La Bible d'une série télévisée est un instrument de travail essentiel pour les scénaristes. Elle répertorie tout ce que la série doit/peut contenir ou ne pas contenir.
Elle est établie au lancement de la série par la production en coordination avec la chaîne de télévision. Mais la bible peut évoluer avec le temps et les directives des différents intervenants.
Nous vous proposons de découvrir des extraits de la bible des Cordier, juge et flic
, série télévisée française diffusée sur TF1. Cette publication a été rendue possible grâce à une source de Bubu que nous remercions chaleureusement. Le document date du 16/09/1996 et comporte un total de 27 pages dactylographiées. Les extraits commencent ici.
LES CORDIERS, JUGE ET FLIC
"Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est le chemin" Kierkegaard
"Qu'est-ce que l'âme ? C'est très exactement se qui se rétracte en nous quand on parle de séries mathématiques" Müsil
Présentation des personnages (pages 2 à 14)
Le commissaire Cordier (Pierre Mondy)
De son passé en uniforme, Cordier garde une solide expérience du terrain : la rue est son univers, il en connaît toutes les clefs et tous les codes, il s'y sent bien, tellement mieux que dans son bureau où il doit affronter des papiers qui l'ennuient et une hiérarchie qui l'encombre. Cordier s'épanouit dans l'action, dégageant sur ses assistants les tâches de simple police.
Pierre Cordier est une figure de la grande maison. Du petit planton au superflic, tout le monde connaît sa réputation. Celle d'un flic obstiné mais humain, d'un emmerdeur aussi, dont les célèbres coups de gueule font trembler les malfrats comme les bureaucrates. Car le commissaire aime la vérité, sans compromis et sans partage. C'est un flic incorruptible qui préférerait quitter la maison plutôt que de plier aux pressions politiques ou policières.
Dans les moments de cafard, Cordier se laisse parfois aller à la nostalgie d'une époque où la police était peut être plus humaine, où les bandits avaient encore un peu d'honneur. Un temps où les flics étaient des flics et les bandits des bandits...
Les temps ont changé, pas la nature humaine. De nouveaux délits sont apparus, de nouveaux criminels aussi, mais qu'ils soient en cols blancs ou en blousons noirs, Cordier lit dans l'esprit des malfaisants comme dans un livre. Il peut anticiper leurs mouvements, les attendre là où ils se croient en sûreté. On pourrait appeler ça du flair, si Cordier ne détestait pas ce mot...
Cordier est un flic humain, il a horreur de la violence ; ce n'est pas son genre de cogner les suspects... A moins que sa patience ne soit poussée à bout. C'est un personnage chaleureux, attentif, doué d'une grande capacité d'écoute. Sa nature le porte vers la compassion, mais il ne faut pas se laisser tromper par cette apparente bonhomie... Quand la situation l'exige, Cordier peut nous montrer un visage plus inquiétant. Et son regard brûle parfois d'une colère impressionnante.
Le juge Bruno Cordier (Bruno Madinier)
Quand un prévenu le menace, qu'un suspect l'injurie, Bruno répond par la patience. Le juge est sûr de lui, la loi est dans son camp. un peu trop sûr peut-être, ce qui peut inquiéter son père quand Bruno s'expose aux représailles des mafieux (comme dit fort justement Cordier : "on arrête pas une balle avec un bon dossier"). Car Bruno aime aussi le terrain et l'action (rançon de son impatience) ce que son père lui reproche parfois en l'accusant de jouer au flic.
Un bon épisode des Cordier repose presque toujours autour d'un conflit (parfois grave) entre le juge et le flic. Un moteur dramatique d'autant plus évident que le duo fonctionne parfaitement.
Comme tous les juges d'instruction, Bruno est surchargé de travail (...). Pour éviter de perdre son temps dans les embouteillages, Bruno a longtemps référé se déplacer en Solex. Mais il a acquis depuis peu une vieille Fiat 500 assez déglinguée qui fiat le désespoir de son père (mais le budget de la justice est ce qu'il est).
Au fond, Bruno est un workoholic : il sait que la vérité est faite d'une somme de détails et c'est sa formidable capacité de synthèse, alliée à une mémoire impressionnante, qui fiat de lui un magistrat hors pair.
Sa mère (et son père) s'inquiètent de le voir toujours célibataire.
Mais attention : Bruno n'est pas un moine. les femmes sont attirés par son charme, sa maturité et son humour subtil et élégant. Pourtant, Bruno ne garde jamais très longtemps ses conquêtes qui finissent par se lasser de son manque de disponibilité. La Grande Maîtresse de Bruno, c'est la Justice, et elle ne partage pas volontiers ses amants.
En fait, la seule "relation durable" que Bruno ait jamais eu, c'est avec Amélie, sa belle greffière, une relation, qui si elle reste toujours strictement professionnelle, n'en demeure pas moins ambiguë. (...) il s'efforce de lui cacher ses aventures amoureuses de peur de la blesser. (...) Le parfum d'une histoire d'amour jamais réalisée flotte entre les deux personnages, un parfum entêtant auquel ils ont su jusque là résister.
NOTE : Bruno n'est pas limité à mener des investigations impliquant des crimes de sang. (...) on imagine par exemple Cordier enquêtant sur un meurtre (enquête A) tandis que Bruno est absorbé par une affaire judiciaire (enquête B).
Bien entendu, ces deux affaires se recoupent pour n'en faire qu'une.
Les décors (p. 19 à 21)
Le SRPJ
Il ne s'agit pas d'un commissariat de quartier mais d'un service régional de police judiciaire. L'équipe de Cordier vient d'emménager dans ces nouveaux locaux : c'est un décor presque futuriste, le nec plus ultra de la police moderne. Tout a été prévu, informatique, liaisons optiques, contrôle automatique de la lumière, de l'ouverture des portes (et en particulier de celle de la « cage », commandée par une serrure à code et du bureau de Cordier, commandée par une carte magnétique), climatisation, etc...
Les flics affrontent parfois les pannes et les mal fonctions du dispositif en rêvant de coincer le concepteur des locaux (pour le moment, il court toujours). Alors, en attendant qu'un hypothétique réparateur pointe son nez, ils ont trop froid, trop chaud, se battent avec leurs ordinateurs et leurs badges électroniques.
Attention : ces défauts créent des situations parfois humoristiques, mais ils ne doivent jamais prendre le pas sur l'action, le déroulement de l'affaire.
Le SRPJ est un espace panoramique sans cloisons, passé le comptoir d'accueil, on trouve les bureaux des inspecteurs. Le bureau de Cordier est isolée par une baie vitrée, le commissaire pouvant surveiller l'activité du service à travers trois écrans vidéo.
« Chez Peppino »
Ce qui était au départ une simple pizzeria est devenu un véritable restaurant italien tenu par Peppino, le cousin italien de Lucia. C'est ici que Cordier, grand amateur de cuisine transalpine, reçoit ses informateurs et organise ses rendez-vous les plus discrets. C'est également le lieu où les Cordier se retrouvent. La proximité du lieu par rapport au SRPJ et au bureau du magistrat en fait évidemment le lieu où la famille se retrouve. Cordier et Bruno se confient, s'affrontent et se tiennent au courant de leurs enquêtes respectives tandis que Lucia donne souvent un coup de main à son cousin en salle.
L'arrivée d'un nouveau chef a fait de cet établissement un lieu fort prisé de la « gastronomie » locale. A la surprise générale, le restaurant s'est vu attribué une étoile. Mais cette renommée va attirer l'attention de malfrats qui vont racketter Peppino. Cordier, bientôt mis au courant, se charge de sortir le cousin de sa femme de ce mauvais pas.
Quelques considérations d'ordre général (p. 22 à 23)
Chaque épisode doit reposer sur une intrigue policière solide. Le commissaire Cordier et/ou son fils doivent être impliqués très rapidement, et très intimement, dans l'affaire. Ils sont les deux moteurs de l'enquête, ceux qui font avancer le film (1). Cordier est un flic riche d'expérience, mais il ne doit jamais paraître largué, dépassé par les évènements. Quant à Bruno, il doit donner la pleine mesure de son rôle : le juge d'instruction est un magistrat puissant et indépendant, pas un auxiliaire de police.
L'intervention des Cordier devra se justifier au-delà des simples considérations administratives.
Quelques questions à se poser avant de développer un synopsis :
En quoi l'affaire concerne-t-elle les Cordier ? Quels sont leurs enjeux personnels ? Quels vont être leurs doutes et leurs cas de conscience ?
Les Cordier seront d'autant meilleurs qu'ils auront face à eux des adversaires intéressants. Il s'agit de créer des personnages épais, complexes, qui donneront du fil à retordre aux enquêteurs. Ne jamais oublier que Cordier est un spécialiste (intuitif) de la psychologie criminelle... mais il peut être dérouté apr les paradoxes, la part imprévisible de ses ennemis.
Au-delà de la simple résolution d'un crime, un film réussit reposera sur un bel affrontement (2).
A propos des sujets : Un film policier parle de son époque, mais il ne faut pas confondre faits de société et faits divers. Plutôt que de partir d'un « grand » sujet d'actualité (les sectes, la corruption, le Sida, etc.) pour l'illustrer tant bien que mal, il vaut beaucoup mieux s'attacher à
l'itinéraire d'un personnage. A travers un destin singulier, on pourra traiter les grands thèmes en évitant les lieux communs et le pathos.
A propos du traitement : sans faire de scénario type, on peut simplement préciser que chaque film devra commencer par une séquence forte, plonger d'emblée les spectateurs dans l'intrigue. Ne pas négliger d'installer un certain suspense, une part de danger, pour accélérer le tempo de l'enquête.
Quelques interdits :
- Certains milieux comme l'espionnage, le show-biz (cinéma, musique...), le sport (déjà fait) ou des sujets tel la pédophilie, les tueurs en série...
- Le téléphone : bien sûr, il est impossible de s'en passer, mais les scènes où l'action se déroule entièrement par téléphones interposés sont à proscrire (sans parler des longs monologues).
- La télévision : Eviter les scènes où les personnages regardent les informations télévisées pour comprendre ce qui leur arrive !
(1) On les a vu trop souvent courir après l'enquête, les faits, alors qu'ils devraient au contraire les devancer.
(2) Nous sommes plus proches du polar psychologique que du film d'enquête.
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