La route aura été longue pour Rebecca Bunch, cette saison. D’un mariage annulé à une audience au tribunal en passant par une tentative de suicide, l’héroïne de Crazy Ex-Girlfriend aura emmené le public de la série sur des chemins étonnants. Rythmés, inventifs et toujours drôles, ces 13 épisodes auront aussi été plus émouvants et plus sombres que les précédents. Ce que ce season finale rappelle avec force.
Nathaniel Is Irrelevant est, avec Trent ?!, l’autre face d’une même pièce. Après avoir manipulé Paula pour se sortir des griffes du dingo en col roulé, Rebecca se rend compte de la nécessité d’assumer ses actes pour changer.
Dans la dernière scène de l’épisode 12, cette prise de conscience était silencieuse. Au début de l’épisode 13, c’est en se refermant sur elle-même, en composant aussi avec sa part d’ombre, que Rebecca continue de parcourir la route qui l’amène à dire la vérité. Elle la doit à Nathaniel, à Josh… et à Paula.
Rebecca seule face à elle-même
La scène en question, qui intervient dans la salle de conférence du cabinet, est un exemple de ce qu’est Crazy Ex-Girlfriend. Elle combine le rythme, les répliques amusantes et l’émotion pour glisser vers un moment de vérité parfaitement servi par Donna Lynn Champlin (admirable tout au long de l’épisode) et Rachel Bloom.
Le point fort de Nathaniel Is Irrelevant est vraiment de montrer le caractère long et douloureux d’une démarche d’aveux. Faire face à soi-même, se mettre à nu, c’est prendre le risque de se retrouver seul. Et c’est exactement ce qui se passe dans l’épisode.
Habituée à prendre des chemins inattendus, la série fait revenir Trent juste après avoir laissé entendre que le Crazy Ex-Boyfriend lâchait l’affaire avec Rebecca. D’abord sous la forme d’un spectre qui poursuit l’héroïne. Puis en poussant l’idée beaucoup plus loin. Trent passe du statut de ce que Rebecca peut parfois être à ce qu’elle ne veut plus être. A savoir, une personne qui ne peut changer.
Dans un premier temps, j’ai été gêné par un aspect de cette intrigue sans exactement savoir pourquoi. En échangeant sur l’épisode et en le revoyant, j’ai compris. Lorsque le bonhomme est une hallucination de Rebecca, je trouvais l’idée intéressante. Lorsque l’hallucination n’en est plus une, la suite de l’histoire pose un peu question.
En entrant à nouveau dans la danse, Trent devient à la fois l’expression de la culpabilité de Rebecca ET une vraie menace. Sauf que cette menace -potentiellement mortelle- est évacuée hors champ (au propre comme au figuré), avec trois dialogues. Je trouve ça un peu troublant. Mais soyons honnête : c’est aussi ce qui permet de se concentrer sur l’essentiel. En l’occurrence, Rebecca et ses propres actes.
Ce que Rebecca a, ce que Rebecca est
La résolution de l’épisode est effectivement très intéressante. Elle s’inscrit en résonance directe avec une phrase clef de Josh is Irrelevant. Rebecca l’a prononcée après avoir découvert qu’elle était atteinte de trouble de la personnalité borderline : "Ce n’est pas quelque chose que j’ai, c’est quelque chose que je suis."
Lorsqu’elle plaide coupable pour ce qu’elle a fait à Trent, Rebecca n’assume pas que ce geste. Cela va au-delà. Elle assume pleinement le constat énoncé plus haut. Et elle met en réalité en perspective toute la seconde partie de saison.
Elle franchit une nouvelle étape de transition après avoir 1/essayé de rapprocher Nathaniel et son père sans retomber dans ses travers sentimentaux 2/ tenté de travailler avec Valencia et manqué de plomber son business, 3/aidé Darryl à redevenir papa en un coup de main éclair, 4/essayé de briser le couple de Nathaniel, 5/avoir entretenu une relation clandestine avec le même Nathaniel parce qu’elle l’aime sincèrement, 6/utilisé Paula pour empêcher Trent de la faire chanter.
Entre l’épisode 8 et l’épisode 13, elle aura, au fond, oscillé entre ce qui fait d’elle une personne profondément généreuse et ce qui fait d’elle une héroïne littéralement en proie à ses émotions. Encore. Toujours.
En embarquant le public dans une série d’aventures qui partaient dans tous les sens, Rebecca et Crazy Ex-Girlfriend ont, rétrospectivement, permis de comprendre le caractère fondamentalement déstabilisant de la démarche entreprise. Il fallait que l’héroïne assume tout à la fois ce qu’elle est et ce qu’elle ne peut plus fuir ou excuser.
Très clairement, un revisionnage de ces épisodes sera intéressant pour voir si tout fonctionne bien. Mais ce choix est aussi difficile qu’audacieux, il faut bien l’avouer. Et le résultat est suffisamment intéressant pour y repenser bien après avoir vu les épisodes.
Et sinon, pour ne rien oublier
- La chanson The Miracle of Birth est formidable. Tout comme Nothing is Ever Anyone’s Fault. Avec ces deux titres, on touche à ce qui fait la quintessence de la série. A savoir la capacité à démystifier un sujet de société ET la propension du show à rester sur sa ligne thématique.
- L’intrigue autour de l’accouchement de Heather est très réussie. Elle permet surtout de remettre la relation Darryl/White Josh au cœur du récit de façon aussi fine que touchante. La qualité de leur relation passe par une foule de petites choses émouvantes.
- Josh ne sert (presque) à rien.
La question qui fâche
Si The CW devait annuler la série et que l’histoire devait s’arrêter là, serions-nous hanté·es à jamais ?
Nathaniel is Irrelevant joue à fond sur la dimension "fin de chapitre". L’histoire n’a pas livré tout ce qu’elle a à donner mais la boucle est bouclée sur cette saison 3. D’où un sentiment un peu hybride. On a envie de connaître la suite du chemin de Rebecca, mais le récit arrive à un stade où l’héroïne tend vers une forme de stabilité à construire qui est "rassurante" à imaginer.
Donc si tout devait s’arrêter, cette audience au tribunal ne serait pas le pire moment pour l’envisager.
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Non, mais plus sérieusement, The CW, ce serait bien de balancer vite l’annonce d’une quatrième et dernière saison. Très vite.