La communication audiovisuelle est-elle réellement libre ?

Discussions sur l'actualité de la télévision et réflexions sur ses programmes. Le site du <a href="http://www.a-suivre.org/_archives/flt/" target="_blank">Front de Libération Télévisuelle</a> se consacre à ces questions.
Harry Lime
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La communication audiovisuelle est-elle réellement libre ?

Message par Harry Lime »

Dans son ouvrage The Machinery of Freedom, l'économiste David Friedman compare le contenu des magazines papiers avec les chaînes de télévision. Dans un cas on définit le média comme propriété privée alors que dans l'autre les ondes sont qualifiées de "propriété publique" et les licences sont accordées par la FCC (Il traite du domaine américain dans les années 70 mais c'est une situation similaire aujourd'hui en France).

La presse est extrêmement diversifiée. Tout courant d'idées, politique, religieux ou esthétique y va de son petit magazine, de son bulletin, de son journal clandestin. Bon nombre de ces publications choquent profondément les Américains dans leurs opinions et dans leurs goûts. Citons, par exemple, The Realist, magazine humoristique obscène et drôle, qui publia une caricature intitulée "Une Nation sous Dieu", montrant Jehovah sodomisant l'Oncle Sam ; The Berkeley Barb, qui publie les petites annonces les plus pornographiques du monde ; et le journal des Black Panthers qui mit en surimpression une tête de porc sur le corps assassiné de Robert Kennedy.
Les moyens audiovisuels ne peuvent se permettre de choquer. Quiconque a en jeu une autorisation de plusieurs millions de dollars manifeste beaucoup de prudence. Aucune chaîne de télévision aux Etats-Unis ne diffuserait les caricatures d'un numéro de The Realist pris au hasard. Aucune station de radio ne diffuserait des textes extraits des petites annonces du Barb. Comment pourriez-vous persuader les honorables commissaires de la FCC que c'était "dans l'intérêt du public" ? Citons les paroles de la FCC en 1931, qui, après avoir refusé de renouveler sa licence à un propriétaire de station, qualifia ses émissions de "vulgaires, voire même indécentes. Assurément, elles ne servent ni à élever, ni à divertir... Bien que nous ne puissions exercer de censure, il est de notre devoir de veiller à ce que les autorisations d'émission ne permettent pas de transformer les stations de radio en tribune personnelle, et de veiller aussi à assurer le maintien d'un niveau de raffinement qui convienne à notre époque et à notre génération."
Le Barb n'a pas besoin d'être "dans l'intérêt du public", puisqu'il n'appartient pas "au public". Ce n'est pas le cas de la radio et de la télévision. Le Barb ne doit agir que dans l'intérêt de ses lecteurs. La National Review, le magazine de William Buckley, a une diffusion d'environ 100 000 exemplaires. Il est acheté par un américain sur deux mille. Si les 1999 autres lecteurs potentiels pensent qu'il s'agit d'une feuille de chou vicieuse, raciste, fasciste et papiste, c'est vraiment dommage pour eux, car il est quand même publié.
Récemment, la FCC a décidé que les chansons qui semblaient préconiser l'usage de la drogue pouvaient être refusées. S'agit-il d'une atteinte à la liberté de parole ? Bien sûr que non. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, mais pas sur les ondes publiques.


Si on observe la situation française, ne serait-ce que pour les chaînes hertziennes, on peut se rendre compte qu'elles sont toutes plus ou moins liées aux pouvoirs publics. On parle de privatisation des médias, qui devraient donc revenir aux utilisateurs, mais on se rend compte que les ondes sont toujours sous le contrôle de l'état.
Si l'on veut réellement développer la liberté d'expression ne doit-on pas d'abord redéfinir clairement à qui appartiennent les ondes ?
Oz
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Re: La communication audiovisuelle est-elle réellement libre

Message par Oz »

Harry Lime a écrit :Si l'on veut réellement développer la liberté d'expression ne doit-on pas d'abord redéfinir clairement à qui appartiennent les ondes ?

D'un point de vue historique, je pense que la situation décrite n'est pas neuve. Ce que nous connaissons actuellement pour les médias audiovisuels, nous l'avons connu en France pour la presse écrite dans le courant du XIXème (du joug du pouvoir public -autorisation du roi- en passant par l'autorisation censitaire -IIe Empire- ...).

On peut envisager qu'il y ait une évolution naturelle de la définition du territoire public et, qu'à terme, on trouvera une situation assez comparable pour les médias audiovisuels (cela commence déjà puisque l'on observe les limites du CSA dans les autorisations de diffusion des chaînes de télévision en France suivant les dispositions européennes).

Le Bien Public est mouvant par essence, mais je pense, qu'aujourd'hui, il est clair dans l'esprit de tout le monde que les ondes appartiennent à l'Etat et non à des sociétés privées.

Je rajoute que l'Etat Français concède de plus en plus au privé dans la propriété des ondes : on se souviendra de la mise aux enchères par Bercy du wap avec des licences très longues. Il s'agit pour moi, de fait, d'un abandon par l'Etat de cet espace public.
Mais il me paraît clair que nous nous situons à un tournant et qu'il convient de sensibiliser les gens à cette évolution, qui changera surement nos habitudes de consommation (j'oublie ici Internet dans l'équation, mais je pense que ce réseau peut avoir de grandes conséquences dans nos interprétations des espaces publics et privés).
Harry Lime
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Message par Harry Lime »

Je ne crois pas vraiment qu'on se dirige vers un abandon des ondes au privé. Le CSA distribue bien des autorisation d'émission mais reste derrière pour les renouveler, la censure est donc automatique.
Or avec l'amélioration des techniques numériques on s'éloigne d'une pénurie de canaux. Si avant seuls les plus gros pouvaient acheter les licences, des acteurs plus petits économiquement pourraient rentrer sur le marché. Je ne parle même pas d'Internet où la place est presqu'infinie, bien que le comportement des politiciens avec la LEN montre qu'ils veulent supprimer tout droit à la propriété privée.
Il y a sûrement un gros travail à faire pour faire comprendre aux gens que les ondes n'appartiennent pas à l'état.
HIWATT
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Message par HIWATT »

" La télévision, c'est fait pour donner des ordres".
Léo Ferré. :malin:
Harry Lime
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Message par Harry Lime »

Merci à vous deux pour vos réponses (même si je n'ai pas bien perçu ce que voulait dire HIWATT), je pensais que le sujet intéresserait plus de monde. Tant pis.
Oz
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Message par Oz »

Moi ça m'intéresse, mais certains événements (Premium TV...) me prennent un peu de temps actuellement :D Mais ne t'inquiète pas, je vais reprendre le débat ;-)
HIWATT
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Message par HIWATT »

Harry Lime a écrit :Merci à vous deux pour vos réponses (même si je n'ai pas bien perçu ce que voulait dire HIWATT), je pensais que le sujet intéresserait plus de monde. Tant pis.


Excuse, je suis un peu sec des fois .
C'était juste pour affirmer que les ondes ne sont pas libres. C'est pourquoi il existait des radio pirates (Radio Caroline, par ex, dans les 60's, qui émettait depuis un bateau :D ), ou bien des télés pirates.
Elles sont entre les mains des pouvoirs politiques, militaires ou financiers, qui défendent leurs intérêts, mais rassurons nous c'est pour notre bien :fric:
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Message par Zarathoustra »

HIWATT a écrit :C'était juste pour affirmer que les ondes ne sont pas libres. (...) Elles sont entre les mains des pouvoirs politiques, militaires ou financiers, qui défendent leurs intérêts, mais rassurons nous c'est pour notre bien :fric:


Trust no one :malin:

Oui sans vouloir entretenir ta parano HIWATT, je pense à peu près comme toi. Si les ondes me semblent relativement libres vis à vis du pouvoir politique (tant que ça va bien naturellement), elles sont en revanche à la merci des sphères économiques, autrement dit, de toutes les façons elles ne sont pas libres...
Pas besoin d'aller très loin d'ailleurs pour trouver des ondes pilotées par le pouvoir politique en place: suffit d'aller en Espagne ou chaque gouvernement plaçait des gens à lui au coeur de la chaîne publique TVE. Je ne sais pas trop si c'est encore vrai depuis les dernières élections. Enfin sans vouloir noircir le tableau, le gouvernement faisait dire à la TVE que ses décisions étaient les bonnes, dissimulaient ou manipulaient les infos, donc exerçait une influence sur l'opinion publique par le contenu des ondes...des ondes publiques il est vrai.


Zara'
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Message par HIWATT »

Pas la peine de citer l'exemple de l'Espagne.

Crois tu qu'un journaliste de France 2 serait assez fou pour essayer de déplaire a son patron ( l'Etat :D ) ?
Il y a connivence entre les journaleux "officiels" et le pouvoir. C'est triste mais c'est ainsi.

Image

Ce n'est pas de la parano (je ne suis pas un fanatique de la thèse du complot X-Fillien :D ), c'est une réalité.

Lorsque "Envoyé Spécial "filme la grosse de Sarkozy, sous un angle positif et favorable, l'équipe redactionnelle suce le pouvoir. Pareil lorsque Tonton gravissait la Roche de Solutré, sous l'oeil des chaines publiques , accompagné de ses "valets".
Zarathoustra
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Message par Zarathoustra »

HIWATT a écrit :Pas la peine de citer l'exemple de l'Espagne.

Crois tu qu'un journaliste de France 2 serait assez fou pour essayer de déplaire a son patron ( l'Etat :D ) ?
Il y a connivence entre les journaleux "officiels" et le pouvoir. C'est triste mais c'est ainsi.


En effet. Le drame, c'est que cela ne s'arrete pas à des journalistes aussi écoeurants qu'Arlette Chabot et consorts: c'est la même chose chez les salopards de TF1, pourtant chaine privé ( :D ).

+ En Italie, Rete 4 n'est aussi qu'une putain au service de Berlusconi & co (notamment pendant la 2eme guerre du golfe, la ligne editoriale du telegiornale était pour le moins orientée...).


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Message par Harry Lime »

Les radios pirates se sont fortement développées parce que les ondes étaient clairement affichées comme propriété de l'état. Le PS, après avoir surfé sur la vague rebelle et profité de la connerie de Giscard a été obligé de "libérer" les ondes et a en fait tué le mouvement des radios libres en refilant toutes les ondes à ses potes (Guazzini par exemple, Rousseley plus tard).
Mais c'est le chemin logique des privatisations tels qu'elles ont toujours été pratiqué par l'état. La propriété change de main mais passe dans celle d'un ami, avec qui on dîne en ville, qui a ses entrées au journal pour annoncer sa candidature. Il n'y a rien d'étonnant à cela.

Pour sortir de cette situation, que les ondes puissent appartenir à des individus réellement indépendants il n'y a pas beaucoup de solutions :
- Appliquer la logique du premier occupant, complètement irréalisable aujourd'hui.
- Vendre aux enchères les différents canaux successivement, les plus grands groupes se récupèrent une bonne partie, une autre revient à des groupes de particuliers. Avec le nombre de canaux aujourd'hui disponibles il n'y a peu de chances qu'ils soient tous entre les mains de quelques groupes liés à l'état. D'autant plus qu'il n'est pas non plus dans leur intérêt de tout concentrer, il est toujours plus intéressant de laisser vivre des petits indépendants. Pour autant il serait injuste de leur offrir la majorité du gâteau.
- Troisième solution, plus compliquée à réaliser mais la plus juste il me semble : redonner le contrôle des ondes aux citoyens. On casse toutes les entreprises d'audiovisuel public en une multitude d'actions qu'on distribue à tous les contribuables. A partir de là ils en font ce qu'ils veulent, s'ils sont plus intéressés par la valeur financière que par la valeur symbolique, ils revendent. Mais on peut imaginer que des télés soient contrôlés par des groupes réellement séparés du pouvoir.

Je suis tout à fait conscient que ça reste de la branlette intellectuelle et qu'on ne risque pas de voir une chaîne similaire à ce qu'on peut voir dans Vidéodrome par exemple.
Pour l'instant il n'y a pas beaucoup de revendications à envisager :
- Supprimer tout organisme de contrôle des ondes, que ce soit a priori ou a posteriori. Exit le CSA.
- Et ce qui va bien sûr avec, pressions sur les diffuseurs pour les responsabiliser dans leurs programmes (déjà l'action du FLT) mais aussi sur les spectateurs : ils sont responsables de ce qu'ils regardent, ils sont responsables de leurs gosses.

On aura toujours des chaînes plus ou moins léchant les couilles de l'UMPS mais on peut aussi imaginer des chaînes de mouvements d'extrême-gauche, d'extrême-droite, communautaires, de libre-expression...
Harry Lime
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Message par Harry Lime »

Zarathoustra a écrit :
HIWATT a écrit :Pas la peine de citer l'exemple de l'Espagne.

Crois tu qu'un journaliste de France 2 serait assez fou pour essayer de déplaire a son patron ( l'Etat :D ) ?
Il y a connivence entre les journaleux "officiels" et le pouvoir. C'est triste mais c'est ainsi.


En effet. Le drame, c'est que cela ne s'arrete pas à des journalistes aussi écoeurants qu'Arlette Chabot et consorts: c'est la même chose chez les salopards de TF1, pourtant chaine privé ( :D ).

+ En Italie, Rete 4 n'est aussi qu'une putain au service de Berlusconi & co (notamment pendant la 2eme guerre du golfe, la ligne editoriale du telegiornale était pour le moins orientée...).


Zara'


Lorsque RTL ou Europe 1 ont commencé à émettre de l'étranger, et n'étaient donc a priori pas sous le contrôle de l'état, les gouvernements ont préféré rentrer dans le capital de ces sociétés. Plus simple à contrôler et surtout moins visible.
HIWATT
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Message par HIWATT »

Une photo d'un de tes potes :D

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Guy Debord
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Message par Harry Lime »

J'ai une vision similaire à la sienne de la société (une de mes références est SOS Bonheur, ça aide à comprendre des choses quand t'es gamin et qu'on te parle des révolutions) mais je vais dans un chemin complètement opposé au marxisme ou au situ'.
DarkLord
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Message par DarkLord »

Les ondes hertziennes ne sont pas seulement la propriété de l'Etat [au fait, l'Etat c'est pas "eux" ni "ils", c'est nous] mais elles relèvent du domaine public. Cela signifie que ceux qui en sont les gestionnaires doivent le faire au service du public (concrètement, c'est du flan mais ça valait la peine d'être souligné). Le CSA est sensé contrôlé cela.

La liberté audiovisuelle est une liberté fondamentale. Les ondes hertziennes sont le terrain où se réalise cette liberté Cela signifie en principe qu'on ne peut pas instaurer un régime où une autorité publique contrôle les attributions des canaux. Si on le compare à la liberté d'association, chacun devrait pouvoir créer sa chaîne et bénéficier d'un canal, sans demander l'autorisation à qui que ce soit.

En 1986, autrement dit la préhistoire, le Conseil constitutionnel a admis, en raisons des contraintes techniques en matière d'exploitation des ondes hertziennes, qu'une institution soit chargée de conrôler et d'attribuer les autorisations d'émettre.

Le problème actuel est que les contraintes techniques n'existent plus. D'un autre côté, on est conscient des avantages que présente l'existence d'une autorité de contrôle. Si on opte pour une logique d'ouverture totale de la concurrence, les grands groupes vont tout acheter et cela va ressembler à la situation de la presse écrite.
Bref, on marche sur des oeufs. Le principe est louable mais gare aux effets secondaires !

Harry Lime a écrit :- Vendre aux enchères les différents canaux successivement, les plus grands groupes se récupèrent une bonne partie, une autre revient à des groupes de particuliers. Avec le nombre de canaux aujourd'hui disponibles il n'y a peu de chances qu'ils soient tous entre les mains de quelques groupes liés à l'état.


La boulimie des grands network est connue de tous. Ils vont donner l'illusion que des petits survivent mais ce ne sera pas le cas. Où ces "petits" vont-ils trouver des moyens financiers ?

- Supprimer tout organisme de contrôle des ondes, que ce soit a priori ou a posteriori. Exit le CSA.


La concurrence a besoin d'un organe tiers pour la régulet sans ça elle va vers sa propre perte avec le phénomène de globalisation. Il est impératif qu'une autorité indépendante régule le secteur audiovisuel. On perdrait en plus le seul outils capable de plaider en faveur d'une télévision de qualité (certes, il ne fait pas grand chose à l'heure actuelle).
Verrouillé