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Halt and Catch Fire - Présentation de la série et 5 bonnes raisons de regarder Halt and Catch Fire

Halt and Catch Fire: AMC’s Best Kept Secret

Par Jéjé, Sebargio, le 14 novembre 2017
Publié le
14 novembre 2017
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Vous vous souvenez de la pseudo-dernière saison de Scrubs ? On y suit une jeune médecin interprétée par une actrice dont c’était un des premiers grand rôle et qui ne nous avait pas beaucoup impressionnée. Il faut dire qu’elle avait la lourde tâche de remplacer le personnage principal de la série qui a sévi pendant 8 saisons.

Cette actrice, c’est Kerry Bishé et nous n’imaginions pas une seule seconde que que nous la retrouverions et qu’elle allait nous éblouir quelques années plus tard dans une série passée quasiment inaperçue : Halt and Catch Fire.

Qu’est-ce que c’est ?

C’est une série formidable qui était diffusée sur AMC.
Voilà, autant donner le ton dès le départ.
Et c’est donc une série qui vient de s’achever brillamment. Et bien que nous n’en ayons quasiment jamais entendu parler avant, une grande majorité [1] de la rédaction a viglouti les 4 saisons de dix épisodes en l’espace de quelques semaines [2].

De quoi ça parle ?

Ça raconte essentiellement l’histoire de quatre personnes qui travaillent dans le milieu de l’informatique au début des années 80. Aussi bien dans le software que dans le hardware. Ce sont des pionniers et des pionnières, des visionnaires à une époque où tout est à faire dans ces domaines.
On suit donc les péripéties qui jalonnent les différents projets qu’ils et elles portent au cours du temps et particulièrement les embûches, les déboires, mais aussi les conséquences sur leurs vies privées.

C’est avec qui ?

Avec Kerry Bishé donc.
Il y a aussi Mackenzie Davis (qui a joué dans des films et dans... I Just Want My Pants Back), Scoot McNairy (des films aussi et Bones). et Lee Pace (des films comme Twilight et la série atroce où il n’a pas le droit de toucher celle qu’il aime...)

Ce n’est pas fait exprès mais les interprètes ont été nommés dans l’ordre inverse de leur apparition au générique. Ce n’est peut-être pas inconsciemment innocent.

Est-ce qu’il y a un générique ?

Si vous avez lu le paragraphe précédent, vous savez que oui.
Il y a un magnifique générique principalement rouge dans lequel on suit le parcours d’une étincelle électrique à travers différents circuits et qui illumine au final ce que l’on imagine être la LED indiquant l’état "marche" d’un ordinateur.
C’est tellement beau.
La musique commence avec un petit clic régulier dans les aigus et dont le tempo double puis quadruple alors que le générique avance en même temps que l’étincelle, s’emballe et que les différents instruments entrent, notamment une basse omniprésente, le visage des différents acteurs apparaît alors sous forme plus ou moins pixelisée…
C’est tellement tellement beau.
C’est…
Celles et ceux qui l’ont vu savent.

Et c’est bien ?

Et comment !
C’est même un des meilleurs trucs qu’on n’ait jamais vu.
Pour tout vous dire, la dernière saison sera en tête des tableaux à la fin de l’année.
C’est tout.

Alors oui, clairement, l’idée d’une série qui parle d’informaticiens et informaticiennes qui mettent les mains dans le cambouis dans les années 80 n’est pas la plus sexy qui soit…

Donc, sans transition :

5 bonnes raisons de regarder Halt And Catch Fire (avec des petits spoilers plus ou moins légers).

1 Halt And Catch Fire, c’est un peu… Six Feet Under… Ou Angela, 15 ans… Ou Will & Grace… Mais pas Gilmore Girls

Vous savez, ces séries où l’on ne sait pas si le talent des interprètes sublime les personnages qu’ils ou elles jouent ou bien si la précision de l’écriture exploite au mieux les dons spécifiques de chacun ou chacune des interprètes.

A-t’on déjà vu une actrice (ou un acteur d’ailleurs) qui réussit à faire passer autant d’émotions que Mackenzie Davis juste avec ses yeux ? Et aussi bien ? Son personnage aurait certainement était qualifié, dans les années 80 ou dans les rangs de la manif pour tous de 1462, de "garçon manqué". En effet, elle aime les jeux vidéos, elle maîtrise le code informatique mieux que quiconque, elle écoute de la musique rock, électrique, métal qui va vite et fait du bruit sur son walkman pendant qu’elle code… Cameron, c’est la génie dans son domaine, avec les défauts qui vont avec : elle est têtue, extrêmement têtue même, souvent de mauvaise foi et la sociabilité n’est pas sa qualité première. Bref, c’est un peu la Ju de la série.
C’est donc la clé de voute de la série. Elle aurait mérité d’être en tête du générique.

Vous connaissez l’expression qui dit qu’on pourrait écouter quelqu’un réciter l’annuaire sans se lasser ? C’est ce que l’on peut ressentir avec la voix de Lee Pace. Cette voix grave, hypnotique, à la fois monotone et pourtant pleine d’enthousiasme.
Lee Pace parvient dans la première saison à rendre supportable son personnage d’anti-héros stéréotypé. Tête d’affiche des débuts de la série, Joe MacMillan est présenté comme un commercial opportuniste qui n’a pas de talent technique particulier mais qui serait un visionnaire, un leader. Il est baratineur et fortement charismatique. Ce n’est que quand la série le mettra de côté que ces aspects du personnage s’exprimeront vraiment et que l’on croira enfin à son magnétisme, celui qui peut conduire les autres à vouloir absolument le suivre, l’écouter et lui faire confiance alors que l’odeur du piège empeste à plein nez. Ses fêlures et ses doutes n’en seront que plus touchants.

Coincée initialement dans le rôle de la mère au foyer contrainte de faire tourner la maison pendant que son mari Gordon s’épuise à vouloir vivre ses rêves professionnels, Kerry Bishé réussit le tour de force dès les premiers épisodes, alors même qu’elle est en retrait notable par rapport aux trois autres, d’en faire un personnage essentiel et surtout sympathique. Elle est d’ailleurs tellement en retrait qu’elle n’apparaissait pas sur les affiches de promo de la saison 1.
Pourtant, dès la saison 2, Donna devient la locomotive de la série, ce sont ses décisions qui dirigent les intrigues et qui influencent et cadrent le trajet des autres personnages. C’est très souvent elle qui sauve la mise quand un des trois autres est parti en vrille pour une raison ou pour une autre (c’est d’ailleurs déjà la cas en saison 1 où elle vient à la rescousse de Gordon et de l’entreprise par deux fois). Constante, fiable, solide, c’est la leader de la série. Ses décisions ne sont cependant pas toujours les meilleures. On peut même aller jusqu’à parler de trahison lorsqu’elle fait passer la réussite de l’entreprise avant ses amitiés, mais cela contribue à en faire un personnage entier, humain, complexe.

Scoot McNairy bénéficie, en première saison, du personnage probablement le mieux défini. Gordon, le technicien doux rêveur qui a du mal à avoir les pieds sur terre parfois et qui se fait souvent exploiter parce qu’il serait trop gentil… Ce que fait McNairy est quasi imperceptible mais essentiel : il empêche Gordon d’apparaître comme un « nice guy » (même si en saison 2, on était à deux doigts...). Vous savez, les « nice guys », ces personnages masculins atroces qui parce qu’ils estiment qu’ils se comportent en humains décents considèrent qu’ils devraient être célébrés chaque jour comme des héros.
Une prouesse d’autant plus remarquable que la série prend un malin plaisir à jouer avec sa pilosité faciale dont certaines variations peuvent parfois être franchement gênantes. On peut même tenter de faire un parallèle entre Gordon et Steve Jobs (sans l’arrogance ni la réussite éclatante néanmoins) tant il semble clair que les débuts de Joe et Gordon dans le garage de ce dernier sont une allusion à la légende du garage dans lequel Jobs et Wozniak ont créé Apple.

2 Halt And Catch Fire, c’est un peu… The Americans

Niveau bande son « années 80 » qui accompagne sans distraire les intrigues d’une série d’époque, on frôle le sans faute. Mais on ne peut qu’évoquer les meilleurs moments musicaux sans en dire davantage pour ne rien gâcher des scènes qu’ils magnifient. Nous sommes donc tour à tour gratifiés par des trucs complètement oubliés comme Germ Free Adolescent de X-Ray Spex ou des morceaux plus connus comme Boy In The Bubble de Paul Simon, Absolute Begginers de David Bowie, sans oublier Mercy Streets de Peter Gabriel.
Et on ne parlera pas de Solsbury Hill, du même Peter Gabriel, tant le moment où elle est utilisée est significatif. La perfection est atteinte [3].

3 Halt And Catch Fire, c’est un peu… The Leftovers et Cagney & Lacey

Oui, oui, allons-y gaiement.

La première saison de Halt And Catch Fire n’est pas sa meilleure. C’est même la moins réussie. Le pilote fait honnêtement le travail mais annonce une énième série du câble sans autre ambition que de remettre une fois de plus à l’ouvrage le motif de l’anti-héros sombre et fragile et son acolyte masculin.
C’est clairement Breaking Bad rencontre Mad Men chez Texas Instruments dans les années 80.
Ce que confirme les quelques épisodes suivants, peu inspirés.
Après des audiences désastreuses et la commande inattendue d’une seconde saison, la série va miraculeusement identifier les meilleurs éléments qu’elle a pu mettre en place en périphérie de la partie « anti-héros à la AMC » et en faire le moteur des intrigues. Ces éléments sont, vous l’avez compris, Donna et Cameron, qui constitueront désormais le duo central et l’âme de la série jusqu’à sa conclusion (que ces deux personnages soient proches ou non).
(Un autre élément, que vous ne pouviez pas deviner puisque nous n’en avons pas parlé jusque là, est un personnage assez secondaire, le dindon de la farce orchestrée par Joe dans la saison 1, que nous vous laissons le plaisir de découvrir).
Mais il ne s’agit pas d’un reboot (ce serait une mauvaise idée de commencer par la saison 2) : c’est une douce re-composition qui fait qu’à leurs nouvelles places des touches existantes d’une croute artisanale forment un tableau puissant et original.
En translatant Donna de la position de mère à celle de matriarche, la série transforme et sublime son propos.

4 Halt And Catch Fire, c’est un peu… The Shield

Le dernier épisode est l’un des meilleurs serie final tous dramas confondus de tous les temps.
Il culmine avec un discours de Donna d’une force phénoménale. Nous n’allons pas en dévoiler le contenu mais l’émotion était réellement forte. Tellement même que l’on était en droit de se demander sur le moment comment les scénaristes allaient pouvoir enchaîner après une telle scène.
La solution est complètement inattendue, décalée et complètement satisfaisante.

5 Halt And Catch Fire, c’est un peu… Pas l’Agence Tous Risques (attention ça spoile)

Bon, là, il est vraiment impossible de continuer sans spoiler. Alors vous êtes cordialement invités à vous arrêter là et revenir une fois que vous aurez fini la série pour constater que c’est une vraie bonne raison.

Il y a une constante dans toute la série (attention, dernière chance de partir avant les spoilers) : le groupe se plante systématiquement à chaque nouvelle idée (et ce n’est pas grave).
Du Personnal Computer de la première saison au moteur de recherche de la dernière saison, en passant par le navigateur internet, le chat, le service de vente ou les jeux vidéos en ligne, toutes les idées géniales, révolutionnaires et visionnaires des quatre passent à la trappe. Ils et elles arrivent plus ou moins à sauver les meubles à tous les coups mais chaque fois ils et elles se font doubler au dernier moment par un concurrent « réel ». Concurrents ou services qui, pour certains, n’existent plus de nos jours (ou ne sont plus très vaillants). AOL, CompuServe, Netscape, Yahoo… Aujourd’hui écrasés par Google, Amazon et Facebook et qui seront eux-mêmes peut-être remplacés par d’autres demain… Halt and Catch Fire ne réécrit pas la réalité, elle avance avec l’Histoire. La série nous rappelle que l’histoire de l’informatique est un cimetière jonché des cadavres de milliers d’entreprises, de start-up qui ont eu une idée géniale à un moment donné et qui se sont fait rattraper ou engloutir par d’autres. C’est la grande « morale » de la série, et la magnifique scène du « Phoenix » nous le rappelle et le confirme.

Donna et Cameron partiront ensuite très certainement sur l’idée du smartphone, c’est clairement ce qui est évoqué lors de la dernière scène où elles apparaissent.
Probablement doublées par Blackberry qui sera lui-même enterré par l’iPhone d’Apple.
(Oui, on a en tête les huit prochaines saisons de la série, qui ne se finira jamais...)
Mais ce n’est pas grave.
On sait qu’elles repartiront sur autre chose, encore et encore et toujours…

Jéjé, Sebargio
Notes

[1À savoir Feyrtys, Jéjé et Sebargio !

[2Feyrtys et Jéjé en avaient entendu parler mais vu les prémisses elle et il n’avaient absolument pas de envie se lancer.

[3Pour ceux qui ne sauraient pas, Solsbury Hill est une chanson dans laquelle Peter Gabriel parle du fait d’avoir quitté le groupe Genesis dans lequel il était le chanteur, c’est une chanson joyeuse sur le départ et ça a du sens pour la série.