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Iris in Treatment
Session N°3
No rest for the Wilfreds
samedi 18 août 2012, par
Je n’avais pas tort sur les louanges que je lui adressais. La première saison de la série était excellente, et son final en apothéose laissait présager du meilleur. J’avais tort de la limiter à ça.
Le moins qu’on puisse dire de moi, c’est que je suis souvent réduite à néant lorsqu’une série représente la folie, ou le déséquilibre mental. C’était le cas avec Homeland, évidemment, mais aussi avec Community, avec Shameless ou avec House. Ces séries me font du mal. Je continue à les regarder [1], parce qu’elles sont bonnes et que c’est le genre de douleur souvent inévitable dans la vie, et du coup bénéfique à voir à l’écran. Mais elles ne me laissent en général pas sans séquelles.
Ça peut sembler absurde dit comme ça, et je sais qu’on m’a souvent reproché de trop me laisser atteindre par les séries TV, mais c’est le cas. Et peu importe le nombre de morts fictives qui m’ont fait pleurer, jamais aucune n’a égalé la douleur que je peux ressentir en voyant un personnage souffrir de troubles mentaux. Dans le cas de Shameless et de Homeland, vous savez probablement que les séries mettent en scènes des bipolaires.

Autant dire que cette année, je suis servie par le chemin emprunté par Wilfred, parce que j’ai plus que jamais l’impression que le personnage interprété par Jason Gann est comme la personnification d’un trouble bipolaire, adoucit à grand renforts de fourrure.
J’adorais la saison dernière parce que les personnages étaient sympas, qu’il y avait quelques touches sombres délicieuses de-ci de-là, et que je riais beaucoup devant cette série hors du commun. Un épisode de la saison s’attardait sur la mère du personnage principal, enfermée dans une sorte de maison de repos, et on la savait « folle », mais en dehors de ça, on restait dans un traitement très léger de la situation. Et puis vint le finale, où Ryan ouvrait la porte qui devait normalement le mener au sous-sol dans lequel il passait le plus clair de son temps avec Wilfred, et qu’il se retrouvait en réalité devant un placard.
Une balle de tennis en tombait, et la saison s’achevait en rappelant ainsi au spectateur que non, contrairement à ce que la propagande que nous inflige Dreamworks depuis des années semble affirmer, un animal qui parle n’est pas quelque chose de normal. Elle nous abandonnait en nous affirmant une bonne fois pour toute que Ryan était fou.
Mais, si la saison 1 se concentrait surtout sur la manière dont la vie de Ryan était améliorée par Wilfred et les leçons que celui-ci lui donnait, la saison 2 nous révèle un Ryan apaisé, et plus ou moins en train de trouver une certaine normalité. On le voit à son travail, faire des projets, s’intéresser à des investissements, avoir une petite amie ; le genre d’activités qu’on pourrait considérer comme normales, si elles n’étaient pas faites en compagnie d’un humain en costume de chien.

« Sauf que. »
On pourra m’avancer que ce n’est qu’un procédé narratif fréquent dans les séries ; de rendre un personnage heureux avant de le briser. C’est un art que Joss Whedon avait parfaitement maîtrisé, mais c’est ici, selon moi, beaucoup plus que ça.
Parce que tout concorde beaucoup trop.
On commence à s’intéresser à quelqu’un qui va mal, qui tente de se suicider. Et puis apparaît dans sa vie quelque chose qui lui redonne une sorte de foi, une sorte de bien être ; mais attention, ce quelque chose est inexplicable, il ne se base sur rien de logique. Parfois, le personnage en a peur, mais pendant quelque temps, cette chose va améliorer sa vie, le pousser à faire des choses qu’il n’aurait jamais envisagées normalement. Lui apprendre à vivre. Le personnage va aimer ce quelque chose, mais quand il semblera avoir ce qu’il veut, celui-ci va lui rappeler qu’il ne peut pas l’avoir. Parce qu’il n’est pas normal.
Parfois, la bipolarité peut apporter beaucoup. Elle peut mener à des sommets créatifs, pousser au contact social, exalter, rendre heureux pour quelques jours. Mais pas pour toujours. Parce qu’au final, c’est ça le plus tragique avec elle. Le fait qu’elle laisse parfois les gens tranquilles, qu’elle leur laisse penser qu’ils peuvent prétendre à une vie normale.
Avant de tout leur reprendre, et de les laisser seuls, avec leur folie.

[1] Sauf pour House, faut pas déconner. Est-ce que j’ai une gueule à regarder TF1 ?