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Les mystifications de la trash tv

par Séverine Barthes

Le développement des émissions de télévision-poubelle apparaît à un moment où la collectivité délègue ses responsabilités. Dans une société fondée de plus en plus sur l'individualisme et sur un rejet des valeurs collectives, la télévision, qui fait vivre le mythe de l'individu contre la société, exploite, à des fins financières, cette mutation sociale. De même que l'on demande à l'école d'éduquer, et non plus seulement d'instruire, les enfants, la télévision se propose de résoudre les problèmes tant personnels que collectifs. C'est une intention louable quand il s'agit, via le Téléthon, de mettre en avant des maladies peu connues du grand public et de récolter des fonds pour des recherches que les laboratoires refusent de mener sous l'excuse de l'absence de rentabilité de protocoles destinés à moins de 50 personnes au monde. Mais où est la justification quand il s'agit d' « aider » des aspirants artistes à être mis en rapport avec des producteurs en profitant pleinement de l'augmentation de l'audience que provoquent ces nouveaux radio-crochets et des substantielles rentrées publicitaires qui en découlent ? Où est-elle quand il s'agit d'enfermer de jeunes gens dans un appartement sous des caméras sous couvert de pseudo-arguments sociologiques et en criant au refus de l'évolution sociale face aux détracteurs de tels programmes ? Où est elle quand il s'agit de faire venir des gens sur un plateau pour qu'ils s'expliquent, devant des millions de téléspectateurs et deux animateurs qui sont loin d'avoir un diplôme de psychologie ? A-t-on réellement besoin de TF1 pour parler à la personne que l'on aime, pour remercier quelqu'un ou pour faire une déclaration d'amour ? La télévision se nourrit de la sphère privée en la mettant sur la place publique, en brouillant les frontières entre ce qui relève de l'intime et ce qui nécessite un débat ouvert à tous.
Au lieu de s'insurger sur la violence qui serait montrée dans les fictions cinématographiques et télévisuelles - autre forme de cette attitude qui consiste à chercher dans la sphère publique les causes de tous les problèmes -, les bien-pensants et les chercheurs que l'on voit errer de plateau en plateau feraient peut-être mieux de s'interroger sur les conséquences sur le jeune public de telles émissions qui propagent insidieusement l'idée que la télévision est la seule issue pour construire sa vie sentimentale ou professionnelle.