, absolument typiques du cahier des charges de la CW). Et ça serait dommage de perdre tout ça, rien que pour quelques litres de faux sang supplémentaires dans les scènes de sacrifices païens se déroulant dans la « Forêt au Filtre Bleu Dégueulasse » qui borde le château.

Reign, c’est vraiment nul.

Aujourd’hui, pas plus qu’il y a deux mois quand j’ai eu cette idée, je ne suis pas sûr de savoir où je veux en venir avec ces histoires d’Originaux sur Cinemax.

Je ne sais pas si ce problème de forme desservant le fond existe vraiment ou si ça vient de moi. Je ne sais pas si je suis devenu tellement insensible au sexe et à la violence qu’il m’en faut toujours plus pour être satisfait, ou bien si, effectivement, la série des vampires de la Nouvelle-Orléans serait vraiment meilleure s’ils adoptaient le même code vestimentaire que leurs voisins de Bon-Temps.

Je ne suis pas sûr. Mais, quand même, je crois que The Originals serait vachement mieux s’ils étaient tous à poil.