Les négociations n'étaient pas encore finies cette nuit à Los Angeles que la branche Est de la Writers' Guild of America (WGA) a lancé la grève à minuit une (heure locale Côte Est). En particulier, les new-yorkais couche-tard ou lève-tôt ont pu voir les piquets de grève se mettre en place devant le Rockfeller Plaza à New York, siège d'NBC.
Pourtant des vagues d'espoir circulaient en ce dimanche alors que les négociations avaient repris à 10h (heure locale en Californie). A 21h30, les producteurs et les scénaristes ont arrêté les négociations, n'ayant pas réussi à trouver un terrain d'entente. La branche Ouest de la WGA a donc emboîté le pas à la WGA Est et débrayé. Les piquets de grève fleurissent un peu partout devant les studios à Los Angeles. La WGA organise peu à peu la grève avec des roulements par tranche de 4 heures, les piquets étant en place de 9h à 17h.
Le but avéré de la WGA est de faire très mal et très vite pour que la grève soit efficace. En 1988, dernière grève marquante de la WGA, le manque à gagner sur 22 semaines de grève a été estimé à 500 millions de dollars pour la ville de Los Angeles. On peut imaginer qu'une grève qui durerait même 2 mois verrait ce manque à gagner décupler.
Quels sont les points qui bloquent :
- les droits résiduels sur les ventes de DVD :
Les scénaristes touchent 0,3% par vente lorsque cela ne dépasse pas 1 million de dollars de revenus, au-delà, ils touchent 0,36%. Cela veut dire que les scénaristes touchent environ 5 cents par vente (environ 3 centimes d'euros).
Les scénaristes voulaient donc une revalorisation du pourcentage. Pour essayer de débloquer la situation, ils ont abandonné la demande d'augmentation en-dessous de 1 million de dollars mais demandaient toujours un meilleur retour au-delà.
- les droits résiduels sur les nouveaux supports de distribution :
A l'heure actuelle, les scénaristes ne touchent absolument rien sur les diffusions sur internet par streaming lorsque la diffusion est gratuite (financée par la pub). Ils reçoivent les mêmes sommes que pour les DVD lorsque la diffusion est payante or la diffusion gratuite est beaucoup plus généralisée que la diffusion payante.
- Juridiction :
Le contrat de base ne s'applique qu'au travail effectué dans un cadre traditionnel. Il ne couvre donc pas le contenu créé spécifiquement pour la toile ou tout autre cadre dit non traditionnel. Les scénaristes veulent que le contrat de base s'applique à tout contenu quelque soit son mode de distribution.
Les conséquences immédiates :
Tous les
Late Night (David Letterman, Jay Leno, Conan O'Brien,
The Daily Show with Jon Stewart, the Colbert Report), toute chaîne confondue, passent en mode rediffusion dès aujourd'hui puisqu'en règle générale l'écriture se fait le jour même de la diffusion.
En ce qui concerne les séries, selon la production, certaines sont plus avancées que d'autres ; le LA Times a publié
une liste non exhaustive de l'état d'avancement de certaines séries. En moyenne, les chaînes ont 5 ou 6 épisodes en boîte. La grève empêchera la ré-écriture des scénarii et donc il est peu probable que beaucoup d'épisodes soient tournés à partir d'aujourd'hui. En particulier, les sitcoms qui sont tournées en public et qui sont ré-écrites en fonction de la réponse de ce dernier seront touchées les premières.
Si la grève est mauvaise pour les studios américains, elle profitera au marché international. Les autres pays sont en embuscade ; Bollywood n'attend que ça, pareil pour l'Asie surtout du côté des films.
Aux Etats-Unis, si la grève durait, les programmes scriptés seraient remplacés par de l'info et des programmes de télé-réalité. En dernier ressort, les chaînes pourront diffuser des fictions étrangères, ce qui ne serait que positif pour des pays comme la Grande-Bretagne.
On rappellera que pour les français, les effets de la grève ne se verront pas ou peu. Seule la distribution en VOD par TF1 de la saison 2 de
Heroes pourrait être touchée si la grève perdure.
Si tant est que certains se plaindraient de la grève parce qu'égoïstement, ils ne penseraient qu'au simple fait d'être privé de leurs séries ou du prochain film de Roman Polanski, il faut garder à l'esprit que sans les scénaristes, il n'y aurait pas de fiction, ils en sont le coeur et parfois la locomotive. Leurs demandes sont loins d'être irraisonnables et ils méritent le soutien de tous ceux qui aiment l'audiovisuel.