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The Real Jéjé of pErDUSA - Girls, un problème de genre et de sexisme

N°1: Déjà sénile !

Par Jéjé, le 21 juin 2012
Par Jéjé
Publié le
21 juin 2012
Saison Prise
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Je tiens Girls pour la révélation de cette saison télévisuelle.
Sa première saison est pour l’instant une chouette chronique servie par des dialogues brillants et des interprètes assez phénoménaux. Je conviens qu’il faut attendre un peu pour savoir si la série tiendra sur la longueur et sera de celles qui marquent leur époque.

Je la remercie de diviser : l’enthousiasme qu’elle peut provoquer n’est pas aussi unanime qu’autour des réussites récentes (Mad Men, The Good Wife, Justified…)
Car me voilà dans une position assez agréable de pouvoir dire, non tout le bien que je pense de la série, mais tout le mal des arguments de ses détracteurs.

La critique la plus fréquente et, à mon sens, la plus erronée, concerne le peu de sympathie immédiate dégagée par les personnages principaux et le milieu dans lequel ils évoluent, reproche assez étrange puisque le déni des héros traditionnels forme tout de même la base des séries un peu ambitieuses du câble de ces 15 dernières années.
Vic McKey et sa brigade de policiers corrompus, Tony Soprano et ses associés du New Jersey, Nate Fisher et sa famille de croque-morts névrosés…

Mais prenons un exemple plus récent et plus proche de Girls, une chronique autour de new-yorkais d’une vingtaine d’années diffusée sur HBO : How To Make It in America.
Les avis sur cette dernière n’ont pas été tendres, mais je n’ai jamais rien lu concernant l’aspect détestable des deux personnages principaux. Or, Ben, new-yorkais dans la vingtaine, donc, qui a décidé de se lancer dans le buisness du jean’s et du t-shirt, est aidé financièrement par ses parents profs de fac, ne s’intéresse qu’à sa petite personne, sa réussite (qu’il associe essentiellement à l’argent et la notoriété) et ses histoires de cœur. Son pote, Cam, est quasiment le même, sauf que ses parents ne lui financent pas ses rêves.
Et rien ! Pas de remarque sur le fait que ce sont des connards qui ne pensent qu’à eux dans un environnement de loosers et de modeux creux et superficiels !
Pas d’association de ces personnages à leur génération et ses travers supposés.
Eux, bizarrement, ont le droit d’être des personnages particuliers et de ne pas représenter l’ensemble des hommes de leur génération !

Alors, pourquoi les gars de How To Make It in America seraient parfaitement supportables et les filles de Girls d’affreuses connasses dont les histoires ne mériteraient pas d’être contées ?

Vous me voyez venir et je franchis allégrement le pas de penser que le genre sexuel des personnages de Girls expliquent les réactions épidermiques qu’ils ont suscitées à leur encontre.

Lena Dunham n’a certes pas d’efforts avec un titre aussi générique pour empêcher que les actions de « ses » filles ne soient pas interprétées comme universelles. M’enfin, qu’on me rassure, Girls, ça veut bien dire « Des filles », non ? Pas « Les filles », hein ?

Mais qu’on soit clair, je ne considère pas les détracteurs de la série comme d’affreux sexistes.

Le fait est qu’on n’est pas habitué à ce que les personnages féminins s’abstiennent de considérations générales sur leur sexe et sur le sexe opposé : ils apparaissent bien souvent comme des représentants des femmes en général.
Mais je pense surtout que les rôles trop caricaturaux et secondaires réservés aux actrices ont conduit les spectateurs à attendre que le peu des personnages féminins multi-dimensionnels tendent à, tant qu’à faire, peindre des femmes « parfaites ».
On ne supporte pas qu’Alicia Florick ait la nostalgie de sa vie d’avant, au foyer, avec ses enfants, à accompagner la carrière de son mari, parce que l’on veut qu’elle soit à la hauteur de nos espérances, qu’elle aspire à l’indépendance, à l’ambition, à l’ouverture sur les autres.
On adore les femmes de The L Word, combatives chacune à son niveau dans une démarche d’émancipation des règles de société paternaliste.
Alors forcément, voir les Hannah et ses copines se regarder le nombril, ça peut être exaspérant au premier abord.

Pourtant, les filles de Girls ont ça de formidable qu’elles sont des personnages plein de travers, mais des travers individuels, qui ne se veulent pas des défauts communs à tout leur genre, simplement ceux qui les définissent à un instant particulier de leur « vie » de fiction.
(Je n’ai pas besoin de me pouvoir m’identifier à elles ou pouvoir les admirer pour m’y attacher et pour avoir envie de les suivre dans leurs aventures quotidiennes.)
Et j’ai toujours entendu qu’il y aura une réelle égalité des sexes en politique quand il y aura autant de femmes incompétentes au pouvoir que d’hommes incompétents. Il est temps que les séries se peuplent d’anti-héroïnes !
Il n’y pas peut-être pas eu assez d’héroïnes pour que l’on passe déjà à l’étape suivante, mais il n’y a pas de temps à perdre.

Car on va apprendre à les aimer ces filles de 2012 pas vraiment à leur avantage. De 2012, oui. Elles sont clairement écrites comme des produits de leur époque et de leur milieu social.
De leur âge, aussi et surtout.
Et Lena Dunham transcrit formidablement chez elles cette volonté des jeunes adultes de s’écarter des stéréotypes, des cases familières, des espérances pour mieux au final devenir d’autres stéréotypes et se comporter comme des millions de leurs pairs.
Et c’est là où je ne comprends pas Iris, qui, dans son texte, explique que ceux de sa génération n’ont rien d’attachant. Les gens de vingt ans, particulièrement les aspirants artistes un peu friqués, n’ont jamais rien eu d’attachant et n’ont jamais eu plus d’authenticité, qu’ils soient de 2012, de 1998 ou de 1982.
Le talent de Dunham parvient à nous accrocher à ce type de personnages. J’avais beaucoup de mal dans les premiers épisodes avec Jessa, la Britannique à la coolitude triomphante. Peu à peu, elle est forcée d’affronter l’image qu’elle a construite d’elle-même et les aspirations qui en découlent, et en devient plus fragile, et nécessairement attachante. Ce genre de fêlure me touche autant que les ados écrits à l’aune de la nostalgie bienveillante (et mensongère) dans Freaks & Geeks.
 [1]

Iris, tu as autant besoin d’une De Lorean que les héros de Midnight in Paris de Woody Allen avaient besoin d’une calèche magique ! Le mythe de l’âge d’or existe à chaque époque et les générations précédentes semblent toujours plus éclairées que la sienne.

Allez, Girls, c’est formidable.
A moins que je ne sois déjà sénile !

Jéjé
Notes

[1Elle regrette également qu’il n’y ait pas de vision un peu plus édulcorée et surtout un peu plus héroïque de sa génération. Regarde Greek !