Bonjour,
ci-dessous l'article de Libération (http://www.liberation.fr/page.php?Article=40026):
L'association des salariés de la chaîne cryptée affiche sa vigilance sur l'après-Messier et l'éventuel rachat.
A Canal+, l'Assoc' «vendra chèrement sa peau»
Par Isabelle ROBERTS
vendredi 05 juillet 2002
«On a d'abord envisagé un rachat d'entreprise par les salariés. Mais, il aurait fallu pendre le banquier qui aurait osé nous prêter 7 milliards de francs...» Bruno Gaccio 'ancienne rédaction de Canal + (aujourd'hui rapatriée dans les locaux de i-télévision) au niveau «moins zéro» de l'immeuble de la chaîne, quai André-Citroën à Paris. Des sièges abandonnés, des ordinateurs délaissés... Dans un coin, l'ancien bureau et le fauteuil de Pierre Lescure, évincé en avril. C'est dans ces vestiges que se réunit «l'Assoc'», l'association des salariés de la chaîne créée en début de semaine alors que Jean-Marie Messier venait de démissionner. Son but : «Défendre l'identité du groupe Canal +.» Mercredi, l'Assoc' a demandé à André Rousselet, le fondateur de la chaîne en 1984, de les rejoindre. Serait-ce la reformation du Canal historique au moment où Jean-René Fourtou déjà surnommé «le sac à main» au sein de la chaîne prend les manettes de Vivendi Universal ? Rencontre avec Françoise Feuillye, présidente de l'Assoc'(elle est l'un des responsables des achats de programmes au sein du groupe), Bruno Gaccio, porte-parole (et auteur des Guignols), et Paul Moreira, vice-président (et responsable du magazine 90 Minutes).
Pourquoi l'Assoc'?
Bruno Gaccio . Quand Lescure a été viré, le mouvement qui a suivi a montré qu'il y avait une vraie inquiétude. Mais, après, ça s'est tassé. Les gens nous disaient : «Et alors ? On laisse tomber ?» C'est pour ça qu'on a créé l'Assoc'.
Françoise Feuillye . Elle sert essentiellement à regrouper les salariés. ça fait deux ans qu'on travaille à sa création.
Qu'en pense votre patron, Xavier Couture ?
B.G. Il est d'accord à condition qu'on ne fasse pas d'appel au meurtre ni à la grève... Il a même dit qu'il allait adhérer, mais on attend toujours. Ce serait normal qu'il le fasse puisqu'il a dit qu'il défendrait Canal + contre un démantèlement jusqu'à sa dernière goutte de sang...
Demander à André Rousselet de revenir n'est-ce pas un peu infantile ?
B.G. C'est un symbole. On sait bien qu'il ne s'agit pas de le remettre aux affaires. Et puis Rousselet est parti de Canal parce qu'un pacte d'actionnaires s'était mis en place pour diriger la chaîne en vue d'un intérêt uniquement financier et non pour les programmes. La seule personne qui connaît Canal + et qui a un désintérêt financier, c'est lui. Avec lui, nous allons faire masse pour dire qu'on ne veut plus être la vache à lait de Vivendi Universal (actuellement, Canal + reverse ses recettes à Vivendi Universal, ndlr).
A-t-il accepté votre offre ?
B.G. Il a un peu tortillé, il était à la fois surpris et flatté. Mais il nous a répondu qu'il aurait un regard bienveillant.
Pourquoi Rousselet plutôt que Lescure ?
B.G. Lescure a été l'instrument de Messier. Ce n'était pas possible de faire revenir quelqu'un qui a fait des erreurs. Mais je préfère que Lescure soit un grand naïf qui se fait baiser plutôt qu'un salaud.
Comment comptez-vous peser sur l'avenir du groupe Canal + ?
B.G. On a d'abord envisagé un RES (rachat d'entreprise par les salariés). Mais on a laissé tomber : il aurait fallu pendre le banquier qui aurait osé nous prêter 7 milliards de francs... Ce qui ne nous empêche pas d'aller voir des investisseurs. Donc, on a eu l'idée d'appeler Rousselet comme porte-drapeau. Car si vraiment Bolloré, Lagardère, TF1, M6 et Mickey Mouse aiment tant Canal + que ça, ils n'ont qu'à former un pôle d'actionnaires minoritaires dans lequel ils font entrer les salariés avec Rousselet à leur tête.
C'est une blague ? Vous n'envisagez tout de même pas qu'ils puissent accepter ?
B.G. Non, ce n'est pas une blague. Pour l'instant, l'histoire est écrite : Lagardère achète. Mais ça peut changer. Et si Lagardère ou un autre vient en acceptant d'être partenaire et non le maître absolu, Canal + repartira à la source.
Et si le ou les acheteurs éventuels de Canal + vous ignorent ?
B.G. Alors il gagnera une coquille vide. Peut-être que c'est ce qu'il veut d'ailleurs...
Paul Moreira . De toute façon, on vendra chèrement notre peau, l'Assoc' doit être une résistance supplémentaire.
Vous n'êtes pas les LU ni les Moulinex, tout de même...
B.G. Leur combat est plus important car pour eux il s'agit de manger. Nous, je pense que nous pourrons tous retrouver du travail ailleurs. En tant qu'auteur des Guignols je gagne 17 500 euros par mois sans compter les droits d'auteur, mais, dans l'Assoc', il y a des secrétaires, des tireurs de câble qui ne gagnent pas plus qu'ailleurs.
P.M. Moi, je gagne un peu moins de 3000 euros, mais actuellement j'ai du mal à recruter un journaliste de France 2 car il sera moins bien payé ici.
C'est quoi votre projet pour Canal +, arrêter la World Company ?
B.G. Oui, il faut redevenir petit pour devenir grand.
P.M. Aujourd'hui, on se retrouve à renflouer les caisses de Vivendi Universal à cause des conneries qu'on n'a pas faites comme Vizzavi.
B.G. S'il vous plaît, monsieur Sac à main, on voudrait bien garder un peu de l'argent qu'on gagne pour l'investir dans les programmes. Il faut revenir à notre métier, l'industrie de la télé. On a déjà du Chirac partout, si demain on fait une télé qui n'a plus de sens, on aura du TF1 partout.

