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Better Call Saul - Retour sur la genèse mouvementée des aventures de Saul Goodman

En Attendant la Saison 2: Better Call Saul : Genisys

Par Nico, le 14 février 2016
Par Nico
Publié le
14 février 2016
Saison 2
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Puisque les scènes pré-génériques de Tu Ferais Mieux d’Appeler Saul aiment voyager dans le temps, la rédaction de pErDUSA vous propose de faire la même chose. Pour raconter comment est née la série.

Vous connaissez l’histoire de la comédie qui devait mettre en scène un avocat entouré de gens dingos et qui est devenu le spin-off prequel plutôt dramatique d’une série très noire ?

Cette question pourrait gagner un prix au Festival des Intitulés de Blagues Trop Longs. Elle résume surtout le caractère bien particulier de Better Call Saul. Pour la façon dont la série a vu le jour mais aussi la façon dont elle a été développée. Et se développe encore.

A l’origine, Better Call Saul est une boutade. Une blague de scénaristes aux cerveaux en surchauffe dans une writers room américaine, celle de Breaking Bad.
Si le projet Better Call Saul commence à filtrer dans les médias en juillet 2012, il est dans l’air depuis un bon moment. Mais c’est avec le lancement de la saison 5 des aventures de Walter White sur AMC que Vince Gilligan, créateur de la série de passage au San Diego Comic-Con, commence à en parler.

Le projet est encore une ébauche, l’annonce elle-même est vague. Tout juste Gilligan glisse-t-il qu’il aime l’idée d’une série d’avocats dans laquelle le personnage principal fait tout pour rester hors du tribunal, y compris négocier sur les marches du palais de justice. (Merci Deadline et le Wikipédia américain.)

Breaking Burbank

Quand l’idée a vraiment germé dans les esprits de Gilligan et Gould ? Impossible de le savoir avec précision.

« C’était plus qu’une blague qu’autre chose, à l’origine. Et puis, je me suis mis à la prendre au sérieux sans la prendre au sérieux », explique Gould en 2015, dans un numéro du Nerdist Writers Panel contemporain au lancement de Better Call Saul.

Il poursuit : « Nos bureaux sont dans ce qui est sans doute l’immeuble le plus moche de Burbank. Tout en travaillant sur ce qui seraient les derniers épisodes de Breaking Bad et avions pris l’habitude, Vince et moi, de faire des balades dans le coin. Nous buvions des bières en se demandant ce que pourrait être la série ».

Le brainstorming s’avère intense, complexe. Peter Gould, qui considère que l’épisode d’introduction de Saul Goodman dans Breaking Bad (en saison 2) a été « le plus difficile à écrire de toute la série » se retrouve face aux mêmes problèmes. Quel est le bon ton à adopter ? Mais aussi : que doit raconter cette série ? Ces questions tournent en boucle dans sa tête et celle de Vince Gilligan.

Saul au Monde

Les deux scénaristes adorent écrire pour ce personnage haut en couleur. La première idée est donc d’imaginer une comédie, format 30 minutes filmée en single caméra. Gould et Gilligan lorgnent alors vers une série animée de la FOX : Dr Katz, diffusée sur Série Club à la fin des années 90. Ils imaginent un Saul Goodman très Breaking Badien aux prises avec des clients plus déjantés les uns que les autres et qui essaie de les aider à obtenir ce qu’ils veulent.

Dans un entretien avec Alan Sepinwall, Gilligan parle de cette époque de développement. Il évoque l’idée de voir un personnage joué par Sarah Silverman débarquer dans son bureau et annoncer « Je veux tuer mon mari, comment est-ce que je peux m’en sortir légalement ? ».

« Nous avons essayé toutes les permutations possibles. J’ai commencé à devenir inquiet. Je me suis demandé : A quoi est-ce que ça va bien pouvoir ressembler ? Est-ce que l’on a vraiment une série avec ça ? ».

Pour Shonda Rhimes, la réponse est oui. Pas pour Gould et Gilligan. Qui décident de remettre les choses à plat. En juillet 2013, AMC a donné son feu vert pour lancer le développement du projet. Or, Gilligan annonce à The Wrap que la question du format de la série n’est pas encore tranchée.

Une commande contre la montre ?

Dans son introduction à la saison 2 / bilan de la saison 1, Ju met le doigt sur le caractère opportuniste de la chaîne à se lancer dans la création d’un spin-off de Breaking Bad. [1]
Ce que des propos de Gould au Nerdist Writers Panel tendent à confirmer.

« Ça faisait un peu bizarre de voir des compagnies (AMC et Sony, NDLR) être intéressées par ce que tu prévois de faire après la série sur laquelle tu travailles et qui veulent rapidement en savoir plus. D’habitude, tu travailles dans ton coin, tu prépares toute une présentation… pas cette fois ». Là, la demande semble avoir talonné l’offre. Quand elle ne l’a pas bousculé.

Alors que Better Call Saul est encore en gestation, Netflix, WGN America et FX se mettent sur les rangs pour produire la série. Ce qui fait l’objet d’un très intéressant article du Hollywood Reporter.

A la fin de l’été 2013, la chaîne qui a lancé Les Morts Qui Marchent (et Crains Les Morts qui Marchent, mais aussi Messieurs Maboule) entre en action. Elle commande une première saison en profitant d’une fenêtre de négociations privilégiées avec le studio… juste avant que les volets ne se referment.

La comédie qui devient un drama et grandit comme une sitcom

Au même moment, Gilligan et Gould annoncent que la série sera finalement un drama d’une heure. Une décision prise après que les scénaristes ont passé un long moment à se focaliser sur leur personnage central.

« Nous sommes revenus à Saul, à la façon dont cela pouvait devenir un vrai personnage dramatique », explique Peter Gould, toujours et encore au Nerdist Writers Panel. « Nous aimions ce personnage comme nous aimions écrire pour Bob, "S’il semble heureux d’être ce qu’il est, où est le drama dans tout ça ?". Si vous pensez à un personnage plutôt heureux, qui a un problème ? Et pourquoi, dans ce cas, ce n’est pas lui le héros de l’histoire ? ».

Voilà comment, lentement mais sûrement, les deux créateurs de la série vont revenir à ce qu’ils savent faire. Développer un profil dramatique fort et écrire au rythme du drama. Il serait pourtant faux de croire que la première étape n’a servi à rien.

Il est même raisonnable de penser que les scénaristes de Better Call Saul se sont approprié le ton de la série en avançant, un peu comme ce qu’on voit dans une sitcom. Cela ne veut pas dire que le propos du programme, la direction empruntée par ses auteurs, n’était pas définie. Mais il a fallu au moins cinq épisodes en saison 1 pour que le show donne sa pleine mesure et n’alterne plus séquences réussies et moments plus… « interrogeants  ».

Aventure prolongée pour Vince Gilligan

Peter Gould et Vince Gilligan

Ce work in progress paraît avoir été aussi stimulant qu’exigeants pour les scénaristes de la série, littéralement happés par l’aventure. C’est en tout cas vrai pour Vince Gilligan qui avait, à l’origine, prévu de se désengager progressivement du projet.

« Peter et moi étions à 50/50 sur la création de la série mais j’avais prévu de me détacher graduellement de la production », raconte Gilligan à Deadline. « Peter sait gérer la production d’une série et j’aurais sans doute envie de faire autre chose un peu plus tard mais (la saison 1) a été une expérience tellement gratifiante créativement que j’ai voulu continuer encore un peu ».

Encore un peu, c’est la saison 2. Suivant l’évolution de ce projet résolument protéiforme, rien ne dit que ce ne sera pas un peu (ou beaucoup) plus.

Nico
Notes

[1C’est très dur de trouver une version française amusante à ce titre. A part "Triple Facture", moi, j’ai que dalle.