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Crazy Ex-Girlfriend - Crazy Ex-Girlfriend, saison 3, c’est parti

Josh’s Ex-Girlfriend Wants Revenge: How to Solve a Problem Like Rebecca ?

Par Conundrum, le 15 octobre 2017
Publié le
15 octobre 2017
Saison 3
Episode 1
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Crazy Ex-Girlfriend nous revient après une excellente deuxième saison, sous une forme un peu différente. Rebecca Bunch canalise son Emily Thorne et se dévoue entièrement à sa « Révenge » (parce que, comme elle le dit si bien « vengeance, on dirait le nom d’un fromage » [1]).

Et s’il s’agit d’une petite rupture avec la Rebecca sympathique des premières saisons, c’est l’évolution logique d’une Rebecca dont l’ampleur de l’instabilité a été révélée au téléspectateur dans le finale de la saison 2.

Rebecca a un côté naïf, voire enfantin dans sa manière d’établir ses relations avec les autres. La plupart de ses décisions sont prises pour de mauvaises raisons. Son mariage avec Josh était important, non pas parce qu’elle épousait l’homme qu’elle aimait, mais parce que pour elle, comme dans un conte, après un mariage, on vit heureux et on a beaucoup d’enfants. Il n’y a plus de problèmes, c’est une nouvelle vie qui s’ouvre à soi. C’est un peu comme un baptême, on renaît neuf avec un nouveau départ qui efface tout ce qui a précédé.
C’est tout ce que Rebecca voulait : ne pas régler ses problèmes mais simplement ne plus en avoir. Elle était à deux doigts d’y parvenir, d’obtenir ce pourquoi elle a travaillé durement pendant toutes ces années, et Josh, en annulant le mariage, lui a volé sa récompense. Et pour cela, elle doit se venger.

Evidemment, son raisonnement est faussé. Les problèmes ne disparaissent pas, on les confronte seul, avec ses proches ou un·e thérapeute et on cherche à les résoudre ou vivre avec. Rebecca refuse de se lancer sur cette route et se convainc qu’il y a une autre solution : un mariage avec un type avec qui elle a un fricoté quand elle était ado !

Même si son raisonnement est illogique et ne fait qu’aggraver son malheur, en cristallisant dans cet épisode ses problèmes sur Josh, pour une fois, elle ne se les retourne pas contre elle-même.
Oui, parce qu’il ne faut pas oublier que Josh est aussi en tort.

Certes, sa décision de rompre leur a permis d’éviter un désastre sur le long terme, mais lui demander sa main impliquait une responsabilité envers son bien-être et au minimum lui épargner la pire des ruptures au plus mauvais moment et au pire endroit.
Mais surtout, Josh n’aimait pas Rebecca, le mariage était une solution de facilité pour un type comme lui qui n’a pas envie de trop de se prendre la tête. Elle le vénère, elle aime le sexe, elle lui est dévouée, et l’aide quand il a des problèmes. Ce n’est pas la base d’une relation saine. Et si Josh s’était un peu plus impliqué dans cette relation, il aurait pu voir les problèmes de Rebecca. Pire encore, au lieu de s’expliquer avec Rebecca, il choisit de suivre une solution, la religion, parce qu’elle a eu du sens pour un de ses meilleurs amis.

Crazy Ex-Girlfriend a pour mérite de montrer des personnages complexes sous un prisme d’apparence léger et joyeux. Rebecca et Josh ont tous les deux leur part de son responsabilité du fiasco marital de la fin de la saison dernière, et si Rebecca part dans l’extrême, indépendamment de ses problèmes, sa colère est légitime. Mais cette légitimité est malheureusement perdue dans l’ampleur des troubles d’une Rebecca qui ne se soigne pas.

Dans Josh’s Ex-Girlfriend Wants Revenge, titre de ce season premiere, ses troubles et ses dysfonctionnements sont encore plus visibles. Elle cherche une nouvelle manière de gérer la réalité en se convaincant de devenir une femme froide et impitoyable. Elle continue à mentir sur son passé à une Donna qui gère très mal la trahison. Et même si la dernière scène de l’épisode joue sur l’humour, elle montre que Rebecca joue toujours un rôle devant ses amies. Ces dernières la soutiennent et sont prêtes à l’aider, mais Rebecca leur fait croire qu’elles ont réussi à la faire revenir à la raison.
Or, il s’agit d’un nouveau masque qu’elle porte devant elles.

Le dernier acte du finale de la saison 2 était très fort.
Un revisionnage de la série montre que tous les indices de la sévérité de l’état de Rebecca était sous nos yeux. La série commence par Rebecca qui arrête soudainement son traitement, qui passe par des moments de forte déprimes et qui, surtout, imagine des morceaux musicaux. Avec une série aussi pétillante et drôle que Crazy Ex-Girlfriend, on a tendance à ne pas prendre en compte l’importance de ces indices.
La série confronte aussi son public, en montrant les excès de Rebecca et son procès dans un flashback, elle s’adresse au public en lui disant « Vous saviez ! ».
Oui, on l’a vu prendre des médicaments, on l’a vu en traitement, et même si nous sommes attachés à elle, on regarde une personne en souffrance. Bien avant l’ère où tous les personnages principaux du câble étaient des anti-héros, cela rappelle assez étrangement l’avant dernier épisode de The Sopranos, où, par l’intermédiaire du Dr Melfi, on prend conscience que pendant six saisons, le public de la série a établit une relation et s’est identifié dans un sociopathe en connaissance de cause. Et que, pire, dans certains cas, le public, tout comme la Dr Melfi, l’a excusé, et l’a même un peu idéalisé.

Une série implique une identification avec son héros. La force de Crazy Ex-Girlfriend est que ce processus d’identification, car on a tous ressenti ou agit comme Rebecca au moins une fois dans sa vie, arrive avant son diagnostic. Crazy Ex-Girfiriend ne glorifie, ni ne stigmatise les troubles mentaux. La série met en scène les conséquences au quotidien, dont les insécurités familières au plus grand nombre liées une relation de couple complexe, une amitié compliquée, ou des problèmes familiaux...

Bien sûr, tout est exagéré dans la série mais cette identification avec une personne atteinte de troubles mentaux est importante.
Crazy Ex-Girlfriend, cette petite série musicale un peu girly de la CW, n’aura jamais le prestige de The Sopranos, le drama de la prestigieuse HBO qui fait plaisir aux vrais mecs, ceux qui pissent debout. C’est bien dommage, car c’est une série qui, dans son propos, est tout aussi intelligente et pertinente.

Mais, avec cette évolution vers une série où notre héroïne agit de manière plus sombre, un nouvel exercice se présente devant la série : comment garder cette ligne directrice où Rebecca ne s’aliène pas son public ? C’est la grande question à laquelle Josh’s Ex-Girlfriend Wants Revenge doit répondre.
L’épisode, écrit par les créatrices de la série, se présente comme un peu comme un nouveau pilote dans sa structure et son thème. Il commence par un grand numéro avec tous les personnages (à l’exception de Josh) qui a pour mérite d’expliquer le nouveau statu quo de la série et présente habilement les protagonistes de la série (étant donné la fonction de cette chanson, un générique aurait été superflu, il n’y en a donc pas dans cet épisode).
Malgré la fausse nouvelle noirceur de notre héroïne, Aline Brosh McKenna et Rachel Bloom réussissent à garder le public de son côté avec deux armes.

La première est bien évidemment l’humour. Si le côté scatologique de la première idée de vengeance de Rebecca peut nous perdre un peu, il est difficile de détester une Rebecca incapable de trouver une idée qui pourrait vraiment blesser Josh. Ses idées sont drôles (sauf celles des cupcakes spéciaux) mais surtout elles montrent que Rebecca n’est pas d’une nature odieuse ou mauvaise. Agir de la sorte lui demande des efforts. C’est Donna, plus habituée aux manigances et aux manipulations qui trouve un plan viable.
La seconde, plus subtile, est de montrer Rebecca se renfermer sur elle même et mentir à ses proches sur la gravité de son état, permettant ainsi d’inquiéter fortement un public qui est pris de sympathie pour son héroïne. C’est une ligne très fine sur laquelle les autrices naviguent avec brio.

Si Vincent Rodriguez III a quand un petit rôle dans cet épisode, Josh’s Ex-Girlfriend Wants Revenge a la bonne idée de nous épargner la présence de Josh cette semaine. Cela place Nathaniel en prétendant de Rebecca dans un habile retournement de situation, mais surtout cela laisse du temps pour une intrigue solide avec Darry. Il est souvent montré comme un personnage un peu passif à qui il arrive des choses. Le voir prendre les devants dans sa relation et s’affirmer sans l’essence du personnage ne soit trahie est un excellente manière de traiter ce personnage.
Autre jolie trouvaille de l’épisode : le tout petit échange entre Heather et Donna au cours duquel la première aide la seconde à trouver un sens à ses problèmes de couple. Voir Donna plus intégrée dans le cercle d’amies est agréable et illustre le fait que si Rebecca est la raison pour laquelle elles se connaissent, elles sont capables de toutes s’entraider et de ne pas être juste un soutien pour notre héroïne. Leur numéro Let’s Generalize About Men, dans une splendeur venue tout droit des années 80, montre que lorsque la série les met en avant, les quatre actrices de la série sont la véritable force motrice de la série.

Oui, après l’excellente évolution négociée après le départ de Greg et cet épisode sans Josh, je vais commencer à croire qu’elles ont raison, ils devraient tous dégager... les hommes de la série !

Conundrum
P.S. La semaine prochaine, notre beau Nico sera en charge d’assurer la critique du premier épisode de la série avec le nouveau générique.
Notes

[1"First, I asked myself, what type of revenge, or as the French say, révenge.
Actually, the French don’t say that, the word for revenge is vengeance, but that sounds like a cheese or something."