La presse est extrêmement diversifiée. Tout courant d'idées, politique, religieux ou esthétique y va de son petit magazine, de son bulletin, de son journal clandestin. Bon nombre de ces publications choquent profondément les Américains dans leurs opinions et dans leurs goûts. Citons, par exemple, The Realist, magazine humoristique obscène et drôle, qui publia une caricature intitulée "Une Nation sous Dieu", montrant Jehovah sodomisant l'Oncle Sam ; The Berkeley Barb, qui publie les petites annonces les plus pornographiques du monde ; et le journal des Black Panthers qui mit en surimpression une tête de porc sur le corps assassiné de Robert Kennedy.
Les moyens audiovisuels ne peuvent se permettre de choquer. Quiconque a en jeu une autorisation de plusieurs millions de dollars manifeste beaucoup de prudence. Aucune chaîne de télévision aux Etats-Unis ne diffuserait les caricatures d'un numéro de The Realist pris au hasard. Aucune station de radio ne diffuserait des textes extraits des petites annonces du Barb. Comment pourriez-vous persuader les honorables commissaires de la FCC que c'était "dans l'intérêt du public" ? Citons les paroles de la FCC en 1931, qui, après avoir refusé de renouveler sa licence à un propriétaire de station, qualifia ses émissions de "vulgaires, voire même indécentes. Assurément, elles ne servent ni à élever, ni à divertir... Bien que nous ne puissions exercer de censure, il est de notre devoir de veiller à ce que les autorisations d'émission ne permettent pas de transformer les stations de radio en tribune personnelle, et de veiller aussi à assurer le maintien d'un niveau de raffinement qui convienne à notre époque et à notre génération."
Le Barb n'a pas besoin d'être "dans l'intérêt du public", puisqu'il n'appartient pas "au public". Ce n'est pas le cas de la radio et de la télévision. Le Barb ne doit agir que dans l'intérêt de ses lecteurs. La National Review, le magazine de William Buckley, a une diffusion d'environ 100 000 exemplaires. Il est acheté par un américain sur deux mille. Si les 1999 autres lecteurs potentiels pensent qu'il s'agit d'une feuille de chou vicieuse, raciste, fasciste et papiste, c'est vraiment dommage pour eux, car il est quand même publié.
Récemment, la FCC a décidé que les chansons qui semblaient préconiser l'usage de la drogue pouvaient être refusées. S'agit-il d'une atteinte à la liberté de parole ? Bien sûr que non. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, mais pas sur les ondes publiques.
Si on observe la situation française, ne serait-ce que pour les chaînes hertziennes, on peut se rendre compte qu'elles sont toutes plus ou moins liées aux pouvoirs publics. On parle de privatisation des médias, qui devraient donc revenir aux utilisateurs, mais on se rend compte que les ondes sont toujours sous le contrôle de l'état.
Si l'on veut réellement développer la liberté d'expression ne doit-on pas d'abord redéfinir clairement à qui appartiennent les ondes ?

