Non, ce qui commence à me gonfler, c’est l’utilisation paresseuse et pernicieuse du "couple gay qui a / qui veut un bébé" dans de nombreuses séries. Quand ce n’est pas l’unique intrigue pour les personnages gays (Modern Family, Desperate Housewives, The New Normal, Brothers & Sisters…), c’est la vignette à la mode pour s’offrir un vernis ’avant-garde’ et ’ouvert d’esprit’.
Dans (la défunte) Made in Jersey, l’héroïne est affectée à une équipe d’avocats, suite à la défection de John (je ne me rappelle plus de son nom), "parti de toute urgence pour accueillir avec son partenaire leur enfant"…
C’est tellement simple.
L’effet Modern Family fonctionne à plein tube, c’est formidable, GLAAD est content, il y a une grosse augmentation du nombre de personnages gays sur les networks !
Sauf que mis en scène dans la situation familiale "normale", j’ai l’impression que les gays sont en train de passer dans la même "machine à laver" que les networks ont utilisés avec les noirs.
Je m’explique.
A notre époque, il doit sûrement y avoir plus d’Afro-Américains dans les séries de networks US qu’il n’y en avait il y a vingt ans. Pourtant, d’Ashley dans Revenge à Troy dans Community en passant par Renée dans Desperate Housewives ou bien même le couple de Undercovers, tous ces rôles auraient pu être tenus par des acteurs blancs sans que ça ne change grand chose au personnage.
C’est à mon sens un effet pervers du Cosby Show qui en valorisant les ressemblances entre toutes les familles plutôt qu’en insistant sur leurs différences a habitué le grand public à une représentation d’une communauté afro-américaine débarrassée de ses spécificités et de ses problématiques propres.
Ces dernières furent par la suite abordées mais reléguées dans les "black sitcoms" et des séries de HBO.
En ce moment, avec ces "Gays with Kids", on est dans le même phénomène d’une représentation tellement édulcorée et simpliste qu’elle n’a plus de rapport avec la réalité.

La vie homosexuelle adulte sur les networks ne passe désormais uniquement que par le couple stable et les enfants, avec comme seul gros problème, l’acceptation de ces nouvelles familles par les réactionnaires et les bigots.
Si encore étaient abordées les difficultés des couples gays qui - effectivement - souhaitent avoir des enfants, on pourrait passer avec plus d’indulgence sur le fait que dans cette représentation la majorité des gays sont oubliés et comprendre que les séries se focalisent sur la problématique actuelle du droit au mariage et à l’adoption.
Mais, mère porteuse, adoption, tout serait accessible et relativement simple pour tous ! [1]
C’est comme si la télé (libérale) expliquait qu’il n’y aucun obstacle pour les gays pour enfin vivre comme il le faut, en masquant, au passage, la raison centrale des revendications du droit au mariage et à l’adoption, à savoir l’égalité des droits (et pas l’envie individuelle de pouponner).
De plus, cette image uniforme des gays calquée sur celle de la famille traditionnelle (avec tout ce que le mot recèle de connotations péjoratives) continue de propager le discours que le seul amour qui compte, le seul véritable amour, c’est celui qui conduit à la naissance d’enfants.
C’est d’autant plus frustrant qu’il y a eu depuis quelques années de gros efforts faits sur les personnages d’adolescents ou de jeunes adultes homosexuels (Justin de Ugly Betty, Kurt et Blaine dans Glee, le meilleur ami de Sue dans The Middle…)
Il ne me reste peut-être plus qu’à surmonter ma peur des web-séries et de suivre les conseils de Blackie !