Quand l’abject est de retour.

[Sébastien Pollet]

Quand l’abject est de retour.







Oyez ! Oyez ! Demain est un jour « pas-comme-les-autres », c’est le jour du grand retour ! Oubliez toutes vos tracasseries quotidiennes et faites place au grand show du troisième millénaire !

Moralisateurs : remballez donc vos tabous ; vous l’aurez compris, Loft-Story revient sur nos écrans. Pour le pire et… Surtout pour le Pire.



Avant tout, souvenons-nous : printemps 2001, onze jeunes gens entrent dans un « loft » pour y passer quelques semaines de vacances… Oh ! J’oubliais, lieu fermé, peuplé de cinquante micros et vingt-six caméras. Onze personnes vivant en total isolement du monde extérieur, mais dont chaque fait et geste, même (surtout !) les plus intimes, sont épiés et analysés.

Au début de cette « expérience humaine » (comme certains l’ont indécemment qualifiée) il y avait peu de téléspectateurs, du moins cette émission n’a pas connu le même succès que ses grandes-sœurs étrangères. Mais un événement a bouleversé le sort de celle-ci.

Si je vous dis : « piscine du loft », à quoi pensez-vous donc ? En effet, la piscine est devenu un des signifiants les plus célèbre de cette émission ! Ai-je besoin de vous faire un dessin ? C’est grâce à cela que l’audimat a décollé et que l’on a pu constater un tel déchaînement des pulsions d’un public peut-être plus lamentable que l’émission elle-même.

Mais cette fois le loft sera différent : douze concurrents (ou rats de laboratoires), une piscine plus grande (les différents ébats pourrons donc être simultanés !) et une nouvelle caméra… Je vous laisse deviner : dans cette même piscine ! On peut difficilement faire plus pathétique.

Pour en finir avec les nouveautés, il n’y aura que dix lits pour les douze candidats, le but de M6 étant probablement de stimuler nos petits cobayes !


40.000 personnes ont participé au casting pour se faire enfermer. Dans « le point » du 24/02/2002, un des « casteurs » pour cette émission a raconté cette expérience. Les critères principaux ? Une personnalité narcissique, désinhibée, photogénique. Mais d’autres éliminatoire : sueurs, rougeurs, odeurs, obésité. L’imperfection (précisons : selon les normes de notre société) humaine est prohibée du loft ; osera-t-on encore nous parler de télé-réalité ? ? ? Quant au profil des douze chanceux (!), « Se sont des chômeurs, étudiants, gens de la nuit, coiffeuses, sportifs… Surtout des jeunes de 18 à 25 ans avec des parcours amoureux chaotique » ; bref, des immatures désespérés à faible revenus : les dirigeants pensent-ils les manipuler avec plus de facilité ? Le dit « casteur » a déclaré être sorti écœuré de ces trois jours de sélection. Toujours est il, de telles pratiques employaient lors d’un entretien d’embauche seraient sévèrement condamnées, et à raison, par le code du travail.

Les pervers dirigeants de M6 vont encore plus loin, voici un petit extrait de l’énorme contrat qu’on du signer les 12 poissons mis en bocal : « le participant aura une liberté de mouvement limité et pratiquement aucun lieu d’intimité », cet extrait, bafouant les droits de l’Homme les plus fondamentaux, se passe de commentaire.


Mais si le phénomène Loft-Story s’arrêtait là dans la perniciosité, je crois que je ne crierais pas tant au scandale ; car nous n’avons pas encore soulevé les points les plus infâmes de cette émission.

Loft-Story est, sans conteste, la manifestation pathologique d’une société de consommation qui s’auto mutile. Cette apologie de la claustration est l’acceptation sociale de la perversion (exhibitionnisme, voyeurisme).

Une loi en France interdit l’expérimentation humaine, on est en droit de se demander si cette lamentable mascarade la respecte. Rappelons-nous que dans le « Big-Brother » allemand, un des candidats s’était donné la mort à la sortie. La souffrance derrière l’écran.

Nous appelons cela de la « télé-poubelle » ou « trash-TV », mais les dirigeants de la chaîne appelle cela « télé-réalité ». Cette télévision se déculpabilise en (se ?) faisant croire qu’elle passe du vrai, du quotidien, alors que, média mensonger (est-ce là un pléonasme ?) par excellence, l’imposture y est de rigueur !

Mais dans notre cannibalisme (car c’est de cela dont il s’agit) télévisuel à dévorer cet Autre devant notre écran, c’est nous que nous apercevons en lui ; l’écran devient alors un miroir et nous nous retrouvons enfermés dans un loft contenant des millions d’individus (qui ne sont plus qu’un agrégat humain) lénifiés, lobotomisés, uniformisés. Alors quand l’Autre prend la parole, on ne peut qu’applaudire et se renier.

Quand je plains ces pauvres bêtes (car c’est ce qu’ils y deviennent), j’entend très vite ces cris de haine : « Ils l’ont voulu, ils l’ont demandé. », mais dans cette phrase est caché un : « Ils le méritent ! » qui ne va pas tarder à sortir de la gueule de cet inconscient collectif. Freud qualifiait la foule de cruelle, Loft-Story lui donne raison, c’est ici que réside l’abjection d’un public anthropophage.

Dans un pays qui se revendique être le « paradis des droits de l’Homme », une telle émission est tout simplement un renoncement à la liberté et à la dignité.



Aujourd’hui, je ne demande pas l’interdiction de Loft-Story car ce serait renier cette liberté qui nous est si chère (apparemment pas pour tous) et, par la même, rentrer dans le jeu pernicieux des mercantiles dirigeants de M6.

Même si chaque prise de position contre cet ignoble « divertissement » est une publicité supplémentaire, je tenais à écrire ces lignes pour demander à chaque protagoniste (en particulier le public) de cette affligeante pièce (où chacun joue un rôle) de prendre ses responsabilités avant que ce Pire tant redouté ne nous dépasse.

Alors toi devant ton écran, toi qui crois être loin de cette menace : pose toi la question de ton implication et réfléchis à deux fois avant d’allumer ta télévision.





Sébastien Pollet. - Sebp5914@aol.com - ICQ: 150097194

[Amrith]

Bravo.
Je vais poster cet intelligent message à ton nom sur les forums de Loft Story et du CSA.

[Sullivan]

Bravo.
Je vais poster cet intelligent message à ton nom sur les forums de Loft Story et du CSA.

Et y'a pas moyen de le mettre sur le site du FLT ?



Sullivan

[ozgirl]

Je viens de découvrir qu'il y avait un numéro de téléphone (à 0,34€ la minute) pour écouter ce qui se passe dans le Loft !!!