Critique des meilleures nouvelles séries télé (et des autres)
Regarde critique sur les séries TV actuelles

Battlestar Galactica - Crimes contre l’humanité, génocide, et autres horreurs

A Measure of Salvation: Anticorps et corps à corps

Par Feyrtys, le 18 novembre 2006
Publié le
18 novembre 2006
Saison 3
Episode 7
Facebook Twitter
Un épisode très léger et facile à regarder : on passe de scènes de torture à des scènes de discussion sur le thème du génocide et de l’utilisation d’une arme biologique. Un peu comme un jour d’été à la plage avec glace à la pistache et spectacle de marionnettes, en somme.

Sont pénibles ces créateurs, ces producteurs, ces auteurs, à vouloir nous demander de réfléchir à la question du génocide et du crime contre l’humanité... C’est vrai quoi, après il faut dire plein de trucs intelligents à ce propos, et dire des trucs intelligents, ça demande quand même de l’être un tout petit peu...

Néanmoins, et c’est là que BSG est une série géniale, on n’est pas obligé de répondre aux questions qu’elle soulève ! Pour la peine, je vais me contenter de résumer les différentes positions prises par les personnages principaux de cet épisode.

Lee « Nuke ‘em, nuke ‘em » Adama

La première position, la plus basique dirons-nous, est celle d’Apollo. C’est un militaire, et il pense en militaire. Pour lui, détruire les cylons est une façon de prendre sa revanche. C’est d’ailleurs lui qui imagine un plan pour utiliser le virus dans le but de commettre un génocide. Le plan est certes un peu bancal (qui nous dit que les cylons ne réussiront pas à créer un vaccin ?) mais il peut grandement affaiblir les cylons pour un temps et leur faire peur. Lee ne voit aucune objection au fait d’utiliser une arme biologique pour frapper les cylons et commettre un génocide.

Karl « ONU » Agathon

La deuxième position est celle d’Helo. On avait un peu oublié le brave Helo depuis son retour de Paprika avec Sharon et son bébé. Je choisis « brave » comme adjectif, parce que ça s’applique bien à Helo. Ce personnage est toujours apparu comme quelqu’un de brave, de gentil, presque inoffensif. Mais on oublie qu’Helo est le premier être humain, suivi par Adama et Baltar (je pense que le vrai lien se développe bien plus tard pour Baltar, lorsqu’il rencontre la N°6 sur le Pegasus), a avoir crée une relation unique avec un cylon. Une relation basée sur le respect et non sur la peur ou la méfiance. Helo est un mec bien, il aime sa femme, la récemment surnommée Athéna (pas du tout prétentieux comme pseudo), et il a bon cœur. Dans cet épisode, il prend un peu plus d’ampleur, et quelle ampleur !
Helo est le premier à s’élever contre l’idée d’un génocide envers les cylons. Son argument principal : ce serait un crime contre l’humanité. Paradoxal si l’on considère les cylons comme des toasters sophistiqués... Mais logique si on les considère comme des êtres doués de conscience et de libre arbitre. Sont-ils humains ? Peut-être pas. Est-ce une raison pour les balayer de l’univers ? Peut-être pas non plus... Helo pense que recourir au génocide grâce à la découverte de ce virus serait faire preuve d’inhumanité... Et entacherait, en quelque sorte, leur âme. J’avoue que je serais encline à penser la même chose que lui... Même si je ne suis pas encore convaincue qu’on puisse considérer les cylons comme des êtres humains. Mais je ne peux plus les appeler « toasters » ou « robots ». Ils sont bien plus que ça.

William « Luther King » Adama

Il représente la troisième position dans ce débat, et semble d’accord avec son XO, mais refuse de prendre parti. Il remet immédiatement à Laura le soin de prendre cette décision. La question du génocide et de l’utilisation, ou non, d’une arme biologique pour détruire la race des cylons, n’est pas une question militaire, comme il le dit très justement Adama. C’est une question qui doit être politique, parce qu’elle implique le peuple, et pas seulement les soldats. Les hommes et les cylons ont beau être en guerre (enfin, l’un fuit et l’autre poursuit), le recours à une arme biologique (le virus trouvé sur la balise laissée par la Treizième Colonie) est un choix qui doit être pris par la Présidente, non pas en tant que Chef des Armées, mais en tant que représentante de l’humanité.
On sait qu’il soutiendra la Présidente quoiqu’il arrive, mais il ne souhaite pas émettre d’avis définitif. Je pense qu’Adama est partagé entre son rôle d’amiral et l’influence que son père, avocat des droits de l’Homme, a eu dans sa vie et dans l’homme qu’il est devenu. Adama a toujours réussi à concilier les deux jusque là, restant autoritaire et juste, mais la question du génocide soulève une contradiction. On ne peut être un militaire et passer à côté de l’opportunité de donner un coup fatidique à son adversaire, surtout avec le rapport de force actuel. Mais on ne peut être un humaniste et accepter de participer à un génocide...
A la fin de l’épisode, Adama confie à Laura :
« If we commit genocide, it will be a stain on our shield. »
« Si nous commettons un génocide, notre bouclier sera tâché. »
Cette phrase est en réalité une citation de John Ford, phénoménal réalisateur de western (L’Homme qui tua Liberty Valence est mon préféré), à propos du génocide dont les Indiens d’Amérique ont été victimes. Cette citation (recueillie lors d’une interview) a très longtemps marqué Ron D. Moore et il a tenu à la donner à Adama dans cet épisode, ce qui je trouve colle parfaitement bien au personnage.
Je ne peux m’empêcher de penser que son opinion aurait pu être différente au lendemain de l’attaque cylon, quand Adama n’avait pas encore traversé toutes les épreuves qu’il a rencontrées et quand il n’avait pas encore développé de lien avec Sharon... Il est facile pour Lee de vouloir annihiler les cylons. Il est facile pour Laura de décider que les cylons ne sont que des robots belliqueux. C’est beaucoup plus dur pour Helo et pour Adama, qui ont construit un vrai respect mutuel avec l’un des modèles. L’argument d’Helo - « Sharon a développé un caractère propre, elle s’est rebellée contre les siens, rien ne prouve que d’autres cylons ne sont pas comme elle à l’heure actuelle » - est tout à fait recevable. Tous les cylons ne sont pas a priori des machines de guerre dont le seul but est d’anéantir la race humaine. Certains ont des pensées propres, des caractères différents. Il ne faut pas oublier que les cylons sont relativement « jeunes », ils existent depuis peu et sont comme des enfants qui expérimentent la vie et se posent peu de questions existentielles. Ils ont encore le temps d’évoluer, d’acquérir une certaine autonomie les uns par rapport aux autres (et entre même modèle). Dans cette optique, il est difficile de les réduire à des robots formatés pour penser et pour agir d’une seule et unique façon...

Sharon « I’m not a cylon, I’m a free woman » Agathon

D’ailleurs, quel est le point de vue de Sharon à propos de cette opportunité de détruire la race des cylons ?
Curieusement, ce n’est pas elle qui fera tout pour empêcher le plan d’aboutir. Sa loyauté va à présent vers le Galactica et surtout, à mon avis, vers Adama. Elle n’est plus une cylonne, elle n’est pas encore un être humain, mais elle est le Lieutenant Athéna, elle fait partie de la flotte au même titre que n’importe qui d’autre (sous-entendu : au même titre que n’importe quel être humain, et c’est une comparaison primordiale pour elle). En ne prenant pas part au sabotage du plan de Lee, elle montre qu’elle se considère davantage comme une humaine que comme une cylonne...

Laura « No Mercy » Roslin

La Présidente reste fidèle à elle-même : la survie de l’humanité est plus importante que tout. De la même façon qu’elle avait tenté de truquer les dernières élections « pour le bien du peuple », Laura est bien décidée à recourir à des mesures extrêmes pour s’assurer de la survie de tous. Même si, pour cela, elle peut y perdre son âme, et entacher celle de l’humanité entière comme le soulignent Helo et Adama. Laura reste la femme impitoyable qu’elle est depuis le début. A ce titre, elle est une adversaire bien plus féroce qu’Adama, qui montre une certaine magnanimité envers ses ennemis (magnanimité qu’il n’a absolument pas quand il s’agit de sa famille et ses amis, ce qui est assez contradictoire quand on y pense). Roslin est sans merci et elle le prouve encore une fois.

Cinq avis différents, et une seule issue : Laura décide de mener le plan d’Apollo, Helo se charge de le saboter pour défendre ses idées et Adama préfèrera passer l’éponge sur les agissements de son XO...

Finalement, la menace bactériologique n’aura pas duré très longtemps... Mais qui sait, elle pourrait bien faire un comeback au bon moment, par exemple, une fois que les cylons voudront envahir la Terre ! J’aime assez cette idée que l’on découvre des faiblesses dans le « système » cylon au fur et à mesure des épisodes. Il y avait les mystérieuses radiations de la mini-série, dont on n’a plus entendues parler ensuite (dommage), il y a eu Caprica Six et Boomer, maintenant le virus...

Et n’oublions pas l’élément manquant que cherchent apparemment tous les cylons : l’amour. Je ne sais pas exactement si c’est une faiblesse (d’un point de vue militaire, certainement), mais en tout cas, ils semblent tous en proie à un manque crucial d’amour. Et l’implacable D’Anna succombe à son tour.
Alors qu’elle le torture (pour obtenir des informations sur sa trahison supposée), Baltar est aidé par des visions de Chip Six, le modèle présent dans son imagination depuis le début de la série. Chip Six (ou la projection de Six que le cerveau prolifique et obsédé de Baltar a crée) se démène pour soulager la souffrance de Gaius : elle lui fait l’amour pendant que D’Anna le torture... Si c’est pas un peu masochiste tout ça !! Surtout qu’au moment où la douleur est insupportable, Baltar semble très proche de la jouissance et il crie littéralement son amour pour N°6. Les scènes mettent assez mal à l’aise ; la torture c’est jamais drôle, mais alors quand on les mélange avec des scènes de sexe assez explicites - pour du Sci-Fi - on joue avec notre esprit aussi bien qu’avec celui de Baltar ! Le résultat est intéressant : D’Anna est bouleversée par cette déclaration de Baltar...

Le tout forme un épisode plutôt réussi, qui soulève des questions justes, pertinentes et dans la lignée des personnages. Il y a quelques raccourcis dans la narration (l’aveu de Simon, trop rapide), des incohérences ennuyeuses (Helo, le XO d’Adama, n’est pas là au moment crucial de l’attaque, trop occupé à saboter le plan), mais dans l’ensemble, c’est un épisode qui fait avancer l’histoire et certains de ses personnages. Adama et Roslin comprennent qu’ils sont sur la bonne voie pour trouver la Terre ; Helo gagne en profondeur ; Sharon gagne en humanité et D’Anna en complexité.

Feyrtys
P.S. En plus, ils ont coupé toutes les scènes de Starbuck au montage ! Yay !