(Lex Records, 2003)
Etant donné que j'ai déjà chroniqué ce disque sur un autre site, je me permets de reposter ici cette même chronique plutôt que de traiter deux fois du même disque, par gain de temps forcément. Je ne sais pas si certains ici ont déjà écouté ce disque, mais en tout cas je leur conseille, ne serait-ce que pour réaliser ce qui est en train de se passer dans le monde du rap international.
LEXellence, tout simplement.
Warp était vénéré depuis dix ans par tous les fans d’electronica et de techno expérimentale. Aujourd’hui, le label est bel et bien sur le point de conquérir également les amateurs de hip-hop, au travers de sa sous-division Lex Records. S’enticher des anticonformistes AntiPop Consortium n’était donc qu’un prélude à une nouvelle aventure très prometteuse.
2003 aura alors vu pointer dans les bacs la compilation d’inauguration Lexoleum, en réalité agrégat de trois maxis vinyls précédemment parus sur le même label. On y retrouve donc bien évidemment tous les artistes signés par la maison, et souvent déjà connus pour leur activisme au sein de la scène alternative du hip-hop backpacker : en somme, des gens qui mêlent allègrement beats rap et nappes électroniques, textes intellos drôles ou névrosés et esprit punkoïde teinté de rock progressif. Cette définition vous paraît alambiquée ? Et pourtant elle ne peut que s’avérer partielle. Sur les 18 titres dont deux interludes composant l’ossature de la compilation, on croisera par exemple tout le fleuron de la clique Anticon, sous leurs divers alias labyrinthiques évidemment. Et de s’émerveiller devant le hip-hop abstracto-synthétique de Energy Kurs qui se mue en fin de course en une sorte de rock spleen empli d’émotions aussi contradictoires que la beauté et la violence. Le tout soulevé par la voix nasillarde d’un Dose One toujours haï par les uns, chéri par les autres aussitôt catalogués de nerds. Le Anticon crew demeure aussi via une merveille de rap minimaliste et scratché des Non-Prophets de Sage Francis, sur l’excellent Come Come Now. Le tout s’inscrit dans la tradition électronique de Warp sans jamais pourtant quitter les rives d’un hip-hop plus puriste impulsé par les références anthologiques de tout ce beau monde : Kool Keith des UMC, El-P de Company Flow et parfois une bonne louche de RZA du Wu-Tang Clan. Enfin là on s'écarte du sujet, bien que tout ait déjà été dit.
Tes, le plus grand espoir new-yorkais du moment pousse le turntablism vocal sur son classique Big Shots, tandis que Boom Bip persiste et signe dans sa veine atmosphérique teintée d’une intelligent techno de très bon goût. De son côté c’est l’incroyable Edan, qui après avoir produit le meilleur album de hip-hop indépendant de 2002 revient avec Just Listen, petite bombe intégrale où le breakbeat martèle vos tempes jusqu’à un degré de fun insaisissable. Lexoleum serait proche de la perfection si un ou deux titres ne laissaient pas l’auditeur aussi indifférent : parmi ceux-là, un Casanova déjanté et braillé par l’hystérique Peaches avec tout ce qu’il faut d’excès pour vite lasser. Au rayon de la franche déconnade se hissera avec nettement plus de brio le génial Rap Dracula d’un Kid Acne déjà remarqué sur Big Dada et qui se surpasse ici avec son sample de piano usé digne d’un bar de vieux western tout nanard. Bonne surprise également que la présence du français Tacteel, qui après s’être fait un nom sur les productions Kerozen et via son EP se présente à l’internationale au travers de l’instrumentale Selective Approach, toujours aussi brillante malgré le temps passé. Et belle outro en bonne et dûe forme pour l’inégal J-Zone, ici au meilleur de son baromètre. Qui a osé dire que le rap d'outre-atlantique était mort ? Au contraire, il entre depuis quatre ans dans sa vague la plus excitante depuis celle de ses origines : tout comme le rock bancal acquérit un nouveau souffle via le punk des 70's, le hip-hop ressuscite au travers de nouvelles expérimentations électroniques fulgurantes, flirtant entre la propreté lisse de la techno et la saleté crépitante du rap caverneux.
Inutile donc de poursuivre davantage, Lex Records a glorieusement réussi son objectif : susciter l’attention du public hip-hop exigent, et donc bien entendu de l’auditoire trip-hop. Evidemment, ceux pour qui le rap doit se limiter à des textes de rue et à des boucles de violon samplées auront du mal à adhérer au magma tonitruant de Lexoleum. Les autres, affranchis de la tyrannie du rap conscient et du hip-hop à bling-bling et pantalons larges, se régaleront longuement de ce prodigieux disque hybride au packaging très spécial que vous mettrez près d'une demi-heure à dompter...
01. u r here - boom bip
02. big shots - tes
03. the toy chest - mummy fortuna's theatre company
04. come come now - non-prophets
05. phonesex - cosyne
06. people skillz - disflex.6
07. just listen - edan
08. rap dracula - kid acne
09. casanova - peaches & mignon
10. daddys car (boom bip remix) - jamie lidell
11. energy kurs - subtle
12. untitled - madlib
13. sri - supersoul
14. selective approach (dead cola edit) - tacteel
15. garden gnomes - dangermouse + sage francis
16. haunted hairpiece - waxfactor
17. calamine lotion (part 3) - j-zone
18. interlude - why ?
Sinon, moi ça va bien, j'ai mangé un yaourt.


