Et tous les six mois, le tableau engendre des réactions négatives sur les goûts de "l’entité pErDUSA", qui reflète autant les goûts de tout le monde que de personne.
Habituellement, les critiques viennent de l’extérieur, mais cette année, c’est Ju qui revient sur la légitimité de la présence de quatre séries en tête du classement :
Et quand Mom, The Middle, Reign et Dallas font partie du Top 10, je crois que je préfère regarder mes "daubes" plutôt que de faire partie des ravis de la crèche !
Passons sur le fait que Ju ne regarde pas ces séries et n’est donc pas en mesure de juger de leur qualité. Je vais mettre de côté Mom (Jéjé l’a bien défendue), The Middle, et Reign (que je ne regarde pas mais que je respecte depuis qu’elle a un générique).
Attardons nous uniquement sur le cas de Dallas, si vous le voulez bien. Parce que l’annulation de Dallas était probablement l’un des événements les plus importants de l’année écoulée.
« Moins, c’est mieux » semble être le maitre mot lorsque l’on produit des séries télévisées. On l’a souvent demandé chez pErDUSA : si la qualité ne peut pas être maintenue sur le long terme, mieux vaut limiter le nombre d’épisodes par saison. Le standard de 22 épisodes semble être remis en question de plus en plus souvent, et pas uniquement sur le câble. Aujourd’hui, FOX propose des saisons plus courtes. Cette démarche semble être à la fois motivée autant par des raisons qualitatives que financière. Ce mélange de gestion de coûts et qualité entraine aussi le retour de la mini-série et de l’anthologie. True Detective ou American Horror Story s’affichent fièrement en anthologie sur le câble, tandis qu’on sent une plus grande frilosité sur les networks. Gracepoint est une histoire complète, mais on laisse la porte grande ouverte à une suite dans les dernières minutes du dernier épisode diffusé. Dans la même optique, un flou était volontairement maintenu autour du lancement de Under The Dome sur CBS. Et gros, les networks se donnent le droit de dire rétroactivement que l’aspect limité était toujours voulu si l’audience n’est pas au rendez-vous et inversement.
On essaie de faire moins et mieux. Et c’est pour cela que l’annulation de Dallas est importante.
Dallas était, à l’origine, une mini-série de cinq épisodes diffusée sur CBS en 1978. Son succès a généré une série d’une dizaine de saisons, des téléfilms et une série dérivée, Côte Ouest. Et si vous avez une mauvaise image de la série, Dallas était non seulement une série extrêmement populaire mais surtout, elle a été l’un des premiers succès sérialisé.
Comme l’explique habilement le livre Everything Bad is Good For You, à une époque où les épisodes de série ne narraient qu’une seule intrigue avec un nombre de personnages très limités, Dallas demandait au téléspectateur de suivre de multiples intrigues où les personnages étaient liés de manière très complexe. Le soap opera a beau ne pas avoir une image prestigieuse, c’est grâce à ses codes transposés aux séries de prime time qu’on se retrouve avec des séries aussi riches aujourd’hui. Dallas (avec Hill Street Blues) a préparé le terrain à The Sopranos.
Mais indépendamment de son impact indéniable sur la production télévisée américaine, Dallas était l’une des rares séries qui jouait sur notre mémoire collective. La nouvelle version de Dallas, qui a peiné à démarrer, je le concède, n’était pas juste remarquable pour ses nouveaux personnages mémorables (Judith Light en tête de ligne). Elle était brillante dans la gestion habile de sa mythologie.
Il ne s’agissait pas d’un reboot et elle ne niait jamais son passé (sauf les téléfilms qu’il vaut mieux oublier). Au contraire, elle puisait dans la richesse de la série originale et l’affichait fièrement. Dans sa structure, Dallas 2012 n’avait rien de révolutionnaire au vu de la production actuelle. Sa showrunner, Cynthia Cidre, a su rendre le tout très contemporain et surtout très accessible, même si on ne connaissait pas l’œuvre originale. Parce qu’au fond, l’idée de Dallas est très simple. Tout part de la trahison de Jock Ewing envers Digger Barnes. Cette guerre familiale Ewing contre Barnes s’étale sur plusieurs générations. Et cette année, cette querelle originale a pris fin.
Mais un différend qui prend ses racines depuis tant d’années ne peut plus se clôturer de manière digne. Il n’y a pas de justice, il ne reste qu’un vieillard pathétique qui a vu sa vie ruinée par la revanche. C’est une scène qui peut paraitre anodine, et même si la série essaie de relancer le conflit Barnes-Ewing, plutôt maladroitement, il faut l’avouer, elle met quand même fin à une intrigue commencée en 1978. Et c’était là, la singularité de Dallas.
Dallas était ancrée dans notre culture télévisuelle. Bonne ou mauvaise, tout le monde avait une opinion sur la série. Si Saturday Night Live et The Simpsons sont des programmes à la longévité exceptionnelle, aucun drama à l’antenne ne peut prétendre jouer sur ce terrain. Il y avait bien sur des défauts et des idioties dans la série d’origine, mais indépendamment de qualité fluctuante c’était une série qui a marqué sur la durée.
C’est ce qui fait la force d’une série, c’est une œuvre qui évolue et qui nous accompagne sur une longue durée. La tendance est à la réduction de cette durée. Ce n’est pas nécessairement un mal en soi, je n’ai pas besoin d’avoir 14 saisons de Broadchurch mais il y a des séries que j’aurais aimées toujours avoir à l’antenne. C’est un plaisir bien particulier d’avoir une série qui sait jouer sur l’affectif qui vient avec une forte longévité.
Malheureusement, comme le montre la réaction de Ju, il est bien plus facile de réduire Dallas à un simple soap pour mamans. De la même manière, Farscape était une série idiote avec des marionnettes pour geeks pâles et Buffy était tellement ridicule avec ses monstres au lycée. Avoir une vision réductrice d’un genre de série n’est pas triste, mais assez bête. [1]
Et c’est étonnant de la part de Ju, pas parce que je pensais qu’il était plus intelligent que cela (il l’est), pas parce que c’est que je l’apprécie et que je prends souvent son avis en compte, mais parce qu’au premier tableau classement de pErDUSA, il a mis un A à The O.C.. Le type est capable de mettre la même note à The O.C., un soap opera pour jeunes adultes, qu’à Breaking Bad, ce prestigieux drama du câble.
Oui, parce qu’il ne faut pas se leurrer, Dallas ne cherchait pas à se cacher derrière des dialogues cool et métas, Dallas affichait ses couleurs fièrement. Parce que des coucheries, des morts, des secrets de famille, Melissa Clarke, et des moments touchants sur la famille, Dallas 2012 le faisait au moins aussi bien que The O.C., Ju.
Au final, je ne retiens que le « je vous aime » qui finit son message, parce que moi aussi, avec ton bon goût et ta mauvaise foi légendaire, je t’aime aussi tonton.
Et il y a un point où nous sommes vraiment d’accord, Banshee, ça a l’air d’être une grosse daube.
[1] Feyrtys a parfaitement argumenté ce point dans sa réponse.