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Game of Thrones - Où on parle des différences entre le livre "le Trône de Fer" et la série

Adaptation et Saison 1: C’est mieux dans le livre !

Par Ju, le 18 juin 2011
Par Ju
Publié le
18 juin 2011
Saison 1
Episode 9
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À l’heure où j’écris ces lignes, ma lecture du Trône de Fer a rattrapé les événements décrits dans le dernier épisode en date de Game of Thrones. J’en suis exactement au même point. Et la seule façon que j’ai trouvée pour ne pas me jeter sur les derniers chapitres de mon livre est de me lancer dans le texte que vous êtes sur le point de lire.

À cet instant, je ne sais pas qui a tenté de faire assassiner Bran avec le poignard de Littlefinger. Je ne sais pas non plus qui est la mère de Jon Snow (mais j’ai ma théorie). Je ne sais pas si Khal Drogo va survivre à son égratignure ou si les œufs de dragon de Daenerys vont éclore. Enfin, je ne sais pas si quelqu’un va remettre à sa place ce petit con de Roi Joffrey avant la fin de saison.

Tout ce que je sais, c’est qu’Eddard Stark est mort décapité devant les yeux de ses filles. Je sais aussi que je ne vais pas en parler maintenant, ni vraiment donner mon avis sur cette première saison de Game of Thrones.

Non, aujourd’hui j’ai envie de parler du livre et du travail d’adaptation.

Lire

Plusieurs fois déjà, très ouvertement et avec la délicatesse qu’on me connait, j’ai exprimé mon agacement face à la prolifération de remakes et d’adaptations de livres, de bandes-dessinées, ou de séries étrangères, qui s’abattent sur le monde des séries télé.

Je comprends très bien les avantages qui découlent de l’adaptation d’une œuvre. La reconnaissance immédiate de la marque « Trône de Fer » par le public, le bouche-à-oreille inévitable en provenance direct de la base de fans préexistante... sont autant d’outils qui faciliteront le travail marketing par la suite. Financièrement ça se tient, mais sans même aborder la question du manque d’originalité, à mon sens on y perd beaucoup.

Pour vous parler prétentieusement deux minutes (enfin, encore plus prétentieusement que d’habitude), un des éléments qui fait toute la saveur du format série télé, c’est que contrairement au livre, la série est quelque chose de vivant. La série vit dans le temps. Quand elle est bonne, la série s’inspire de ce qu’elle sait faire, apprend de ses erreurs, et évolue. Ça peut passer par la suppression d’une intrigue, par la mise au premier plan non planifiée d’un personnage sortant du lot, ou de plein d’autres façons, le fait est que c’est fluide.
Il n’y a pas de meilleure façon de retirer toute sa spécificité à ce format que de contraindre une série à suivre méticuleusement une histoire définie avant même la diffusion de son premier épisode, écrite de bout en bout, incapable d’évoluer.

Le deuxième très gros problème des adaptations est, bien sûr, la multiplication de discussions inintéressantes sur les forums, dont la seule motivation semble être de vouloir jouer au jeu des différences entre la série et le livre, ou de « teaser » « subtilement » la suite de l’intrigue ou l’importance future de certains personnages, sans que personne n’ait jamais demandé quoi que ce soit. Putain de merde... Font chier... Laissez-moi regarder ma putain de série...

Hmmm... ça va mieux.

Adaptations

Donc oui, l’adaptation. Je vais immédiatement nuancer ce que j’ai dit plus haut, car chaque adaptation de livre que j’ai pu regarder prend plus ou moins de libertés avec sa source. Et si je vais aborder la façon dont Game of Thrones a été adaptée un peu plus bas, je ne voudrais pas donner l’impression de généraliser.

Par exemple, Dexter n’a fait que suivre l’intrigue du premier livre, pour ignorer les autres et prendre sa direction propre dès la deuxième saison. D’après ce que j’ai compris, True Blood ne s’inspire que de loin la série de romans, et a pris dès le départ de grosses libertés (pour obtenir le résultat formidable qui nous éblouit chaque été !).
Quant à The Walking Dead... comment dire... ses premiers épisodes s’éloignent à deux reprises de la bande-dessinée, pour nous offrir un gang de gentils infirmiers la première fois, puis un centre de recherche médicale doté d’un Bouton d’Autodestruction et d’une Horloge de la Mort. Sans parler de l’ajout et de la suppression arbitraire de personnages. Choses qui, il faut bien l’avouer, m’étaient bien moins choquantes avant que je ne découvre à quel point l’œuvre originale était cent fois meilleure que la série. Mais j’aurais sans doute l’occasion d’en reparler...

De tous ces exemples, Game of Thrones est de loin l’adaptation la plus fidèle. La trame de la première saison reprend exactement celle du premier livre, et j’imagine qu’elle s’arrêtera au même point. Il n’y a pas d’événement modifié de l’un à l’autre. A priori aucune intrigue n’est passée à la trappe faute de temps. Il n’y a pas de personnages ayant survécu d’un côté et pas de l’autre, ou ayant subit de transplantation de la personnalité.

Ok, les loups pourraient être un peu plus présents à l’écran... mais... en dehors de ça, Game of Thrones est une adaptation extrêmement fidèle du Trône de Fer.

Et c’est exactement pour cette raison que je ne résiste pas à l’envie de m’attarder un peu sur les quelques différences qui existent vraiment, parsemées par endroits, mais belles et bien présentes. Et souvent à poil.

Sexe

En suivant la quasi intégralité de la saison sans avoir lu la moindre ligne du Trône de Fer, je n’ai pas une fois été choqué par les scènes de sexe récurrentes de la série. Après tout, elle est diffusée sur HBO. Cela n’avait rien d’étonnant pour moi qu’ils ne fassent preuve d’aucune pudeur en adaptant fidèlement une œuvre « mature »...

Sauf que, quelques 700 pages plus loin, force est de constater que la très grande majorité des scènes de cul de Game of Thrones est introuvable dans le livre. À part Daenerys qui prend son bain dans le pilote, j’ai envie de dire qu’elles ont toutes étaient inventées pour la série. De la même façon, le seul personnage complètement inédit de la série est Roz, la prostituée la plus populaire de Westeros.

Pour reprendre un terme qui fait le tour du Net, Game of Throne est passé maitre dans l’art de la sexposition, cet outil narratif qui consiste à utiliser le sexe pour égayer des scènes qui, sans ça, se résumeraient à deux personnages se racontant de vieilles anecdotes pendant des heures.
Là où le livre peut se permettre de se plonger dans les souvenirs de ses narrateurs successifs, et de faire de longues parenthèses sur leurs expériences passées et leurs motivations, la série fait discuter Jaime Lannister et ser Baristan Selmy devant la porte du Roi, tandis que des femmes nues en sortent à intervalle régulier.

Je ne dis pas que toutes les scènes créées spécialement pour la série transpirent le sexe (dans une paire, les personnages arrivent à rester habillés), mais mises bout à bout, ça fait quand même doucement rigoler.

Changements

Voilà, ça c’était pour présenter la solution « originale » trouvée par David Benioff et D.B. Weiss pour passer du livre à la série sans y perdre trop d’information. Une solution qu’ils ont bien été forcés de trouver, car le problème était inévitable.
Pour d’autres changements, c’est une autre histoire, car rien ne leur forçait la main. Et ces changements sont plutôt encourageants, car ils montrent quand même que les deux scénaristes n’ont pas totalement oubliés qu’ils bossaient sur une série télévisée.

Dans la série, Jaime et Cercei Lannister ont des rôles bien plus développés, et bien plus nuancés, qu’au même stade dans le livre. Puisque les chapitres du Trône de Fer sont tous écrits selon le point de vue d’une poignée de personnages, et puisque Jaime et Cercei ne font pas partie de ces personnages privilégiés, on n’apprend jamais vraiment à les connaitre au cours du premier livre. On ne se met pas une seule fois à leur place. Et du point de vue d’un Ned Stark, Cercei n’est qu’une garce manipulatrice et cruelle. De même, Jaime, très peu présent dans tout le livre, n’est rien de plus qu’un traitre qui se tape sa sœur jumelle et pousse des enfants dans le vide en faisant de l’esprit.

Ils ont certainement plus de profondeur dans la série. Je ne sais pas si c’est forcément mieux, mais il s’agit certainement d’une approche différente. Qu’elle soit issue d’une volonté de donner plus de travail aux acteurs, en attendant que leurs rôles démarrent vraiment dans les saisons suivantes, n’a aucune importance.
L’important, c’est qu’ils soient plus vivants à l’écran que dans le livre. Chose qui sera forcément payante par la suite si, dans les prochaines saisons, le temps manque pour insérer toutes les scènes de sexe nécessaires à nous éclairer sur leurs motivations.

Et encore, dans le cas d’un Viserys Targaryen bien plus développé, et bien moins caricatural, dans la série que dans le livre, il ne peut même pas s’agir d’une préparation anticipée. Le travail sur son personnage ne relève pas d’un plan sur le long terme. Pour Viserys, il s’agissait uniquement d’utiliser l’occasion offerte par l’adaptation pour améliorer l’œuvre originale.

Incroyable, je sais.

Et maintenant ?

Mais voilà, tout ça c’est fini. Je n’ai plus qu’à tourner la page pour rejoindre le groupe des fans de loups qui savent ce qui va se passer dans le final de la première saison, et dans les épisodes diffusés l’an prochain.

En donnant la priorité aux livres, j’ai conscience de me tuer la série. Et je ne vais pas le faire parce que « c’est mieux dans le livre », mais bien parce que je veux savoir ce qui va arriver à Arya et Tyrion, tout de suite, sans attendre.

À partir de là, je ne serais plus surpris par les rebondissements de l’intrigue de la série, tout comme je n’ai pas été surpris en lisant les chapitres couvrant les épisodes que je venais de voir. J’aurais sans doute quelques scènes inédites de temps en temps. Et là où la série m’offrait une immersion totale et facile dans l’univers de Game of Thrones, à travers ses images et sa musique, à travers ses décors, ses acteurs et ses combats, je n’aurais plus que le plaisir d’entendre ce que pensent les personnages à chaque instant, dans ces longs chapitres bavards manquant désespérément de sexe.

Ju