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Everwood - Critique de la dernière saison de la série Everwood

Everwood (Bilan de la Saison 4) : Kleenex Party

Par Blackie, le 24 juillet 2006
Publié le
24 juillet 2006
Saison 4
Episode 22
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Harold ne volera plus de chewing-gum dans les supérettes. Hannah ne fera plus de musique avec ses cheveux. Sam ne sera plus joué par un énième gamin. Le blizzard a recouvert les montagnes du Colorado et fait disparaître définitivement Everwood de la carte.
Encore une fois, on peut rejeter la faute sur les Camden et leur délit d’exister... Boo-yaaaa !

Il était une fois un veuf épleuré qui décidait de se laisser pousser la barbe. Comme New York avait subit assez de tragédies, il décida aussi de faire une bonne action en la quittant, embarquant avec lui son fils (un geignard fan de manga) et sa fille (une naine à casquette) pour une petite ville du Colorado appelée Everwood. C’est dans ce trou paumé que cette famille déchirée, portant le nom de la plus jolie des couleurs qui n’évoque que des choses agréables, rencontra les Abbott et Nina, des gens très sympathiques plus ou moins heureux. Après leur arrivée, les choses se dégradèrent à mesure que les racines démoniaques des Brown s’étendirent. Le cas du jeune Colin fut un parfait exemple de leur effet sur leur entourage : Andy s’occupa du garçon mal en point afin de lui donner l’illusion de la santé, avant de l’achever une bonne fois pour toutes et de plonger la commune dans le désespoir. Entre le coma et les Brown, le choix aurait dû paraître évident pour les habitants de cette bourgade, mais la naïveté des campagnards était sans limite...

C’est (à peu de choses près) ainsi que commença l’une des meilleures chroniques familiales de ces dernières années, qui se conclu définitivement il y a peu au terme de sa 4ème saison. C’est donc avec les larmes aux yeux, la goutte au nez et parée d’un pack de mouchoirs qu’il est temps pour moi de revenir sur l’ultime saison d’Everwood.

Everwood - Saison 4 : Bilan

Contant principalement les destins croisés des Brown et des Abbott, la série offrait un juste milieu entre la tragédie très tragique de Party of Five et la folie douce des Gilmore Girls, tout en abordant des sujets quotidiens sans les conclusions moralisatrices de 7th Heaven. En bref, Greg Berlanti avait créé le drama familial rêvé, que tout le monde respectait... mais que presque personne ne regardait (ça étonne quelqu’un ?).

L’une de ses plus grandes forces fut notamment de s’évertuer à dépeindre des modes de vie et de pensée libéraux dans un environnement assez conservateur. Parce qu’on est éloigné des grandes agglomérations, parce qu’on est dans une petite ville habitée par les mêmes familles depuis des générations, les thèmes progressistes prennent d’autant plus d’ampleur. Parlez d’avortement à New York et vous obtiendrez au mieux des avis divergents. Parlez-en au milieu de nulle part et c’est le débat du siècle que vous soulèverez. Quand tout le monde se connaît, tout le monde a une opinion sur l’autre et personne ne peut garder de secret. Dans un tel environnement, le meilleur représentant de la modernité, apte à amener de nombreux sujets divers et variés, est la médecine.

C’est pourquoi les patriarches Brown et Abbott ont en commun d’être docteurs, ce qui les rapproche d’emblée, et leurs familles sont entièrement marquées par le sceau du serment d’Hippocrate. Elément à la fois banalement commun et représentant des avancées technologiques, la médecine est un excellent véhiculeur de débats (d’où le gavage permanent de séries médicales). Avec un tel support, la provocation peut être facilement atteinte, mais Berlanti et ses collaborateurs eurent toujours l’intelligence d’aborder tous les sujets possibles avec un tact irréprochable, leur permettant de ne jamais être censurés et d’être diffusés sur une chaîne assez frileuse (je rappelle que la championne de la WB est 7th Heaven. Oui, encore elle, mais je tiens à enfoncer le clou).

Cette année voit l’apparition de l’étudiant Reid, qui vient compléter le tableau d’une réflexion sur la médecine abordée dès le Pilote. Quatre docteurs ont incarné jusque là différentes façons d’aborder ce métier, que ce soit Andy le génie maudit boulimique de travail, Harold l’héritier du stéthoscope formé à la vieille école, Linda l’amatrice de méthodes moins traditionnelles ou Jake le jeune branché qui pratique une médecine superficielle pour l’argent. Chaque comportement eu droit à son lot de conséquences majeures : l’éloignement de sa famille et un piédestal bien trop haut pour Andy, une limitation de ses compétences et un manque de reconnaissance pour Harold, des prises de risques la conduisant à la maladie pour Linda et un stress amenant à l’addiction pour Jake. Reid apporte une nouvelle perspective et démontre que l’envie même de suivre cette voie est un combat constant où le poids sur les épaules pèse lourd. Avant d’avoir la vie des autres entre ses mains, il faut déjà pouvoir gérer la sienne et ce n’est pas chose aisée car l’on attend d’un futur docteur qu’il soit surhumain. Malheureusement, la tentative de suicide qui en découle ne se produit que vers la fin et à peine avons-nous le temps de nous sentir émotionnellement impliqué par ce qui lui arrive, qu’il disparaît de la série. Bien qu’il soit d’importance bien moindre que ses prédécesseurs, Reid n’en est pas moins une bonne conclusion de cette thématique.

Mais Everwood n’est pas une série médicale à proprement parler. Elle est avant tout basée sur le quotidien de ses personnages multi-générationnels. C’est pourquoi cette année, beaucoup moins de cas médicaux extérieurs aux trois familles principales sont traités. En faisant moins de parallèles entre patients et héros, davantage de concentration sur ces derniers est possible. Ce dont on ne risque pas de se plaindre, car le générique s’est allongé depuis la cassure de la saison 3 et il y a trop choses à raconter à leur sujet.

Les juniors changent de décor (fac, premier appart) et leurs perspectives d’avenir autant amoureux (finis les premiers émois, bonjour les relations moins déchirantes et mûrement réfléchies) que professionnel (orientation scolaire et petits boulots minables). Devenus de jeunes adultes, ils viennent en aide à leurs parents en manque de repères telle une dette qu’ils leur doivent bien. Et pour ajouter au bouclage de la boucle, de nombreux retours en arrière ponctuent la saison avec des fantômes du passé ressurgissant, soit en chaire et en os, soit nommés ou en référence évidente.

Everwood : 4 années, 3 maisons, 2 familles, 1 même histoire

Au fil des ans, les Brown se sont révélés proprement insupportables, transformant leur statut d’agitateurs positifs en bulldozers sourds et aveugles. Même Delia, cette gamine entraperçue entre deux insultes de ses aînés, enleva un jour sa casquette et révéla au monde les trois 6 inscrits sur son crâne. Depuis, elle s’est mise à geindre comme son grand frère.

Le pire, c’est que ce phénomène circule dans la famille depuis au moins trois générations puisque le père d’Andy vient faire un tour durant quelques épisodes. Le bon point ressortant de son passage est le parallèle dressé entre leurs comportements respectifs vis-à-vis de leurs enfants. Reproduisant au départ le schéma parental malgré lui, Andy a réussi à prouver qu’il avait changé depuis la mort de Julia (comme quoi il est bon de débarrasser de Brenda Strong). Il a beau avoir commis de grosses erreurs (la grossesse de Madison n’étant pas des moindres) et nous avoir plus souvent exaspéré qu’autre chose, il en a au moins tiré des leçons. La mort de sa femme comme révélation fut établie dès le Pilote et c’est le moment idéal pour revenir sur les progrès qu’il fit dans vie depuis et ses rapports avec ses enfants. Andy a beau être assez un boulet, il faut reconnaître qu’il a fait beaucoup d’efforts s’étant au final avérés payants. Le chemin a été douloureux (personnellement, j’ai souffert à chacune de ses apparitions à l’écran), mais les résultats sont là et c’est ce qu’il vaut mieux garder en mémoire.

Il en va de même pour le rejeton, qui suivi malgré lui un parcours assez identique. Ephram subit plus de changement de comportement cette année que toutes les autres réunies puisqu’il devient altruiste, trouve sa voie, pardonne à son père et laisse Amy tranquille. Le jeune rebelle casse-pied a donc fini sa crise d’adolescence. Même s’il se montre encore parfois un monstre d’égoïsme, surtout lorsque l’amour de sa vie est concernée. Honnêtement, qui n’a pas eu envie de lui enfoncer une pioche dans la tête lorsqu’il oblige Reid à rompre avec Amy ?

Avec l’arrivée de Kyle, qui fut le plus intéressant des seconds rôles, Ephram bâtit un parallèle avec sa vie, met en perspective son passé mais également l’avenir qui s’offre à lui. Son vieux mentor Will meurt et c’est à son tour de reprendre le flambeau avec son élève. Kyle en lui-même est une version bien moins tête-à-claques que le fiston Brown. Quant à son homosexualité, le sujet fut abordé à dose nécessaire et non exploité comme le dernier sujet à la mode, ce que l’on a trop vu récemment à la télévision. Aussi dur de caractère, mais pour des raisons différentes, Kyle souffre de l’absence de son père comme Ephram celle de sa mère auparavant, et actuellement celle de son fils qu’il ne peut élever ni voir grandir. Alors que leur peu de différence d’âge devrait créer des liens plutôt fraternels, Ephram joue le rôle d’un père de substitution qui l’aide non seulement à mieux gérer la perte de son bébé, mais aussi à comprendre les choix de son propre père vis-à-vis de lui. Ainsi il n’arrive à pardonner ses choix à Andy que lorsqu’il se trouve lui-même confronté à l’avenir d’un adolescent reposant entre ses mains. Ce changement de position est idéal et je n’y vois que du bon ressortant de cette relation.

Grâce à Madison, qui revient dans sa vie un an plus tard tel un effet boomerang, à Kyle et cette voie qu’il se trouve dans l’apprentissage, Ephram par mûrit enfin. Je serais mauvaise langue, je dirais que c’est bien un Brown pour n’être heureux qu’en donnant des leçons aux autres. Mais j’avoue que cette direction du personnage me plaît assez. Fini le génie torturé et prétentieux, bienvenue au jeune homme responsable et stable, qui pense aussi aux autres. Il se trouve même une petite-amie pour tenter d’oublier Amy. Le parcours s’est fait habillement et Ephram est l’un des personnages à l’évolution la plus mieux traitée cette saison.
Malgré sa propension à donner de l’urticaire.

La musiqueuh...

Les Brown ont forgé au cours de la série une solide (et parfois bizarre) amitié avec chacun des membres de l’autre tribu de la ville : les Abbott. Sans conteste l’âme et le cœur de la série, ils sont l’antithèse parfaite des premiers (proches et adeptes de la communication), se retrouvant étroitement liés à eux par les évènements. Les Brown se sont révélés n’être que l’élément extérieur venant bousculer cet univers pour lui faire prendre vie sous nos yeux, tandis que les attachants Abbott ont conquis brillamment leur titre de représentants parfaits d’Everwood. Cette année, chacun de leurs membres a eu également son lot de changements (sauf Linda, qui n’a malheureusement pas pu revenir faire un tour car retenue en otage par Marc Cherry).

Pour Amy, joliment marquée par le syndrome Felicity, c’est plutôt positif tout au long de l’année car elle en a fini avec la déprime. Plus forte, plus déterminée, elle n’est plus l’oiseau fragile de la famille mais celle qui soutient désormais les autres (en l’occurrence sa mère malade). Malheureusement, elle n’a pas vraiment de storyline marquante. Si c’est regrettable, elle n’en est pas moins restée appréciable et il a été agréable de la voir se stabiliser. Parce qu’elle est enfin épanouie, sereine et vit pour elle-même, elle n’a plus l’air très intéressante dramatiquement parlant.

Elle connaît brièvement une relation avec Reid, un mec insipide sans autre fonction que de la détourner d’Ephroyable, avant de finir colocataire de Bright histoire de le garder de côté jusqu’à ce qu’il prenne un peu d’ampleur lorsqu’il tente de se suicider. Elle se trouve aussi durant quelques épisodes un mentor en un de ses professeurs, qui est vite évacuée. Ce qui me convient tout à fait. Que ce soit parce que le thème de l’avortement n’avait pas besoin d’être encore abordé en large et en travers, parce qu’il y avait un manque de temps pour les histoires d’Amy la militante à la fac ou parce que transformer madame Jack Bauer en nouveau love interest d’Andy n’aurait rien changé aux évènements, peu importe. Je n’ai pas eu le temps de m’intéresser à ce personnage et je pense sincèrement qu’Amy n’avait pas besoin d’elle. La plus grande influence de sa vie furent ses parents. Son libéralisme, sa volonté, ses capacités qui la feront aller loin, elle les tient d’eux. Inutile donc d’introduire cette parfaite étrangère dans sa vie. L’université est bien une étape importante, qui forge le futur adulte. Sauf que chez Amy, c’est le cas depuis bien longtemps, il ne lui manquait qu’à se révéler totalement. Elle aura cherché sa voie tranquillement, en laissant le plus possible de côté les drames qui ont empoisonné son existence durant 3 ans. Pour cela on peut la faciliter. Grover est devenue une femme forte et épanouie, que je n’ai jamais autant admirée. De toute façon, depuis la saison 2 où elle m’a littéralement soufflée, Emily VanCamp reste incroyable même lorsqu’on ne lui donne pas grand-chose à faire.

Peu d’Amy a permis plus de Bright, donc le change est équitable. Bright aura mis 3 ans avant de voir le potentiel de son personnage pleinement exploité mais l’attente en valait la peine. Bright a considérablement mûri, mais heureusement sans perdre de son charme loufoque si particulier hérité de papa. Ce véritable développement du personnage arriva en saison 3 et se prolonge tout doucement par la suite. Un peu trop doucement, d’ailleurs. On retient dans les grands moments le bal privé organisé et la scène de douche avec Hannah, qui évite brillamment le voyeurisme et est probablement la plus belle déclaration d’amour de toute la série. Mais enfin admis à l’université et dans une relation durable avec la seule fille qu’il ait jamais aimé, la situation est calme et l’intérêt pour le meilleur couple d’Everwood s’affadit. Quelques obstacles surviennent pourtant afin de secouer le cocotier, tels que la peur du départ d’Hannah. La venue de sa mère et le retour à ses problèmes familiaux sont toujours poignants. Mais tout s’arrange et c’est à partir de là que ça se corse. Elle commence à passer de la plus adorable des adolescentes à une insupportable conservatrice coincée. Le fossé entre elle et Amy s’est largement creusé et j’en suis venue à me demander ce que Bright lui trouvait. Un comble ! Finalement, on se rend compte que c’est lorsque des malheurs frappent sa vie qu’on l’aime le plus et que le bonheur fait ressortir le pire en elle. Quelle triste constatation.

L’abstinence que Bright a du mal à gérer sert de second obstacle et arrive à bout du couple. Ce qu’il valait mieux. Considérant un moment la rupture avec Hannah, c’est finalement ce qui arrive plus tard puisqu’il s’agit du seul sujet qu’ils n’aborderont pas ensemble. Le résultat est quasiment inévitable mais l’intérêt pour leur relation est de retour, notamment grâce à un Bright en proie à ses doutes. Au-delà de son couple, il se montre un ami et un frère doué pour les conseils et ne pose plus de gros soucis à ses parents. Bright Abbott ou quand l’abruti du village se révèle bien supérieur à ses congénères.

Du côté du seniors, c’est moins rose (oui, elle est facile celle-là).

Le cancer de maman Abbott, drame enclenché en fin de saison 3, remet sur le tapis l’opération de Colin, voire la maladie de Linda qui touchait encore plus directement les Abbott. La malade principale n’est pas abordée comme une patiente mais une mère, une épouse et une amie, avec son lot de conséquences. Rose a toujours représenté une certaine force due à ses responsabilités envers toute la communauté, qu’elle gérait avec calme mais poigne tout comme sa petite famille. Affaiblie physiquement, elle reste pas moins d’une personnalité bien trempée forçant le respect d’un simple regard. C’est dans une position d’impuissance que le personnage prend plus d’ampleur et influence comme jamais la vie de ses proches. Et si l’on a toujours vu Rose comme la lionne à la tête du troupeau, on ne s’étonne pas de la voir s’embarquer pour l’Afrique. Ce qui amène une nouvelle fois à penser à Linda, dont Harold finit par comprendre l’implication pour ce continent. Les différentes étapes de cette storyline s’enchaînent à la perfection, de la maladie conduisant au voyage, lui-même conduisant à la volonté d’adopter. La perspective de la mort ramène à la vie. Bien sûr, tout cela est traité à la façon Abbott, avec beaucoup de cœur et une pincée de fantaisie (le diaporama !).

Ce décalage des cultures apporte un second souffle à ce modèle de couple, qui contrebalance la déprime récente avec un optimisme exacerbé pour la vie. Ils abordent le thème de la difficulté de l’adoption, malgré toute la bonne volonté et le bonheur qui peut être apporté à un enfant (franchement, si je devais abandonner mon bébé, je ne pourrais que lui souhaiter d’être recueilli par des gens comme les Abbott). Vouloir aider les autres est très difficile, à croire qu’on ne veut pas nous laisser faire à moins de s’appeler Brangelina. C’est l’ironie du système que la série pointe du doigt avec une intelligence habituelle.

Enfin, du côté d’Irv et Edna, la saison débutait sur le renouvellement de leurs vœux et se
termine sur la séparation du couple de vieux roublards, due à une ultime crise cardiaque de l’ancien chauffeur de bus. La formation de ce couple hors norme (pas parce qu’elle est blanche et lui noir, mais parce que Rambo est le seul avec qui notre infirmière de choc ne déteindrait pas) était à l’origine de la mésentente entre Edna et Harold. D’une douceur et d’une compréhension forçant le respect, Irv était une contrebalance idéale à la fermeté de sa femme. C’est donc avec étonnement que l’on découvre peu de temps auparavant qu’il n’a pas été un père idéal, ce qui donne plus de substance au personnage avant qu’il ne nous quitte.

Car Irv marqua surtout la série par sa voix, ponctuant chaque épisode de la lecture de son livre sur l’arrivée des Brown dans ce coin du Colorado. Mais la série ne se finit pas sur cette famille qui quitte Everwood, car la vie de cette petite ville n’en cesserait pas de continuer. S’il y a une fin, c’est parce qu’Irv ne peut plus nous raconter leur vie. Le narrateur est mort et ses histoires avec lui. Bien sûr on pourra reprocher le manque progressif puis l’absence totale de sa voix off sur les dernières saisons, avec pour raison donnée la fin de l’écriture de son livre, mais son personnage reste dans les mémoires comme le conteur de cet univers, qui disparaît ainsi avec lui. Sa mort n’arrive pas lors du final, ce qui laisse ainsi le temps de consacrer un épisode en hommage à son personnage et qui a le mérite de ne pas verser dans le larmoyant, en plus de nous offrir des scènes inédites pour flashbacks. Le plus étonnant est qu’Harold devient pour cette occasion le conteur de l’histoire, reprenant avec le plus grand naturel le flambeau de son beau-père. Si la série pouvait se prolonger, Irv aurait pu jouer le narrateur d’Everwood depuis l’au-delà (si la mort n’empêche pas Mary-Alice Young de l’ouvrir encore et toujours chaque semaine, y’a pas de raison que lui non plus) mais Harold aurait fait également un excellent successeur.

Les Abbott : des gens très bien mais pas très chanceux

Cette saison voit enfin l’installation définitive de 2 personnages apparus l’année précédente et adoptés aussitôt par les spectateurs. C’est à se demander comment la vie à Everwood était avant leur arrivée, tellement ils l’ont illuminée de leur présence. Je parle bien sûr de Jake et Hannah. La troisième maison dont nous suivons l’évolution est celle de Nina, qui s’est recomposée une véritable famille, finissant ainsi de se servir de ses voisins comme substituts.
Si Hannah fut toutefois bien plus liée aux Abbott, qui fut sa véritable seconde famille, Jake se trouva constamment coincé entre les Fenney et leur voisin, ce bon vieux (et absolument pas encombrant) Andy.

Sa relation avec Nina connaît des hauts et des bas mais parvient malgré tout à s’en sortir, se posant ainsi en véritable exemple...jusqu’au finale (mais j’y reviendrai plus tard). Tout comme le cancer de Rose renvoyait à des évènements passés, l’addiction de Jake offre une nouvelle vision à un problème déjà posé. En écho à Tommy, il est aussi lié à la pression subie par les médecins dont Andy avait déjà fait les frais. Non seulement il s’en sort brillamment, mais il créé un groupe de soutien qui a un franc succès, sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Il y a de quoi être fier(e) d’un homme pareil. Beau-père et compagnon exemplaire, il amène Nina à faire face à ses peurs depuis son divorce, à se prendre en main en gérant son propre restaurant et à accepter que leur relation subisse des obstacles. Malheureusement, si Jake est totalement engagé envers les Fenney, Nina trouve toujours un prétexte pour revenir vers Andy, comme de préférer avoir la bague au doigt plutôt qu’une relation idéale. Elle est loin la femme mariée à un gay qui portait l’enfant d’une autre. Au final, Nina n’aura existé qu’à travers les deux hommes diamétralement opposés qui se disputaient pour elle. Avec une mère pareille, pas étonnant que Sam soit si inintéressant !

Mais si, Sam, son fils... le petit blond qui change toujours de tête, souvenez-vous.

Everwood : The end is the beginning is the end

Les derniers épisodes précipitent les évènements et une volonté de conclure la série rapidement se fait sentir, pour cause d’annonce d’annulation de la WB/CW arrivée durant la coupure de mi-saison. D’où une réorientation soudaine et des conclusions semblant tomber de n’importe où. Certains reprocheront (à raison amha) à Rina Mimoun une infidélité à tout ce qu’elle s’est évertuée à mettre en place durant ces deux dernières années, jetant complètement les bras durant les derniers instants alors qu’elle aurait pu finir sur un ultime bras d’honneur à la chaîne. Ephram le rebelle l’aurait fait, lui !

Bon, j’exagère un peu. Si tout semble effectivement trop parachuté, tous les points abordés ne sont pas à mettre sur le même plan. Ce final de deux heures arrive à traiter les trois storylines principales : le choix de Nina entre Jake et Andy, la relation Amy et Ephram, et les Abbott seniors. Un peu plus anecdotes sont celles de la Bat Mitzvah de Delia, qui sert plus de décor aux intrigues des autres qu’autre chose, ainsi que la relation de Bright et Hannah. Dans ce panel se côtoient des conclusions logiques (Ephramy, Brihanna), invraisemblables (Ninandy), trop faciles mais pas gênantes (Harosedna), et dont on se fiche royalement (le diable s’habillant en Puka).

Commençons avec le meilleur. Ephram et Amy se remettent ensemble, bien que la décision de cette dernière semble sortie de nulle part. Amy a à peine eu le temps de s’épanouir en ne se construisant plus autour d’un petit-ami, qu’elle se remet aussitôt des chaînes aux pieds sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Elle a tout de même passé un an à affirmer qu’elle en avait assez des drames avec Ephram. Franchement, quand les scénaristes ont remis leur réconciliation sur le tapis, j’ai bien cru m’étrangler. Alors pourquoi cette fin est-elle la bienvenue ? Simplement parce qu’ils eurent un éclair de génie en décidant d’incorporer une séquence de flashbacks nous remémorant les moments marquants de leur relation. Il est difficile de ne pas être nostalgique devant ces images et l’envie de les voir finir ensemble reprend comme à la saison 1. Cela me rappelle même qu’à une époque, j’aimais bien cet ado au nez bouché qu’est Ephram. Et puis il a la bonne idée de retrouver une coupe de cheveux décente, et ça y fait beaucoup. Alors oui, le manque de temps pour arriver à cette réconciliation est dommage, mais ce n’était pas possible de finir sur une séparation. Après tout ce qu’ils ont vécu, nos amants torturés méritent bien leur happy end.
Par ailleurs, ce portrait du couple tourné vers les montagnes et sa symbolique représente à mes yeux toute la série, tant ce tableau de fin de générique des premières saisons m’a marquée. Il me paraît donc naturel que la dernière image de la série s’éteigne sur ceux dont l’histoire d’amour fut le fil rouge de la série.

Bright et Hannah s’en sortent bien également. Point d’exagération ici, puisqu’on ne finit ni dans le tragique ni dans le happy end. Hannah décide de pas aller dans une université lointaine (forcément, après ce qu’elle a pu voir, comment aurait-elle envie d’aller une fac nommée Brown ?) et redevient amie avec Bright. Sans plus. C’est peu pour la shippeuse en moi (je possède toujours les banderoles « Brihanna 4ever » confectionnées avec Joma), mais ça a le mérite de suivre une évolution moins précipitée que celle de leurs congénères. Si tout avait été pardonné d’un claquement de doigt ou que Bright avait demandé Hannah en mariage, ç’aurait été trop facile. Très chouette, certes, mais faut pas pousser non plus.

Là où ça se gâte, c’est avec Rose et Harold, qui héritent d’un bébé tombé du ciel (et non-africain. Maintenant qu’il n’y a plus Irv, Everwood est redevenu blanc comme la neige). Cela dans une légalité très relative. En y repensant, plus que ce bébé qui ne servira qu’à occuper Rose et Harold, je retiendrai une réconciliation définitive entre celui-ci et Edna. Un sacré chemin a été parcouru depuis le Pilote entre la mère et le fils. Alors que les suites de la mort du patriarche Abbott les avait mis en froid, celle de son beau-père les a rapprochés plus que jamais. Il y a de quoi se réjouir de cette fin des conflits entre générations, d’une logique à ce que la série s’est évertuée à mettre en place. Voyons donc plutôt la venue du nouveau-né comme la continuité de ce cycle de la vie (ce cycle éternel d’un enfant béni...).

Quant à l’énorme mauvaise conclusion, c’est bien sûr la relation d’Andy et Nina. Quoi que l’on pense d’Andy (vous savez, ce boulet moralisateur et égoïste qui ne fait jamais rien correctement et ne cherche jamais à comprendre les autres), cette union finale semble déplacée, en dehors du fait qu’elle met vite fait Jake à la porte. Si leur amitié particulière a toujours été évidente, jamais une quelconque attirance sexuelle n’a été ressentie entre eux. Le couple qu’ils forment est difficilement envisageable au-delà du platonique (Rory Gilmore et son Logan Hamburger sont plus sexués qu’eux, c’est vous dire !).

Mais apparemment, le but du series finale est de donner à chacun des Brown ce qu’il voulait, peu importe que cela paraisse logique ou non. La disparition brutale de Jake, que dis-je, son jetage à coup de pied digne d’un balançage de sac poubelle dans une beine à ordures, est donc un gros choc. D’autant qu’on le fait passer pour un égoïste possessif et agressif, tandis qu’Andy est l’homme zen et résolu au milieu. C’est le monde à l’envers ! Une fin pareille est un manque de considération totale à l’encontre d’un personnage aussi ancré dans la série. Le choix de Nina est totalement incompréhensible. Où était Andy quand elle avait du mal à faire face à son divorce ? Aurait-il racheté le Mama Joy pour elle ? N’aurait-il ne serait-ce que pensé à le rebaptiser du nom de son fils ? D’ailleurs, s’en est-il jamais préoccupé ? Quand Sam s’est ouvert la joue, il batifolait avec la femme d’un tétraplégique, tout de même. J’ai beau chercher, je ne trouve aucune raison pour l’avoir préféré à Jake, mis à part qu’il a son nom au générique.

Et comme il est bien parti sur sa lancée dévastatrice, Andy se dit qu’il est aussi temps de tenir une promesse (avec quatre ans de retard, faut pas trop lui en demander non plus) en offrant à Delia son premier cheval : woohoo, les chevaliers de l’Apocalypse sont en marche ! Pour la suite de ses aventures, ne ratez pas Countdown to Doomsday sur SciFi.

Andy aura réussi à me gâcher la fin de la série. Malgré cela, et bien que je la considère un cran au-dessous de la sublime saison 3, cette ultime année n’a pas failli à la qualité de la série. Elle a offert son lot de rebondissements, de romance, de Haroldismes, et de mouchoirs. Et c’est bien tout ce qu’on lui demandait.

Mais Andy et Nina... sérieusement !

Forever Everwood

Que reste-t-il à préciser avant de clore définitivement le chapitre Everwood ? Eh bien, qu’il existe tout de même 4 saisons magnifiques à voir et se revoir.
Les fans ont eu beau s’être vite mobilisés afin d’obtenir une prolongation de la série, allant jusqu’à récolter de l’argent afin de faire venir une grande roue devant les locaux de la nouvelle directrice de CW (à la façon d’Amy), la série ne pouvait être renouvelée. A la fois les acteurs et les scénaristes ont assuré rapidement leurs arrières et signé d’autres contrats ailleurs après l’annonce de l’annulation. Everwood est bel et bien mort et enterré.

En ce qui concerne la version alternative existante du series finale, qui laisse une porte plus ouverte à une éventuelle saison 5, il ne reste qu’à espérer qu’elle figure en bonus sur les dvds. Enfin, le jour où un éditeur se décidera à sortir les dernières saisons (il nous reste au moins quelque chose sur lequel militer).

Cette chronique douce-amère nous aura fait vivre les joies et les peines de quelques habitants étroitement liés, au milieu des montagnes enneigées du Colorado. Toujours avec une finesse imposant le respect, elle nous a fait rire mais surtout beaucoup pleuré (les ventes de kleenex ont depuis triplé dans le monde entier). Sans jamais manquer ni de pudeur ni de poésie, Everwood nous a pris par les sentiments en nous parlant de la vie, tout simplement.

Elle me manquera.

Blackie