Bon... pour montrer que je peux faire autre chose que de m'engluer dans des débats bas et inutiles à propos de 24, voici ma petite sélection hautement subjective des albums sortis l'an dernier.
Le classement, c'est pour le fun.
100 Loscil - First Narrows (Kranky)
Quelque part entre les travaux ambient de Brian Eno et une version aquatique et apaisée du 'Amber' d'Autechre évolue la musique de Loscil (aka Scott Morgan). Sur ce 3ème album, il s'est pour la première fois entouré de musiciens acoustiques en parvenant à merveille à intégrer leurs contributions dans un ensemble dense et cotonneux au fort potentiel hypnotique. Le titre 'Mode' fait la part belle à une rythmique + enlevée qu'à l'habitude et rompt de fort belle manière la relative uniformité de l'ensemble.
99 Shannon Wright - Over the Sun (Quarterstick)
A part peut-être la ballade 'Avalanche' qui aurait pu sans probléme figurer sur l'un de ses albums précédents, Shannon Wright nous livre une collection de morceaux d'une intensité (voire d'une brutalité) inédite. Epaulée par un Steve Albini qui n'a pas son pareil pour mettre en valeur ce genre de compos, elle creuse infatigablement le même sillon morceau après morceau en évoquant une sorte de version gothique de la PJ Harvey des débuts. Oeuvre très monolithique mais prenante.
98 Tears for Fears - Everybody Loves a Happy Ending (New Door)
Il fut un temps où se déclarer fan des Tears for Fears n'était pas le moyen idéal pour convaincre de la sureté de ses goûts musicaux. Et puis le film Donnie Darko est passé par là et on ne considére plus aujourd'hui ce groupe tout à fait du même oeil méprisant. Cette année étant décidément placée sous le signe des reformations à haut risque (même les Duran Duran sont revenus d'outre-tombe), il n'y avait aucune raison pour que Roland Orzabal et Curt Smith ne suivent pas le mouvement pour clore leur aventure sur une note positive et inspirée. Leur objectif est atteint même s'il faut reconnaître que ce genre d'albums en forme d'hommage appuyé aux grandes orchestrations des Beatles ne passionnera certainement pas les + jeunes. Tant pis pour eux!
97 Devendra Banhart - Rejoicing in the Hands ET/OU Niño Rojo (Young God)
Deux albums enregistrés lors des mêmes sessions d'enregistrement et qui nous offrent une belle collection de perles folk intimistes, atemporelles et gentiment psychédéliques. Avec ces 2 albums, Banhart rentre dans le rang tant au niveau de la production que de son chant beaucoup moins singulier que sur son 1er album 'Oh Me Oh My...'. Bon, son folk n'est pas pour autant devenu un produit calibré pour plaire et conserve beaucoup de charme. Un réel talent à suivre même si j'y décèle une relative légéreté qui rend la comparaison avec Beck beaucoup + pertinente que celle que l'on fait souvent avec Syd Barrett ou Nick Drake.
96 Caetano Veloso - A Foreign Sound (Nonesuch)
'A Foreign Sound' jette un pont entre la pop brésilienne et américaine puisque Veloso y
revisite une bonne vingtaine de classiques américains. Il balaie très large puisque il reprend aussi bien Paul Anka que Nirvana en passant par Bob Dylan, Elvis Presley et Stevie Wonder. A partir de là, tout dépend de l'intérêt que l'on porte à ce style de projets. Perso, j'ai toujours préféré écouter les originaux aux reprises même s'il faut avouer que la voix de Veloso est unique et qu'il parvient souvent à donner un nouvel éclairage à des morceaux pourtant très connus. Bon, c'est la classe à l'état pur et c'est un must si on aime les albums de reprises mais ça ne vaut pas des perles comme 'Jóia' ou 'Cinema Transcendental'.
95 Tuxedomoon - Cabin in the Sky (Cramboy)
A peine le disque démarre que l'on retrouve tout ce qui fait le charme et la singularité d'un groupe comme Tuxedomoon: une basse froide, syncopée et minimale assez typique bientôt accompagnée par un saxophone, une trompette, un accordéon et/ou un violon. 'Cabin in the Sky' est un album très arty qui puise son inspiration aussi bien dans le folklore italien, que dans la musique de chambre ou l'indus. L'impression qui domine est celle de se retrouver dans une sorte de cabaret lynchien où new-wave, new-age, folk et jazz se confondent. A noter la participation de John McEntire (Tortoise) et de Tarwater.
94 Animal Collective - Sung Tongs (Fat Cat)
Grand disque de folk déjanté où l'on retrouve à la fois des harmonies vocales à la Beach Boys, de savants amalgames d'instruments acoustiques et d'electro visant une sorte de transe à la Fennesz, le grain de folie des albums solo de Syd Barrett et un fort parfum de chaos organisé typique de la vague free-folk américaine. Si la première moitié du cd est franchement enthousiasmante, le reste est m'a un peu + laissé sur ma faim même si ça reste original et intéressant de bout en bout.
93 Issa Bagayogo - Tassoumakan (Six Degrees)
Issa Bagayogo est un musicien malien assez singulier car il plonge la musique traditionnelle de son pays dans un bain d'electronica hypnotique et groovy. Cette particularité lui vaut d'ailleurs le surnom de 'Techno Issa'. Avec 'Tassoumakan', il évite cependant l'écueil de la musique fusion sans âme en privilégiant toujours une approche où la modernité est mise au service de la tradition et non l'inverse. Son kamele n'goni (une sorte de harpe africaine) y tient donc toujours la vedette même si les puristes resteront forcément sceptiques.
92 Blonde Redhead - Misery is a Butterfly (4AD)
On devrait pouvoir écouter chaque nouveau disque qu'un groupe sort comme si c'était le premier. Les années noisy rock désormais derrière eux, les Blonde Redhead évoluent maintenant dans une pop mélodique et prévisible. Chaque titre chantée par Kazu Makino fait inévitablement penser à Gainsbourg (y compris dans les arrangements) et ceux chantés par Amedeo Pace sont dans le registre des albums précédents la spontanéité et les guitares dissonantes en moins. Je trouve que le groupe a perdu beaucoup en tension ainsi qu'en personnalité mais je me suis quand même laissé piéger par la qualité indéniable des compos.
91 Marissa Nadler - Ballads of Living & Dying (Eclipse)
Une dizaine de morceaux à la fois simples et touchants où Marissa Nadler joue un folk mélancolique et épuré dans un registre proche de celui de Leonard Cohen. Sa voix véhicule la même élégante sensualité que celle de Hope Sandoval. Elle empreinte aussi les mots de Pablo Neruda et d'Edgard Allan Poe pour accentuer la dimension poétique de l'ensemble.
90 Tomasz Stanko Quartet - Suspended Night (ECM)
Sans doute la meilleure contribution du trompettiste polonais au catalogue du label ECM. Accompagné par trois de ses compatriotes, il évolue dans un registre délicat, classieux et lyrique. L'album s'ouvre sur un 'Song for Sarah' très mélancolique et introduisant de manière parfaite les différents mouvements de 'Suspended Night' où le groupe déploie l'étendue de son talent sur des morceaux essentiellement calmes et sereins.
89 F.S.K. meets Anthony Shake Shakir - First Take Then Shake (Disko B)
Déjà le 11ème album pour les allemands inclassables de FSK qui cette fois ont décidé de se frotter aux arrangemenst d'un membre de la scéne techno/house de Detroit. Certains morceaux comme 'Kinski Jones' sonnent comme les aventures de Kraftwek en Jamaïque; d'autres correspondent davantage à une house minimale de facture classique. J'aime beaucoup le constraste existant entre le côté distant de la voix de la chanteuse et la chaleur des instrus.
88 Michel Chion/Lionel Marchetti/Jérôme Noetinger - Les 120 jours (Fringes)
Ces 120 jours correspondent en réalité à 120 minutes de musique concrète enregistrées par 3 pointures du genre. Le nom de Noetinger est notamment connu des amateurs du fameux label Erstwhile puisqu'il est aussi membre du collectif MIMEO. Pour revenir à ces '120 jours', je suis parfaitement incapable d'émettre le moindre jugement critique sur ce genre de musique savante. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai beaucoup + de plaisir à l'écoute de ce double cd qu'avec celles de toutes les références Ertswhile et autres projets de musique electro-acoustique improvisée de cette année (hormis Trapist). Des extraits de films, de documentaires, d'émissions télé et de musique (Suicide et Wu Tang Clan) servent de base à ce travail exigeant mais également très ludique.
87 Jolie Holland - Escondida (Anti-)
La voix de Jolie Holland se situe quelque part entre celles de Billie Holliday, Cat Power et Norah Jones et - logiquement - 'Escondida' est un subtil mélange de country, de blues et de jazz qui se déguste comme du bon vin. J'ai commencé par la voix de Jolie Holland car c'est l'atout principal de ce disque. A la fois pure que du cristal et distillant mine de rien pas mal d'émotions, elle contribue à donner à cet album un fort parfum d'authenticité et de sincérité.
86 The Futureheads - st (679 Records)
Les Futureheads sont en plein régression: ils ont décidé de refaire du XTC et du Devo en 2004. Attention aux 3 premiers morceaux! Ils sont trompeurs et laissent à penser qu'on n'a affaire ici qu'à une formation de power-pop efficace mais très basique. Il faut écouter très attentivement les harmonies vocales de 'Decent Days & Night', 'Dangers of the Water' ou 'The City is Here for You to Use' pour réaliser que la musique des Futureheads est plus riche et exigeante qu'il n'y parait. Les idées se succédent à un rythme hallucinant: et ceci explique pourquoi on y découvre de nouvelles choses à chaque écoute.
85 Charalambides - Joy Shapes (Kranky)
'Joy Shapes' où comment une chanteuse - évoluant dans un registre atonal proche de celui de Patty Waters - intéragit avec les arpèges dronesques d'un duo de guitaristes durant 75 minutes pour atteindre quelque chose de l'ordre du mystique à la frontière entre folk psyché, gospel et free jazz. Rien que cette vague desciption suffit à faire comprendre que ce disque ne parlera sans doute pas à tout le monde et requiert pas mal d'investissement de la part de l'auditeur. J'ai trouvé le 1er morceau de + de 20 minutes 'Here Not Here' particulièrement bluffant.
84 Mission of Burma - Onoffon (Matador)
Après avoir refait une apparition probante sur scéne 20 ans après leur séparation, les Mission of Burma décident de retourner en studio pour donner enfin une suite à 'Vs.' qui était jusque là leur seul et unique album. Aidé par Bobby Weston (Shellac), ils réalisent avec 'Onoffon' un tour de force le temps de 15 morceaux aussi toniques, passionnés et inspirés que par le passé. Ce groupe a influencé Fugazi, Dinosaur Jr.et REM. Le cd d'un groupe qui n'a plus rien à prouver mais qui rappelle pourquoi il occupe une place de choix au panthéon du punk-rock américain.
83 Jill Scott - Beautifully Human: Words & Sounds Vol.2 (Hidden Beach)
Quatre ans après un premier volume qui avait fait date auprès des amateurs de neo-soul, Jill Scott revient avec un autre album plein de grâce et de feeling. Elle évolue dans un veine assez intimiste et lorgne souvent vers les grandes divas soul des années 70 comme Minnie Riperton sans en atteindre toutefois la magie. Si l'on oublie ce type de références qui tournent forcément en défaveur de Jill Scott, on se laisse porter et charmer par un ensemble de haute tenue dont se détache le poignant 'Rasool' ou le jazzy 'Talk to Me'.
82 Pan American - Quiet City (Kranky)
Ce quatrième disque solo du guitariste de Labradford est tout en crescendo. D'abord, ce sont les atmosphères et les textures sonores très organiques qui ont la vedette. C'est beau et prenant mais certains morceaux n'évitent pas quelques longeurs comme un 'Smallholding' bien trop long pour ce qu'il a à raconter. Heureusement, Mark Nelson a garder le meilleur pour la fin avec une 2nde moitié d'album de toute beauté et beaucoup + mélodique. A partir de 'Hall & Skylight', le charme opère en effet à plein pour culminer avec la trompette crépusculaire de 'Retouch' et la magnifique berceuse qu'est 'Christo en Pilsen'.
81 Old Time Relijun - Lost Light (K)
Quand j'écoute 'Lost Light', j'ai l'impression d'écouter le Sonic Youth de 'Kill Your Idols' jouer le répertoire Gospel Yeh-Yeh de Make-Up et j'aime ce cocktail de dissonance et de groove. Même si le groupe semble s'être pas mal assagi par rapport aux albums précédents sa musique est maintenant plus varié et aboutie. Le fait qu' Arrington de Dionyso sermone toujours + qu'il ne chante donne à leurs morceaux une fiévre particulière qui participe de beaucoup au magnétisme de leur son.
80 Moodyman - Black Mahogani (Peacefrog)
La house Kenny Dixon Jr aka Moodymann est l'une des + sensuelle et atemporelle qui soit mais le probléme avec lui, c'est qu'il a la mauvaise habitude de sortir quantité de vynils en édition limitée. Heureusement, on peut retrouver quelques uns de ces morceaux sur ce 'Black Mahogani' qui ne sonne pourtant pas comme une collection de titres hétéroclite et sans âme mais au contraire comme un voyage initatique au pays de la house de qualité.
79 Frank Gratkowski Quartet - Facio (Leo)
Sur 'Facio', Frank Gratkowski (Saxophone alto & clarinette), Walter Wierbos (Trombone), Dieter Manderscheid (Contrebasse) et Gerry Hemingway (Batterie) jouent une longue composition de + d'une heure divisée en 9 parties. Au fil du cd, les 4 musiciens sont en parfaite osmose et abordent des registres qui vont de la marche chaotique et obsédante à l'exhubérance funky en passant par des moments + calmes et atonaux. J'ai à la fois pensé à Eric Dolphy, Anthony Braxton, Sam Rivers et Henry Threadgill.
78 Guapo - Five Suns (Cuneiform)
Comme peut le laisser présager leur label, ces anglais jouent du rock progressif. Complétement instrumentales et laissant la part belle à un orgue Fender Rhodes omniprésent et une batterie de feu, les compos de 'Five Suns' sont autant d'hommages au style inimitable de Magma tout en n'hésitant pas à lorgner du côté de l'intensité de la noise et du free-jazz. Ce qui donne une musique sombre, lyrique, explosive et hypnotique de part son aspect minimal et répétitif.
77 Susanna & The Magical Orchestra - List of Lights & Buoys (Rune Grammofon)
Un projet auquel participent des membres de Jaga Jazzist et Helge Sten (Supersilent & Deathprod) ne peut que susciter la curiosité. Ici, ils mettent remarquablement en valeur la douce voix d'une certaine Susanna Wallumrød sur ce qui constitue sans doute l'une des références les + accessibles du catalogue de Rune Grammofon. Le climat est voisin des morceaux les + éthérés du 'Vespertine' de Bjork même si Wallumrød est une chanteuse + sobre que l'islandaise et que l'album a également une dimension acoustique et organique bien maîtrisée. C'est linéaire mais très joli et il y a une incroyable reprise du 'Jolene' de Dolly Parton.
76 Ricardo Villalobos - Thé au harem d'Archimède (Perlon)
Petite indication: 'Alcachofa' était sur Playhouse et ici on se retrouve sur Perlon. Il n'y a peut-être aucun rapport mais le fait est que ce nouveau Villalobos ne contient aucun tube facile et dansant à la 'Easy Lee'. A la place, le chilien s'est + que jamais focalisé sur le côté hypnotique et aquatique de percussions s'inspirant des musiques africaines et sud-américaines. En fait, il semble y jeter les bases d'une house cosmique et psychédélique tant les obsessions de groupes comme Ash Ra Tempel ou Tangerine Dream y sont remises au goût du jour.
75 The Ivytree - Winged Leaves (Catsup Plate)
Une personne se cache derrière toutes les réussites labellisées 'Jewelled Antler Collective': l'américain Glenn Donaldson. Dès qu'il participe à un projet, on sait que l'on aura affaire à un folk lo-fi rêveur et fragile s'appuyant sur des 'field recordings' (c'est à dire des enregistrements de sons naturels comme le bruit du vent dans les feuilles ou le chant d'un oiseau). Sa voix plaintive est assez proche de celle de Richard Youngs et le climat est mélancolique et éthéré à souhait.
74 Upsilon Acrux - Volucris Avis Dirae-Arum - (Planaria)
Alors que les artistes qui jouent de la musique minimale se ramassent aujourd'hui à la pelle, les membres d'Upsilon Acrux revendiquent leur approche maximaliste. S'ils font moins de bruit que les Ruins ou les Lightning Bolt, leurs compos poussent le bouchon plus loin en matière de densité et de complexité dans les rythmiques en perpétuelle mutation. A ce propos, pour profiter au mieux du jeux de leurs deux batteurs Derek Bruns et Jesse Klecker, le casque est vivement conseillé.
73 Joanna Newsom - The Milk-Eyed Mender (Drag City)
Une californienne de 22 ans dont le folk est très singulier. D'abord, elle joue de la harpe comme s'il s'agissait d'un banjo et possède une voix à la fois très enfantine et étrangement habitée. Mais le + remarquable est qu'elle parvient avec une efficacité et une poésie désarmantes à réconcilier la tradition de l'apalachian folk et la modernité de la culture 'indé'. Parfois, elle délaisse sa harpe pour un piano mais la magie de ses comptines opère toujours à plein.
72 Deerhoof - Milk Man (Kill Rock Stars)
Ce qui fait du bien avec les compos de Deerhoof, c'est qu'on ne sait jamais à l'avance où elles vont nous emmener tant elles sont imprévisibles et chaotiques. Ce 'Milk Man' survitaminé ne fait pas exception à la régle et rien que le personnage dessiné sur la pochette permet de se faire une idée sur la fantaisie de ce disque qui fera certainement plaisir à ceux qui déplorent les récentes incursions de Blonde Redhead dans le monde de la pop bien propre sur elle.
71 Dennis Gonzalez NY Quartet - NY Midnight Suite (Clean Feed)
Le trompettiste texan d'origine mexicaine a signé tous les morceaux de ce disque. C'est pourquoi il tient logiquement la vedette de ce quatuor même si Ellery Eskelin (saxophone), Mark Helias (contrebasse) et Mike Thompson (batterie) ont beaucoup d'espace pour s'exprimer eux aussi. Il est frappant de constater le naturel avec lequel les musiciens se répondent alors qu'ils n'avaient jamais collaboré ensemble auparavant. 'NY Midnight Suite' se situe dans une veine très 70's proche des enregistrements d'Ornette Coleman ou de Don Cherry de l'époque.
70 Ghost - Hypnotic Underworld (Drag City)
Ghost est un groupe japonais adepte d'un rock très psychédélique qui sent bon les années 70.
Si jusqu'ici leur musique semblait surtout avoir beaucoup d'accointances avec celles de groupes comme Pink Floyd, Soft Machine et ceux de la vague krautrock, 'Hypnotic Underworld' les voit rajouter une corde à leur arc: celle du rock progressif + structurée et lyrique à la King Crimson ou Genesis comme en témoigne 'Hazy Paradise' ou 'Piper'. Le résultat - à la fois varié, riche et ambitieux - peut donner l'impression d'un vague manque de cohérence qui en général se dissipe au fil des écoutes. A signaler une belle reprise du 'Dominoes' de Syd Barrett.
69 Simon Joyner - Lost With the Lights On (Jagjaguwar)
Accompagné de solides musiciens comme Michael Krassner (Boxhead Ensemble), Jim White (Dirty Three) et le violoncelliste Fred Lonberg-Holm, Simon Joyner met sa poésie en chansons (le + souvent des ballades) dans un style dont l'épure n'est pas sans rappeler les premiers albums de Leonard Cohen. Rien que les morceaux 'Dreams of Saint Theresa', 'Evening Song to Sally' et 'Blue'suffisent à emporter l'adhésion.
68 The Walkmen - Bows + Arrows (Record Collection)
La comparaison la + évidente est le U2 des débuts. On y retrouve le même jeu de guitare et le même souffle quasi épique (y compris dans les ballades). Le fait que The Walkmen parviennent par moment à communiquer une urgence assez proche des morceaux les + enlevés de Joy Division n'est pas tout à fait un hasard car Martin Hannett avait mixé le 1er album de U2. Quant à la voix cassée de Leithauser, elle me fait penser à Greg Dulli et ses Afghan Whigs. Mais toutes ces flatteuses références ne doivent pas faire oublier que ce groupe a également une façon unique de faire participer les claviers à la dynamique même de ses morceaux.
67 Vinicius Cantuaria - Horse & Fish (Bar None)
Vinicius Cantuaria a choisi ici de marier une bossa nova assez traditionnelle à des sonorités électriques subtiles. Tout commence par une très belle reprise de Gilberto Gil traversée par la trompette Michael Leonhart puis Cantuaria enchaine en se balladant au fil des morceaux entre samba, merengue, folk, pop et jazz. Bien sûr, c'est le genre de disques qui peut paraître un peu lisse aux oreilles de certains mais, en réalité, on y découvre de nouvelles choses à chaque écoute.
66 Neurosis - The Eye of Every Storm (Relapse)
Neurosis est sans contense une valeur sure de la musique sombre et agressive mais, au fil des années, il semble délaisser la brutalité des gros riffs basiques et saturés pour produire quelque chose de + atmosphérique et épuré. Neurosis opère maintenant de manière + incidieuse avec des rythmiques souvent lancinantes, quelques traces d'electro et des morceaux qui prennent le temps de s'installer et de progresser. Le son d'un groupe qui s'est assagi mais qui reste toujours aussi passionnant.
65 Trapist - Ballroom (Thrill Jockey)
Le guitariste Martin Siewert et le percussionniste Martin Brandlmayr avaient déjà fait montre l'année dernière d'un savoir faire inimitable en matière d'improvisation électro-acoustique sur le bien nommé 'Too Beautiful to Burn'. Ils sont rejoints sur les albums de Trapist par le bassiste Joe Williamson. Il y a pas mal d'effets digitaux sur ce 'Ballroom' qui font que la musique du trio se rapproche parfois d'une sorte d'ambient et vise une sorte de languidité et de séductions voisines de celles des 2 derniers albums de Fennesz.
64 Hannah Marcus - Desert Farmers (Bar/None)
Enregistré au Canada avec (entre autres) 2 membres de GYBE (Efrim et Thierry Amar), 'Desert Farmers' présente un folk sombre et solennel très proche des univers de Lou Reed, Patti Smith ou Michael Gira. 'Laos', le morceau qui ouvre cet album est une superbe ballade au piano pleine d'introspection à la Lisa Germano mais ce n'est qu'un préambule à une suite de compos + denses tout en crescendo où l'on mesure tout l'apport des musiciens de GYBE. Le climat est empreint à la fois d'austérité et de lyrisme. La voix si envoutante d'Hannah Marcus fascine toujours autant comme sur le jazzy 'Purple Mother' qui accorde un peu de répit à l'auditeur dans cet océan de gravité assez oppressante.
63 De la Soul - The Grind Date (Sanctuary)
* Une valeur sure du hiphop old-school qui ne se sent pas obligée de pondre un album chaque année.
* Production hyper inspirée avec Madlib, J-Dilla, 9th Wonder & Supa Dave West aux commandes.
* Liste d'invités prestigieux longue comme le bras (Common, MF Doom, Ghostface Killah, Carl Thomas, Flava Flav etc.) qui ne sont pas là pour faire tapisserie mais apportent à chaque fois une identité particulière aux morceaux.
* Pas de skit (interlude) aka la plaie du hiphop moderne.
62 Claudia Quintet - I, Claudia (Cuneiform)
Constitué autour du percusionniste John Hollenbeck, le Claudia Quintet est un peu le pendant jazz d'un groupe post-rock comme Tortoise. Un peu comme chez ces derniers, le vibraphone de Matt Moran est utilisé pour mieux se faire rencontrer les mélodies et les rythmiques. Ainsi, il peut notamment aussi bien évoquer un certain minimalisme hypnotique à la Steve Reich que dialoguer de façon très groovy avec l'accordéon de Ted Reichman et la clarinette (ou le saxo) de Chris Speed. Un album à la fois très complexe et facile à écouter.
61 Pan Sonic - Kesto (234.48:4) (Mute / Blast First)
Soit 234 minutes, 48 secondes et 4 millisecondes d'electro expérimentale concoctées par le duo finlandais réparties sur 4 cd révélant chacun une facette de leur talent. Le 1er se situe dans la lignée de pionniers de la musique indus comme Throbbing Gristle en offrant de véritables symphonies de saturations, de distorsions et de rythmes martiaux. Le résultat est presque groovy. Et puis chaque nouveau cd donne l'impression d'être l'echo du précédent.Le son se fait de moins en moins dense et le vocabulaire indus du départ est chaque fois un peu + déstructuré pour aboutir logiquement sur un 4ème cd qui n'est plus constitué que par un long drone d'une heure.
60 Comets on Fire - Blue Cathedral (Sub Pop)
Les Comets on Fire comptent maintenant un nouveau membre en la personne de Ben Chasny (Six Organs of Admittance) mais leur style n'a pas pour beaucoup changé. C'est toujours du bon gros rock psychédélique sous acide avec un son bien crade et plein de reverb pour aller avec. La différence avec leurs albums précédents, ce sont des compos + complexes comme le floydien 'Wild Whiskey' ou quelques intermédes + tranquilles qui introduisent un zeste de subtilité dans un ensemble très intense et jouissif.
59 Hala Strana - These Villages (Soft Abuse)
L'an dernier, j'avais bien bloqué sur le 'Radio Amor' de Tim Hecker qui était rempli de manipulations digitales singulièrement humaines. Rien de tout ça chez Hala Strana mais un sentiment de fascination comparable. Steven R. Smith s'intéresse ici aux folklores des pays de l'Est européen et s'emploie à en capter l'âme en utilisant pas mal d'instruments traditionnels de ces régions. 'These Villages' est un album de drone-folk acoustique définitivement à part dans ce style en pleine expansion actuellement.
58 Fennesz - Venice (Touch)
Son image assez austére de magicien du laptop est trompeuse. En réalité, chaque nouvel album que Fennesz sort voit sa musique devenir de + en + accessible. Un peu à la manière dont les My Bloody Valentine cachaient des trésors mélodiques sous un apparent mur de guitares dissonantes, la musique de l'autrichien basée sur un savant mélange de manipulations digitales et de drones parvient sans peine à fasciner. Le penchant 'pop' de Fennesz donne à sa musique une chaleur et une humanité particulière.
57 Sightings - Arrive in Gold (Load)
Avant ce 'Arrive in Gold', les Sightings étaient connus pour leur rock cacophonique ne faisant pas dans la dentelle. La recette était basique mais efficace. Changement de décor avec ce nouveau cd où le groupe présente un son beaucoup + travaillé et presque groovy en incorporant une bonne dose d'electro dans leur cocktail de riffs saturés et de rythmes tribaux et/ou mécaniques. Les 1ers albums des Sightings étaient punk. Celui-ci est clairement indus et je le recommande donc vivement aux amateurs de Throbbing Gristle, Einstürzende Neubauten et autres Black Dice ou Wolf Eyes.
56 Espers - Espers (Locust)
Greg Weeks a beau être originaire de New-York, la musique de son groupe doit beaucoup au folk britannique de Sandy Denny ou Maddy Prior. Enfin, disons que la base est très classique mais que l'originalité tient dans le traitement très acid-folk qui lui est appliqué tout au long de cette album vivement conseillé aux amateurs de Nick Drake, Linda Perhacs ou Bridget Saint John. De très belles harmonies vocales conjuguées à l'absence totale de percussions rapprochent l'écoute de ce disque d'un rêve éveillé.
55 Antibalas - Who is This America? (Ropeadope)
Ce collectif new-yorkais reprend de belle manière le flambeau de Fela Kuti en jouant de l'afro-beat plein de fiévre et à forte connotation politique. Rythmes syncopés et hypnotiques, cuivres funky et puissants, morceaux épiques laissant la place à chacun des musiciens de s'exprimer: il est bien difficile de ne pas se laisser entraîner. Même s'il paraît qu'Antibalas ne donne sa pleine puissance que sur scéne, le cd est déjà très jouissif et donne envie de se replonger dans la discographie du maître Fela.
54 Tara Jane O'Neil - You Sound, Reflect - (Quarterstick)
L'ancienne bassiste de Rodan continue sa carrière solo aussi discréte que passionnante. Sur ce 4ème album, elle délaisse un peu la rugosité et les expérimentations lofi du passé pour se consacrer pleinement à un songwriting et des atmosphères qui séduisent de façon + insidieuse. Elle chante du bout des lévres, utilise quelques bribes d'electro et tout son savoir-faire en matière de production pour aboutir à un folk-rock fragile et aérien pas si éloigné que ça de la pop d'une Stina Nordenstam par exemple.
53 Paik - Satin Black (Strange Attractors)
Originaire de Detroit, Paik est un trio adepte d'un space-rock fortement marqué par la krautrock et les murs de guitares dissonantes de My Bloody Valentine. Après la mise en bouche 'Jayne Field' de facture assez classique, la machine Paik s'emballe pour créer ce qu'il convient d'appeler de petits bijoux de cacophonie mélodique. C'est lourd comme du Black Sabbath et dense comme 'Loveless' tout en étant extrêmement minimal et répétitif. L'album se termine donc logiquement par un long théme dronesque massif et hypnotique.
52 Deathprod - Morals & Dogma (Rune Grammofon)
Un album de musique ambient qui dégage à la fois la même rigueur et le même charme que les + belles réussites de Maeror Tri. Par exemple, le drone de 'Tron' commence de façon assez basique mais évolue de façon tellement subtile et prenante qu'il est très difficile de ne pas se laisser gagner par le climat que Helge Sten installe grâce au logiciel qu'il a appelé Audio virus. Ailleurs, 'Dead People's Things' séduit d'entrée par son violon plaintif et ne cesse de captiver pendant ses 20 minutes. Vivement recommandé aux amateurs d'ambient!
51 Mus - Divina Lluz (Darla)
Dès 'Escuela Cruda', le décor est déjà planté: un piano squelettique sur lequel se promène une voix à la limite du murmure... Mus est un duo espagnol qui n'est pas sans rappeler le couple que formait à l'époque Dave Roback et Hope Sandoval au sein de Mazzy Star. Comme cette dernière, Monica Vacas atteint mine de rien quelque chose de l'ordre du religieux et sa voix à la fois douce et profonde est en totale synergie avec les arpèges délicats de son compagnon. Une perle de slowcore intimiste.
50 Terrestre - Secondary Inspection (Static discos)
Derrière Terrestre se cache le mexicain Fernando Corona aka Murcof. Il s'agit d'un projet orienté microhouse (dance minimale) mais qui reste très marqué par ses racines latines. Corona y joue très habilement sur le contraste entre des rythmiques syncopées évoquant les ambiances festives des rues de Tijuana et des instrus aux climats assez sombres et dubesques dignes d'un Plastikman ou d'un Vladislav Delay.
49 Flat Earth Society - ISMS (Ipecac)
N'ayant pas d'attrait particulier pour le format, il est très rare que j'inclue une compilation dans ce genre de playlists. Reste que l'initiative prise par Mike Patton de faire découvrir à un public + large la musique des belges de Flat Earth Society est + que bienvenue. Un peu comme le Vienna Art Orchestra, FES est un big band qui puise à la fois son inspiration dans la musique contemporaine, le blues, la musique de film et celles d'allumés notoires comme le Captain Beefheart et Frank Zappa. Leur style est très incisif et riche en rebondissements.
48 GM Grimm as Superstar Jet Jaguar - Digital Tears: E-Mail from Purgatory (Day By Day Entertainment)
Tout juste sorti de prison, le Grand Master Grimm nous gratifie d'un album concept bancal mais qui communique une fraicheur désarmante. Si les deux titres très caractéristiques produits par J-Zone sont déjà assez terribles, c'est surtout le climat particulièrement sombre et oppressant de morceaux comme 'Go Back', 'Black Helicopter' ou 'Digital Tears' qui fait que je reviens régulièrement à ce cd.
47 Victory at Sea - Memories Fade (Gern Blandsten)
Le groupe de Boston était jusque là cantonné au rang des seconds couteaux. Beaucoup de changement avec ce 'Memories Fade' sur lequel deux nouveaux membres font leur apparition (Taro Hatanaka au violon et et Dave Norton à la batterie) et qui voit Mel Lederman troquer sa basse contre un clavier. Littéralement transfiguré, le son du groupe est beaucoup + dense que par le passé et joue à fond la carte du lyrisme. Le résultat est assez comparable au 'Over the Sun' de Shannon Wright tout en lui étant supérieur à tous les niveaux. La performance vocale de Mona Elliott est remarquable et certaines compos + légères sont introduites pour ne pas donner l'impression d'un bloc trop monolithique.
46 Spring Heel Jack - The Sweetness of the Water (Thirsty Ear)
John Coxon et Ashley Wales ont cette fois pour principaux collaborateurs le saxophoniste Evan Parker, le trompettiste Wadada Leo Smith (membre de l'AACM), le bassiste John Edwards et le percussionniste Mark Sanders. Ceux pour qui ces noms ne sont pas inconnus savent déjà qu'il y aura pas mal de bon jazz improvisé et atonal au programme et c'est en réalité le seul léger probléme de ce disque: c'est souvent magnifique mais j'aurais juste aimé un petit peu + surprises avec de pareils musiciens aux commandes. En tout cas, les interventions de Coxon & Wales sont discrètes mais pertinentes et le dernier morceau 'Autumn' est à tomber.
45 Stina Nordenstam - The World is Saved (V2)
Après avoir une dernière fois tenté en vain de gagner un public + large avec un 'This is' très accessible, la suédoise se replie de nouveau sur elle-même et retrouve le registre intimiste et dépouillé dans lequel elle excelle. Enregistré avec une poignée de musiciens du pays, 'The World is Saved' présente une pop élégante teinté de jazz et d'electro et ne distille son charme qu'avec parcimonie et subtilité.
44 Frank Bretschneider - Looping I-VI (12k)
Comme les Pan Sonic, l'allemand est une valeur sure de la musique électronique dite expérimentale et son album obéit presque à la même logique que 'Kesto' sauf qu'il fonctionne en sens inverse et qu'il est beaucoup + concis. On part ici de l'expression la + simple et limpide de son art à savoir une ambient à base de nappes atmosphériques et de boucles à peine perceptibles puis le son s'étoffe de + en +. Des rythmiques apparaissent progressivement bientôt rejointes par des bribes de mélodies. Son approche quasi architecturale et la précision rigoriste de ce 'Looping I-VI' évoque les + belles réussites d'Aube. Casque recommandé!
43 Co - !Comoc! (Mik Musik)
Mik Musik est un label polonais spécialisé dans la musique électronique bricolo et inventive. Situé en plein dans l'esprit de ce label, Maciek Kujawski aka Co apporte un véritable vent d'air frais dans une scéne electro qui a un peu tendance à tourner en rond ces derniers temps. !Comoc! ou l'alchimie parfaite entre des rythmiques hiphop old-school, de boucles bien amenées et de samples qui sentent bon l'humour et la bidouille. Ce label et ses artistes sont à suivre de très près!
42 Lisa Sokolov - Presence (Laughing Horse)
Ce n'est pas tous les jours que l'on a le bonheur d'écouter un disque de jazz vocal qui ne sonne comme aucun autre. Lisa Sokolov peut - parfois le temps d'une même phrase - combiner le côté diaphane de Norah Jones, la classe de Betty Carter, l'urgence de Janis Joplin et l'abstraction de Patty Waters. A l'écoute de ce disque, les frontières entre les genres musicaux disparaissent et on ne sait plus très bien où commence le jazz, le folk, le R&B ou le gospel. On reste fasciné par la façon dont cette chanteuse sait mettre sa technique vocale exceptionelle au service d'une interprétation toute en émotion. Une expérience!
41 Bola - Gnayse (Skam)
Alors que les sorties d'Autechre, de Squarepusher ou d'Aphex Twin sont toujours largement discutées, celles de Darrell Fitton aka Bola ne semblent pas concerner grand monde. Très peu spectaculaire et même trop basique aux oreilles de beaucoup d'amateurs de sensations fortes, la musique de Bola est assez largement ignorée. A l'opposé de tous les artistes cités, l'approche de Bola est quasi romantique et ne sacrifie pas l'humanité de sa musique à la course à la technologie ni ne prend soin de recouvrir ses sublimes mélodies d'un fatras d'artifices plus ou moins heureux. A mi-chemin entre electronica et ambient, 'Gnayse' est une réussite de + à mettre à l'actif d'un artiste qui avait appris à Autechre comment construire des mélodies à l'époque de 'Incunabula'.
40 Entrance - Wandering Stranger (Fat Possum)
Entrance se résume presque au seul Guy Blakeslee et sa guitare électrique. C'est un fou de delta blues mais son interprétation se démarque très nettement de celles des classiques du genre. Sa voix efféminée riche en falsetto et vibrato évoque plutôt l'outrance du glam-rock ou celle de Tim Buckley. La prise de son saisissante (très électrique) et la conviction affichée par Blakeslee communiquent un maximum de spontanéité. 'Wandering Stranger' est un très bon exemple de blues moderne.
39 The 90 Day Men - Panda Park (Southern)
La musique de ce groupe est solidement ancrée dans les années 70 et conjugue à merveille les envolées lyriques du rock progressif et le glam-rock de Bowie, T-Rex et Eno à l'aide d'un piano omniprésent. D'une certaine manière, c'est une sorte de version moderne et extrêmement condensée du 'The Lamb Lies Down on Broadway' de Genesis. Et même si je dois dire que ce 'Panda Park' ne l'égale maheureusement pas en prétention et en extravagance, l'effort est louable comme sur un 'Silver & Snow' où Bowie est singé sans vergogne.
38 Leviathan - Tentacles of Whorror (Moribund)
Derrière Leviathan se cache un seul homme: l'américain Wrest et son cerveau légérement dérangé. Il joue du black metal avec une forte propension à l'ambient glauque et malsaine dont il soupoudre chacune de ses compositions. Wrest ne fait pas dans le complexe, le grandiose et encore moins dans la finesse. Le point de départ est relativement basique pour le genre: rythmiques martiales et riffs ultra-efficaces à la Slayer mais, là où Leviathan fait la différence, c'est dans cet enchevêtrement infernal et indescriptible de dissonances, de hurluments, de passages ambient lugubres qui ne manquent pas de mettre mal à l'aise.
37 Annie - Anniemal (679 Records)
Rien à dire à part que c'est une réussite sur toute la ligne. Un bon paquet de morceaux paraissent assez basiques mais leurs mélodies acidulées s'incrustent insidieusement dans votre cerveau pour ne plus en sortir. Elle joue très habilement du charme inhérent à son accent nordique et s'appuie sur une production nickel. On n'a pas non plus le sentiment de subir une grosse usine à tubes étudiés pour cartonner. Plus qu'une simple accumulation de singles en puissance, 'Anniemal' est un ensemble cohérent à la fois dansant et mélancolique, superficiel et pourtant très humain.
36 Rosy Parlane - Iris (Touch)
La première chose qui frappe avec ce cd, c'est son packaging. Les très belles photos bleutées de Jon Wozencroft mettent en condition et illustrent à merveille ce qui fait la particularité de ce 'Iris'. Il s'agit d'une longue pièce divisée en 3 mouvements et réalisée à base de drones et de diverses manipulations digitales. Le néo-zélandais y fait montre d'une précision et d'une clarté hors du commun à tel point qu'on n'a aucune peine à s'imaginer dans les paysages nocturnes et hivernaux de la pochette. Fascinant!
35 Ben Allison & Medicine Wheel - Buzz (Palmetto)
Le fait que 'Buzz' commence par quelques notes de piano que l'on croirait échappées de 'Kid A' illustre bien l'ouverture d'esprit du groupe constitué autour du contrebassiste Ben Allison. A la fois intense et mélodique, très accessible et complexe, ce cd est de nature à amener de nouvelles personnes à s'intéresser au jazz sans pour autant verser dans la fusion facile. En tout cas, 'Buzz' montre un jazz résolument tourné vers l'avenir et les autres mouvements musicaux (pop et r'n'b en tête) tout en restant fidéle à l'héritage de glorieux anciens comme Mingus ou Ellington.
34 Leprechaun Catering - Kumquats & Lychees LP (Heresee)
Originaires de Baltimore, Tom Boram et Jason Willett sévissent sous le nom de Leprechaun Catering et font de la musique de fou. Les 2 faces de ce LP présentent un goût certain pour le bordel organisé. C'est très pêchu, rempli de rythmiques funky qui vont dans tous les sens et de 'bleeps' qui vous explosent à la tronche. L'influence est clairement à rechercher du côté de Pierre Henry ou de Jean-Jacques Perrey pour le côté electro-bricolo mais - pour le reste - c'est assez unique et indéfinissable. Jouissif!
33 Richard Youngs - River Through Howling Sky (Jagjaguwar)
Autant les multiples effets électroniques que l'on pouvait entendre sur 'Airs of the Ear' contribuaient à éclairer le folk minimal de l'écossais, autant le parti-pris 'bluesy'et ultra austère de ce 5ème album enregistré pour Jagjaguwar le rend très oppressant voire éprouvant. Pour cette raison, ce n'est pas l'album idéal pour faire connaissance avec cet artiste même s'il s'agit à n'en pas douter d'une oeuvre d'une densité et d'une profondeur rares qui ravira à coup sûr les habitués du personnage.
32 Vincent Courtois - Les contes de Rose Manivelle (Le Triton)
Il s'agit d'un projet singulier du violoncelliste Vincent Courtois réunissant autour de lui quelques musiciens dont Louis Sclavis pour accompagner les histoires du conteur André Ze Jam Afane. Au début, on la joue blasé et on sourit un peu à l'écoute des histoires de Ze Jam. Puis, on réalise assez vite que ce conte musical posséde une dimension poétique hors du commun et qu'il brasse avec grande maîtrise toutes les influences de Courtois: musiques africaines, folklores tziganes, rock, reggae, chanson française (via une magnifique reprise de 'L'amandier' de Brassens).
31 Sarah Harmer - All of Our Names (Zoe)
Sarah Harmer est une artiste canadienne souvent méconnue. Le climat 'All of Our Names' est à la fois chaleureux et serein et dégage une sorte de tranquille assurance assez proche de celle que l'on peut trouver sur les meilleures 'MTV Unplugged Sessions'. Bien sûr, ce n'est pas un album que l'on peut conseiller aux gardiens du temple 'indé' mais les amateurs de Nathalie Merchant, Suzanne Vega ou autres Over the Rhine devraient être séduits. Un disque rempli de bonnes chansons au climat très intime et à la production subtile qui se ferme sur une jolie berceuse: 'Go to Sleep'.
30 Max Richter - The Blue Notebooks (Fat Cat)
L'album de ce compositeur allemand exilé en Angleterre posséde indéniablement un souffle particulier. C'est une oeuvre qui réussit l'exploit de marier admirablement des sonorités acoustiques dignes de la musique de chambre (piano, violoncelle, violon) à des effets electroniques puisant dans le meilleur de la musique ambient. La musique de Richter a de plus une dimension littéraire et cinématographique qui aide à la cohérence de l'ensemble. On pourrait à la rigueur reprocher à 'The Blue Notebooks' son relatif académisme mais toutes ces considérations sont bien peu de choses comparées à la beauté et la grande émotion qui s'en dégagent.
29 Friends of Dean Martinez - Random Harvest (Glitterhouse)
Moi qui suis en général toujours prompt à ramener ma science sur le côté 'papier-peint' de tous ces albums de musiques instrumentales qui sont autant de BO de films imaginaires, j'ai complétement rendu les armes devant ce modéle du genre. Non contents de résumer tout ce qui fait le charme des meilleurs morceaux de Calexico et Giant Sand, le groupe de Bill Elm atteint des sommets inédits en parvenant à sortir du monde étriqué de la scéne indée pour évoquer Neil Young ou les Doors. Un album ambitieux dont la démarche est assez comparable au 'Magnolia Electric Co' de Songs:Ohia dans sa volonté de se frotter au meilleur d'une certaine musique américaine.
28 Myra Melford - Where the Two Worlds Touch (Arabesque)
Un peu à la manière de son mentor Henry Threadgill ou d'un Andrew Hill, Myra Melford est une musicienne que l'on classe souvent à l'avant-garde mais pour qui les harmonies, les mélodies et le groove ont une importance centrale. Ici, elle joue - en + de son piano habituel - de l'harmonium pour mieux coller aux écrits du poète persan Jelaluddin Rumi qui lui ont inspiré ces huit compositions. Elle est y notamment entourée de Chris Speed (encore lui!) et du trompettiste Cuong Vu.
27 Mastodon - Levithan (Relapse)
Ayant pris une belle claque avec leur 1er album 'Remission', j'attendais la suite avec impatience. Et je ne suis pas déçu car 'Leviathan' est non seulement aussi massif et direct que 'Remission' mais il est également beaucoup + varié et abouti. D'abord, les 2 guitaristes et le bassiste chantent tour à tour. On a donc le droit aux hurlements histériques d'usage en la matière mais aussi à un chant + mélodique quasi punk et grunge. La technique démentielle du batteur Brann Dailor donne toujours un dynamisme très particulier aux compos. Quant aux riffs, ils sont gras et accrocheurs. Mastodon, c'est le cocktail parfait entre les Melvins, Neurosis, Isis et Iron Maiden.
26 Nick Cave & The Bad Seeds - Abattoir Blues / Lyre of Orpheus (Mute)
'Nocturama' m'avait tellement déçu que je n'attendais pas grand chose de ce double album d'autant que Blixa Bargeld n'était même plus là. Et pourtant, force est de constater le spectaculaire regain de forme de Nick Cave avec cette oeuvre duale et passionnante. Le 1er cd est rageur et incandescent tandis que le 2nd se situe davantage dans un registre + calme et instrospectif. Sur les deux, Cave y chante avec la flamme d'un prédicateur et s'appuie souvent sur des choeurs gospel du + bel effet. Je ne sais pas si c'est le disque idéal pour le découvrir mais il me semble offrir un bien bel aperçu de son immense talent.
25 Es - Kaikkeuden kauneus ja käsittämättömyys (Fonal)
Es est le projet de Sami Sänpäkkilä: le boss du label finnois Fonal. De part son côté extrêmement évocateur et cinématographique, c'est un album qu'il faut écouter d'un trait et qui perd beaucoup de son magnétisme si on ne veut picorer que 2 ou 3 morceaux à la fois. On a ici affaire à un assemblage très fragile de drones, de boucles (piano, cordes et cuivres), de field recording et de vocaux éthérées. Un peu à l'image du 'Radio Amor' de Tim Hecker, c'est de l'ambient qui dégage une chaleur et un charme singuliers. Je suis particulièrement dingue du long morceau final qui me semble être une sorte de pendant organique du 'Batwings (A Limnal Hymn)' de Coil.
24 The Dirty Dozen Brass Band - Funeral for a Friend (Rope a Dope)
Dédié à la mémoire d'un de leurs membres fondateurs (le joueur de tuba Anthony "Tuba Fats" Lacen), cet album est une véritable bombe dans le style des fameux Brass Band de la Nouvelle Orleans. Tout le contraire d'un hommage obséquieux, leur musique festive déborde de vie et conjugue avec brio gospel, funk, folk et blues tout en communiquant un maximum d'émotions et de spiritualité. On se sent tellement transporté qu'on s'imagine très vite dans les rues de la Nouvelle Orleans avec l'orchestre.
23 Dungen - Ta Det Lugnt (Subliminal Sounds)
Loin de la version édulcolorée et lo-fi du psychédélisme véhiculé par pas mal d'artistes actuellement, Dungen opére un retour salutaire aux bases de ce mouvement: riffs acérés rappelant parfois Hendrix, mélodies mémorables, interludes chatoyants, lyrisme de tous les instants et solos renversants. Le groupe de Gustav Ejstes n'essaie même pas de remettre tout ça au goût du jour et opte plutôt pour une approche vintage très rafraichissante. Dommage que je ne comprenne rien au suédois... mais cela n'empêche pas les mélodies de s'inscruster dans la tête.
22 Hans Koch/Martin Schütz/Fredy Studer - Life Tied (Intakt)
De New York à Venise, ce trio helvéte parcourt le monde avec leur 'hardcore chamber music' dont ils sont les chantres depuis une dizaine d'années. Hans Koch (clarinette & saxophone) se concentre avant tout sur le souffle et les textures sonores de ses instruments. Martin Schütz sort de son violoncelle des sons de basses hallucinants allant même parfois jusqu'à rappeler les infrabasses de Sunn O))). Quant aux percus de Fredy Studer, elles accompagnent une nuée de cliquetis et d'effets électroniques divers et variés. De la musique abstraite et avant-gardiste qui fait à la fois penser aux productions du label Erstwhile et au rock chaotique de formations comme le Pop Group et The Ex.
21 Einar Orn - Ghostigital (Honest Jon's)
Loin des climats éthérés et féériques de la plupart de ses compatriotes, l'islandais Einar Orn Benediktsson (ex-Sugarcubes) fait de l'electro-indus noisy et chaotique au possible. En cela, 'Ghostigital' fait beaucoup penser aux collages sonores des australiens Foetus ou Severed Heads. Déjà à l'époque des Sugarcubes, ses participations vocales en irritaient plus d'un et ce cd ne fait qu'enfoncer le clou dans le style fou et déconcertant. A noter la participation sur 3 morceaux de Sensational (Jungle Brothers) qui introduit du hiphop dans ce magma sonique déjà assez unique.
20 Bark Psychosis - Codename: Dustsucker (Fire)
10 ans ont passé depuis la sortie de leur 1er album 'Hex' et de la prolifération du terme "post-rock" qui s'en est suivie. Un peu tombé dans l'oubli, cet album est toujours cité comme une référence incontournable du genre mais trop peu d'amateurs de post-rock le connaissent véritablement. 'Codename: Dustsucker' représente donc pour eux la chance de découvrir enfin ce qui se cache derrière l'énigme Bark Psychosis et tout ce que leur doivent des groupes comme Piano Magic ou Hood. Car c'est comme si le temps avait été suspendu pour Bark Psychosis: les climats de ce 'Codename: Dustsucker' sont relativement proches de ceux de 'Hex'. Ce qui n'est pas très génant en soi étant donné que ce groupe a souvent été copié mais jamais égalé. Même atmosphéres éthérées, même subtilité dans les compos, même vocaux susurrés, même soin apporté aux textures et même fascination à l'arrivée.
19 American Music Club - Love Songs for Patriots (Merge)
Le grand retour de la bande à Mark Eitzel après un long hiatus d'une dizaine d'années et la preuve que ce dernier n'a pas perdu la main. C'est du grand songwriting avec une description à la fois désabusée et complexe de l'Amerique post-11 Septembre. Certains morceaux sont très dissonants tandis que d'autres adoptent une approche + douce mais c'est toujours du slowcore sombre et mélodique comme on l'aime.
18 The Wind-Up Bird - Whips (Music Fellowship)
Il s'agit d' un album concept sur la fin d'une relation amoureuse scindé en 2 mouvements : "Sorry That I've Become This Monster" & "I Love You a Lot". Chaque mot de ces 2 phrases donnent lieu à un morceau différent mais tout s'emboite parfaitement pour donner à l'ensemble une très grande cohésion. Pour ce qui est de la musique, elle est à la fois organique et électronique et balaie habilement un spectre assez large de styles puisque, tour à tour, on pense à Aarktica, Dirty Three, One Mile North, Windy & Carl et même Whitehouse le temps de 'This' où un simple message enregistré sur un répondeur se transforme en une vague noisy menaçante. Emotionnel!
17 Sagor & Swing - Orgelplaneten (Häpna)
Avant ce 'Orgelplaneten', les suédois Eric Malmberg (orgue Hammond) et Ulf Möller (batterie) avaient sorti 3 albums instrumentaux mélancoliques au charme atemporel qui évoquaient de superbe façon les forêts nordiques. Ici, ils ont décidé d'étoffer leur son en employant un synthé Moog, un accordéon et plein d'effets electro naïfs dignes de Jean-Jacques Perrey. Leurs morceaux bougent beaucoup + que par le passé et assument complétement un certain côté kitsch assez savoureux. Apparement, ils auraient décidé de faire de ce 4ème opus leur dernier. Dommage!
16 The Ex - Turn (Touch & Go)
The Ex est un peu l'équivalent batave d'un groupe comme The Fall pour ce qui est de la longévité militante sans concessions mais le punk-rock des hollandais est infiniment + ouvert et posséde beaucoup d'accointances avec la scéne free et les musiques du monde. Les 14 compos de 'Turn' ont été peaufinées sur scéne et contiennent le lot habituel de guitares dissonantes, de rythmiques entêtantes inspirées par la musique africaine, de passages improvisées et de textes virulents. Je dis "habituel" comme si réaliser ce genre d'albums années après années était facile alors que The Ex est sans doute le seul groupe de rock qui y parvienne si bien.
15 Japancakes - Waking Hours (Warm Electronic)
Au premier abord, ce groupe originaire d'Athens joue un post-rock qui s'apparente clairement à du papier-peint sonore. C'est bien simple: le disque tourne dans la platine et c'est à peine si l'on y prête attention tant tout semble y couler de source comme au ralenti et invite à la langueur. 'Waking Hours' est une sorte de road-movie sonore à la beauté simple, lumineuse et attachante qui atteint presque malgré lui une sorte de transcendance qu'il serait vain d'expliquer. Un peu l'équivalent à la musique du film de Lynch 'Une histoire vraie'. Rare et précieux!
14 Seu Jorge - Cru (Naïve)
A moins d'être complétement insensible aux charmes de la musique brésilienne, impossible de ne pas rejoindre tous ceux qui chantent déjà les louanges de cet artiste complet déjà remarqué pour son rôle dans 'La cité de Dieu'. Il excelle déjà dans les registres classiques de la samba ou de la bossa mais se montre capable de surprendre avec des reprises improbables de Gainsbourg (Chatterton) et d'Elvis (Don't). Pour ceux qui bouderaient encore leur plaisir, le frisson est garanti à l'écoute de morceaux comme 'Sao gonça' et 'Bola de meia' où le musicien se livre complétement dans un style très dépouillé.
13 Atomic/School Days - Nuclear Assembly Hall (Okka Disk)
C'est un euphémisme de dire que le saxophoniste américain Ken Vandermark est prolifique. Ontre son fameux Vandermark 5, il participe à un nombre considérable de projets qui le voit souvent collaborer avec la fine fleur du jazz scandinave. Cette collaboration entre son groupe School Days et le combo nordique Atomic n'est donc pas surprenante. Les neufs compos originales de ce double album sont tous d'une intensité remarquable et le plaisir que prennent les 8 musiciens ici réunis à jouer ensemble est très communicatif. Le programme très varié (swing, ballades, passages + cacophoniques et pêchus etc.) se prête à de multiples découvertes et écoutes répétées.
12 Junior Boys - Last Exit (Kin UK)
On n'avait plus entendu de dance mélancolique aussi élégante depuis les meilleurs New Order et Pet Shop Boys. 'Last Exit' peut paraître aux esprits chagrins très basique et n'offrir qu'une version liftée (en l'occurence Timbalandisé) de la vague synthé-pop des années 80. Mais, dès qu'on se donne la peine d'écouter attentivement ce disque, on réalise très vite qu'en réalité la musique de ces canadiens est extraordinairement subtile. Aucun beat, aucune note n'est de trop. Il suffit d'écouter un morceau comme 'Teach Me How to Fight' pour s'en rendre compte. Un futur classique!
11 Coil - Black Antlers CDR (Threshold House)
Ce CDR est en fait l'enregistrement d'un "work in progress" destiné à déboucher sur l'enregistrement d'un album studio digne de succéder aux 2 volumes de 'Musick to Play in the Dark'. Six morceaux qui poursuivent de fort belle manière les périgrinations du duo dans le domaine de l'electronica et qui n'en sont que plus émouvants à la lueur des tristes événements de Novembre dernier. On peut y écouter une reprise mélancolique du 'All the Pretty Little Horses' de Current 93 ainsi qu'une nouvelle version de leur classique 'Teenage Lightning'. On sent que l'ensemble aurait pu bénéficier d'une production + aboutie mais il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit que d'une étape même si les idées de base sont déjà drôlement intéressantes.
10 Akira Rabelais - Spellewauerynsherde (Samahdisound)
L'américain est le grand spécialiste des projets pouvant paraître horriblement théoriques et arty sur le papier mais qui se révèlent tout simplement très beaux et passionnants à l'écoute. Ici, il passe à la moulinette de son fameux logiciel 'Argeiphontes Lyre' des choeurs féminins islandais traditionnels. Les voix sont considérablement traitées et semblent flotter comme dans un rêve entre des drones ou des notes de piano sans perdre pour autant leur forte dimension émotionnelle et spirituelle. Casque obligatoire!
09 Charlie Parr - King Earl (Misplaced Music)
Les 13 morceaux que nous livre ce musicien basé à Duluth sont autant de perles de delta blues convoquant les fantomes de ces + glorieux représentants (Robert Johnson, Mississippi John Hurt, Charley Patton etc.). Le plus important étant que cet album ne sonne pas comme un simple hommage plein de révérence. On sent au contraire un Charlie Parr complétement habité s'appropriant complétement ce répertoire essentiel pour démontrer de manière éclantante son atemporalité. Les passages les + folk de 'King Earl' font aussi beaucoup penser à d'autres illustres guitaristes comme John Fahey ou Leo Kottke qui ont du visiblement beaucoup le marquer.
08 Edward Ka-Spel - Pieces of 8 (Beta-Lactam Ring)
Le leader des Legendary Pink Dots est très prolifique aussi bien au sein de son groupe (qui a d'ailleurs sorti deux albums cette année) qu'en solo. Le probléme de la plupart des albums de Ka-Spel, c'est qu'ils contiennent toujours de bonnes idées sans trop de relations entre elles. Mais ce 'Pieces of 8' est au contraire à la fois très inspiré et d'une rare cohérence. Il y atteint pour la 1ère fois depuis son 'Chyekk China Doll' de 1986 le juste équilibre entre chansons electro-pop psychédéliques et passages + ambient et dronesques. 'Pieces of 8' illustre donc à merveille le talent unique de Ka-Spel à la fois en matière de songwriting et de musique atmosphérique de qualité. A noter aussi l'emploi habituel et délibéré chez lui de sonorités très synthétiques qui le distingue de tout le mouvement 'laptop & glitch'.
07 John Vanderslice - Cellar Door (Barsuk)
Toutes les critiques de cet album vont dans le même sens: John Vanderslice est un producteur génial qui a réussi à inventer un son totalement unique qu'il a lui-même baptisé "sloppy hi-fi". Et, en effet, ce qui frappe d'abord à l'écoute de ce 'Cellar Door', c'est qu'il s'agit d'abord du travail d'un pur magicien du son qui a du nécessiter pas moins de 400 heures de studio. A partir de là, il y a 2 camps. Les 1ers pensent que cette production fagocite complétement toutes ses compos ou contribue à masquer leur relative faiblesse. Les 2nds (dont je fais partie) trouvent au contraire que Vanderslice est aussi un très grand songwriter et un fin mélodiste. Qui plus est, il interpréte chaque morceau avec une sincérité et une urgence toute particulière. N'en jetez plus!
06 Karate - Pockets (Southern)
Groupe d'emo-rock parmi tant d'autres à ses débuts, Karate s'est maintenant forgé depuis 'Unsolved' une identité propre et un son caractéristique lorgnant vers le jazz-rock et le blues qui fait qu'on les reconnait à coup sûr dès les premières notes de ce 'Pockets'. Pourtant, leurs nouvelles compos se font cette fois + concises et présentent des structures + traditionnelles que sur leur magnifiques sorties de de 2002 'Some Boots' et 'Cancel/sing EP'.Il y a heureusement toujours de la place pour leurs fameux solos qui montrent que - contrairement à ce que beaucoup disent - technique et émotion n'ont aucune raison de s'opposer en musique. A part ça rien à signaler: section rythmique hors-paire, tension et sensualité omniprésentes et apothéose finale avec un Concrete épique et magistral.
05 Carina Round - The Disconnection (Interscope)
Le disque démarre: cette batterie, cette voix.... pfff... encore une qui se prend pour PJ Harvey et qui essaie de nous refaire le coup de 'Rid of Me' dix ans après. Alors, Carina Round = vulgaire clone de PJ Harvey ?
En fait pas du tout:
* Sa voix riche en modulations diverses et envolées lyriques la rapprochent davantage de Jeff Buckley ou de Beth Gibbons.
* Si pas mal de ses compos les + rock ont des bases communes avec celles de PJ Harvey, les musiciens qui accompagnent Carina Round sont bien + expressifs et les morceaux évoluent et progressent au lieu de faire du sur-place comme trop souvent chez PJ ces derniers temps.
* Il y a aussi une paire de morceaux au charme + cotonneux dans un registre à la Morcheeba.
Carina Round posséde donc un talent unique et allie rage et sensualité comme personne!
04 Jenny Scheinman - Shalagaster (Tzadik)
Jenny Scheinman joue du violon et qualifie elle-même sa musique de "modern folk jazz". Derrière cette étiquette un peu réductrice se cache une volonté de conjuguer les influences respectives de la musique klezmer, de la musique du chambre et des folklores américains, celtiques ou même d'Amerique du Sud. Son style à la fois lyrique et passionné est impressionnant. Sans parler des musiciens qui l'accompagnent (Myra Melford, Russ Johnson, Trevor Dunn & Kenny Wollesen ) tous au meilleur de leur forme. 'Shalagaster' tour à tour séduit, amuse, émeut et émerveille. Du grand art!
03 Rammellzee - Bi-Conicals of the Rammellzee (Gomma)
Rammellzee est une figure légendaire dans le milieu du hiphop. Il est notamment à l'origine de ce qu'on a appelé l'art de la rue via le grafitti et a enregistré avec Jean Michel Basquiat et K-Rob l'un des morceaux les plus mythiques de l'histoire du rap: 'Beat Bop'.
Epaulé par une troupe de jeunes producteurs talentueux, il nous revient avec un album survitaminé à la fois très agressif et funky. D'abord, il y a son flow qui peut déstabiliser et qui me rappelle beaucoup Jello Biafra chez Coldcut par son côté punk plein d'emphase. Ensuite, il y a les instrus très electro-indus d'une redoutable efficacité plein de samples estampillés années 80. C'est un album qui résume tout ce que le hiphop a apporté à la musique ces 20 dernières années.
02 Sharron Kraus - Songs of Love & Loss (Camera Obscura)
Sharron Kraus se situe en plein dans la tradition du folk traditionnel britannique à la Shirley Collins. Et si, ces dernières années, beaucoup d'artistes comme David Tibet, Richard Youngs ou Alasdair Roberts ont chacun à leur façon revisiter ce répertoire et ces ambiances atemporelles, c'est sans doute Sharron Kraus qui parvient le mieux à recréer ce mélange de candeur, d'élégance et de gravité qui faisait le génie de Shirley Collins. Son instrument de prédilection est le banjo et que ce soit dans un registre simple et dépouillé ou dans des ambiances + médiévales, sa voix de cristal fait mouche. 'Songs of Love & Loss' est donc vivement conseillé à tous ceux qui apprécient les artistes cités ici ainsi qu'aux amateurs de Nick Drake. Certains compositions comme 'Song & Dance of the Bees' ou 'Impasse' me font en effet beaucoup penser à 'Fives Leaves Left'.
01 Todd Rundgren - Liars (Sanctuary)
L'OVNI musical de l'année: le retour surprise d'une icone de la pop 30 ans après les albums qui ont fait sa renommée. 'Liars' est un album de pop synthétique iconoclaste entiérement enregistré et produit par le seul Rundgren dans son studio à Hawaii. Dans le + pur style de l'album concept, chaque morceau est pour lui l'occasion de stigmatiser la façon dont le mensonge est omniprésent dans notre société. Je ne m'attarderai même pas sur la rare intelligence des textes... Au niveau musical, 'Liars' est souvent génialement anachronique et le fait est que la quasi-intégralité des musiciens actuels refuseraient même sous la contrainte d'utiliser le dixième des sonorités ultra synthétiques et (donc) datées dont use et abuse ce 'Liars'. C'est que Rundgren se moque pas mal des convenances et des modes musicales et posséde - outre son talent d'écriture - un goût démesuré pour la provocation. De toute façon, peu importe l'habillage quand un artiste affiche une telle maîtrise des canons de la pop. Au final, un cd exceptionnel à plus d'un titre sur lequel flotte paradoxalement un esprit très rock n'roll et qui ne s'apprivoise pas si facilement. Impressionnant!