Ca y est, ce samedi matin France 3 a finalement diffusé "La Révolte Du Chevalier Bleu", le premier des cinq épisodes formant l'arc final de ASTRO BOY 2003. C'était l'occasion d'ouvrir un topic consacré au héros culte d'Osamu Tezuka, qui n'a pas fini de faire parler de lui après plus de cinquante années de loyaux services. Et pour commencer, de faire un minuscule bilan de cette version moderne d'Astro Boy qui a été réalisée par Kazuya Konaka sous l'égide des héritiers du Maître, Tezuka Productions. Et de dire combien cette dernière version animée fut aussi exceptionnelle que les deux précédentes.
Même la version américanisée de l'anime - avec changement musical complet, coupures pub, épisodes dans le désordre et dialogues édulcorés - n'aura pas eu raison de l'intérêt de ce remake 2003 fantastique, qui représente un double-hommage à l'égard du personnage d'Astro - ou Atom :
- Dans le manga d'Osamu Tezuka datant de 1951, le robot à kokoro Astro naît le 7 Avril 2003. Or Astro Boy 2003 a débuté sa diffusion le 7 Avril 2003 au Japon. L'évènement fut tel que le Japon célébra l'anniversaire d'Astro comme celui d'une véritable personnalité publique. Une statuette d'Astro entièrement faite de rubis et d'émeraudes fut construite et exposée au Tezuka Museum pour l'occasion, statuette dorée d'une valeur de un milliard de yens, c'est-à-dire... 8 millions d'euros.
- La série Astro Boy 2003 signe aussi le quarantième anniversaire de la première série animée Astro Boy, inédite en France et constituée de près de deux-cent épisodes. En 1963 débarquait sur les écrans japonais la PREMIERE SERIE TV ANIMEE HEBDOMADAIRE - inutile de signaler qu'il s'agit donc d'un classic among the classic pour tout membre du FLT qui a une face - entièrement faite avec les moyens du bord du Studio d'Osamu Tezuka de l'époque, Mushi Productions : un vieil anime en noir et blanc nommé Tetsuwan Atom alias Astro Boy qui non seulement connut un succès international faramineux, mais surtout obligea tous les studios concurrents à s'adapter à l'animation série et au format 25 minutes, qui n'a toujours pas disparu aujourd'hui. Sans Astro Boy 1963, l'anime essentiellement série tel que nous le connaissons actuellement n'existerait pas et en serait resté au cinema. Astro Boy connaîtra un autre remake animé, une fois de plus surveillé par Osamu Tezuka mais cette fois chez Tezuka Productions, un anime couleur cette fois-ci, en 1980 : celui qui nous a laissé d'impérissables souvenirs.
Mais le mangaka aux 100 mangas, aux 300 anime et aux mille autres créations - premiers magazines mangas, premières conventions sur l'anime - nous quittera d'un cancer du foi en 1989. Mort à l'hôpital ses crayons en mains, et pas au sens figuré, déterminé jusqu'au bout à mettre un point final à son message, en vain. Celui qui disait dans les années 50 "Je dessinerai des mangas jusqu'à ce que le manga devienne aussi diversifié que la littérature et le cinema pour finalement devenir un art à part" puis dans les années 60 "Je prédis qu'un jour les relations entre animation et manga seront si étroites que la combinaison des deux ouvrira des possibilités narratives interactives et infinies", cet homme qui dessinait ses mangas en cachette car les militaires de l'époque les brûlaient pour hérésie et qui n'a eu de cesse de faire découvrir le talent des autres au lieu de tirer la couverture pour lui seul, qui a continué à dessiner malgré une septicémie du bras, qui a introduit la culture occidentale dans un pays jadis anti-européen et anti-américain, qui a été viré cent fois et qui est revenu à l'attaque mille fois, cet homme avant-gardiste qui était contre la peine de mort, contre la répression à l'égard des communistes, contre l'urbanisme sauvage et contre la politique sociale japonaise dans un pays jadis ultra-conservateur et qui censurait ce genre d'opinions, ce visionnaire qui avait prédit la science-fiction d'aujourd'hui, le shojo, le seinen, le hentai et dont l'humanisme transpirait de chaque case des 280 millions d'albums qu'il a vendu dans le monde entier, cet artiste et médecin ultra-cultivé qui connaissait tout de la littérature populaire, du théâtre et de l'opera anglais et allemand, de la philosophie française, du cinema américain, de l'Histoire de l'Asie, de la faune africaine, de même qu'il connaissait toutes les religions et mythologies sur le bout des doigts au point d'avoir eu l'autorisation du Vatican pour adapter la vie du Christ en anime, ce génie comme on en fait plus, qui a débattu dans ses mangas de l'euthanasie, du racisme, de la condition des femmes, des expériences génétiques et de la sauvegarde des écosystèmes des décennies avant la société dont il était membre, cet homme pillé et détruit que j'admire au plus haut point est décédé sans avoir pu assister à la naissance de cet Astro Boy 2003, hommage superbe à son héros fétiche, supervisé par Sony et Tezuka Productions, et qui est parvenu à complètement moderniser la saga légendaire tout en conservant son message, son âme et sa beauté d'antan.
Techniquement, la qualité de la troisième série animée est épatante pour une série de 50 épisodes - effets spéciaux nombreux, animation fluide, et surtout constance dans la qualité. Le chara-design a été arrondi pour se rapprocher de la norme actuelle mais aucun personnage déjà présent dans les précédentes versions n'en patît. De nombreux personnages de l'univers Tezuka viennent jouer les guest-stars dans la série, une fois de plus dans des rôles complètements différents : Nanairo Inko devient le terroriste Kato, l'Instituteur Moustache devient le Détective Moustache... Des robots succintement apparus dans le manga de 1951 reviennent, plus impressionnants que jamais et redesignés - Le Chevalier Bleu bien sûr, mais également Pluto le lanceur de torpilles et l'incontrôlable Atlas. La ville de Metrocity est parfaitement remodelée et même si le chara-design des personnages originaux créés spécialement pour le remake ne sont pas toujours convaincants, les héros eux s'en sortent mieux que jamais. Les traits naïfs ont disparu mais un certain parfum d'innocence règne toujours autour d'Astro, Uran, Ochanomizu et même le diabolique Dr. Tenma, qui bénéficient tous de look somptueux. La trame du manga a un peu changé dans cette version, sur la forme davantage que sur le fond fort heureusement, et certains choix scénaristiques sont flagrants : Astro Boy 2003 est plus cartésien que ses prédécesseurs. Les fameux épisodes farfelus avec aliens, machines à remonter le temps et monstres tordus ont diminué en nombre - on en garde deux ou trois pour faire illusion - et ce au profit de l'intrigue centrale d'Astro Boy 2003 qui est la cohabitation difficile des humains et des robots dans une ville où le PAR, le Parti Anti-Robots, a une influence considérable sur les citoyens. En se focalisant essentiellement sur des histoires ayant un lien direct ou indirect avec le PAR, Astro Boy 2003 renoue avec le message anti-raciste originel du manga d'Osamu Tezuka, où le PAR était déjà présent en trame de fond... représenté avec des tenues du Ku Klux Klan. Une fois la métaphore comprise, Astro Boy 2003 et la longue saga pluri-formats Astro Boy tout court devient d'autant plus intéressante : le leader du PAR, Mr. Drake, qui met toute l'insécurité et le chômage de Metrocity sur le dos des robots dans ses nombreux discours publics rappelle de nombreuses personnalités réelles de l'extrême-droite actuelle, et du stalinisme d'antan. Prônant un monde sans robots où ces derniers seraient envoyés à la casse via de grands wagons, provoquant lui-même des attentats qu'il impute ensuite aux robots, le PAR est le véritable ennemi d'Astro dans le remake de 2003. La manière dont la plupart des robots sont maintenus en esclavage dans Metrocity, les débats qui animent la ville sur leur nature réelle - doit-on ou non leur accorder le statut d'êtres moraux ? - sont autant de pistes qui suggèrent que sous son vernis comique et sa science-fiction enfantine - plus sophistiquée de versions en versions - Astro Boy n'est finalement qu'une longue allégorie sur le racisme et la société que le racisme engendre. Le tout pour les enfants et les adultes non connards, même si certaines histoires finissent mal. Je pense par exemple à ce fabuleux épisode où un robot refuse d'être réinitialisé et s'enfuit de son usine car il ne veut pas qu'on lui ôte le souvenir de son opéra préféré : la police, avant de le cribler de balles, de lui dire "La musique, l'art, sont des loisirs d'humains. Une vulgaire machine comme toi n'a pas à y avoir accès." Et Astro de conclure "Ce n'est pas par peur d'un monde où tout serait robotisé que les hommes nous détestent. Au contraire, ils ont peur parce qu'au fond, nous sommes peut-être trop proches d'eux."
Astro la merveille technologique, qui en tant qu'unique robot doté d'un kokoro, c'est-à-dire d'une âme, est au centre de tous les conflits. Utopiste à la frontière de l'Homme et de la Machine, il est le seul à pouvoir faire le pont entre le monde des humains et des robots, et finalement à sauver Metrocity de la spirale de la haine. A lui s'oppose le mystérieux Chevalier Bleu, robot surpuissant, sorte de révolutionnaire qui agacé par la suprématie des humains, prône la rébellion et la lutte armée des robots contre l'espèce humaine et son anéantissement au profit du règne des machines. C'est finalement ce qui arrive dans les cinq derniers épisodes, où ce combat fratricide entre Astro et le Chevalier Bleu - ils ont été créés par le même savant fou Tenma dans le but de se combattre un jour - va décider du sort de Metrocity : cité d'harmonie et d'égalité entre humains et robots ou chaos destructeur aux relents d'épuration ethnique. Si ça c'est une série pour enfants, alors je veux rester môme jusqu'à l'annulation de 24.
ASTRO BOY 2003
01. La naissance d’Astro Boy
02. Le championnat
03. Mission Deimos
04. Denkou
05. Le canyon arc-en-ciel
06. Atlas
07. Astro contre Atlas
08. Le Néon-express
09. Franken
10. Les robots de Vénus
11. Le cirque des robots
12. Le réveil de Jumbo
13. Astro et Zoran
14. Micro robot
15. Des machines trop intelligentes
16. Agent Delta
17. Pluton, le champion
18. La chute d'Acheron
19. L'enfant qui rêvait d'être un robot
20. Episode inédit en France et aux USA
21. Le lac des dragons
22. La légende de Tohron
23. Bons souvenirs de Terre
24. L'invasion des oursons
25. La cité des profondeurs
26. Le chevalier bleu
27. Un détective très privé
28. Hydra en danger
29. Zoran mène l'enquête
30. Le pirate fantôme
31. Le secret du Chevalier Bleu
32. Voyage au centre de la Terre
33. Conte de fée
34. La tour lunaire
35. Retour à la préhistoire
36. L'académie de l'espace
37. Le retour d'Atlas
38. La guerrière
39. L'enfant des cavernes
40. Les rescapés du volcan
41. L'avalanche
42. L'île d'acier
43. A la poursuite de l'agent Klaus
44. Dans l'antre du dragon
45. La Révolte Du Chevalier Bleu
46. Robotonia
47. Le Serment De Robotonia
48. La Fin De La Guerre
49. Qui Es-Tu Astro ?
50. L'Ultime Bataille
Un mythe est un mythe. Si certains veulent assister aux quatre derniers épisodes d'Astro Boy 2003 sans avoir vu la série et que cela nécessite un résumé des précédents épisodes "fil rouge" de la série, alors qu'ils n'hésitent pas à me le réclamer. En attendant le film mi-live mi-CGI Astro Boy que réalisera prochainement Genndy Tartakovsky, que la plupart connaissent sûrement pour son "Clone Wars".
