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Happy Valley - Critique et présentation très enthousiaste de la série à suspense

Happy Valley: 5 Bonnes Raisons de Regarder la Série

Par Jéjé, le 30 mai 2014
Par Jéjé
Publié le
30 mai 2014
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En ce moment, je re-découvre le plaisir et le très grand intérêt des longues saisons de 22 à 24 épisodes des séries de networks américains. C’est pourquoi je vous conseille ardemment de vous précipiter sans attendre sur une série anglaise de 6 épisodes.

L’idéal (qui n’est pas si vrai pour tant de de séries que ça) serait de découvrir Happy Valley sans n’en rien savoir du tout.

Mais si (comme moi [1]) vous avez été échaudé plus souvent qu’à votre tour et que vous craignez les avis enthousiastes mais peu argumentés, lisez la suite (garantie 99,3% sans spoilers).

1 Parce que c’est (presque) un conte de fées

Happy Valley>1.05 est une série dense dont le contenu va pouvoir susciter (et suscite déjà) de multiples réactions et analyses et dont les études de ses personnages noirciront des milliers de pages de papier (ou de façon plus réaliste, occuperont des gigabytes de texte sur les serveurs de la vie numérique).
Happy Valley est une série dont on va pouvoir beaucoup parler.

Mais pour moi sa plus incroyable réussite consiste à faire revenir son téléspectateur, même le plus rodé aux techniques narratives du genre, même le plus désabusé après trop d’expositions aux clichés des fictions policières, même le plus cynique qui ne cherche son plaisir que dans les méta-commentaires d’une oeuvre sur ses propres codes, à un état plus primaire, plus enfantin, plus impliqué.
Happy Valley parvient à réduire cette distance qui se crée inexorablement entre les oeuvres et leurs récepteurs au fil du temps et de l’augmentation de leur culture.

En des termes beaucoup triviaux et plus personnels, à partir du troisième épisode, des premières images jusqu’au générique de fin, je n’ai plus eu aucun recul.
J’ai été complètement absorbé par ce qui se passait, passant mon temps à serrer les coudes de mon canapé et à invectiver les personnages.

"Non, non, ne va pas là. Remonte dans ta voiture."
"Mais vas-y, dis-lui. Dis quelque chose. Fais quelque chose, gros lâche dégueulasse."
"Non, non, ce n’est pas possible."

"Non."

Je mentirais si je disais que je n’ai pas senti un ou deux rebondissements arriver. Mais, dans ces rares instants où l’identification totale aux personnages s’est estompée, j’ai, dans la seconde, espéré me tromper et ai plongé dans le deni.
J’ai attendu, fébrile, plein d’espérances [2]. Avant d’avoir le coeur écrasé quand l’événement prévu s’est réalisé de façon implacable.

Devant Happy Valley, je me suis senti à nouveau comme un enfant à qui l’on raconte ces terribles contes de Grimm, qui souhaite que ça s’arrête tout en voulant encore.

2 Pour ses (affreux) anti-héros

Happy Valley est peuplée d’innombrables anti-héros masculins. Des vrais.
Qui n’ont rien à voir avec héros négatifs glamourisés par la Quality TV américaine depuis Tony Soprano. Ce ne sont pas ces gangsters supposément fascinants qui avancent dans leurs plans avec dix coups d’avance sur la police.
Ce sont des hommes à la vie relativement banale et que l’on pourrait qualifier en allant un peu vite d’ordinaires.

Car il est à espérer que l’ordinaire ou la banalité ne correspondent pas au trait principal qui caractérise ces personnages masculins, leur profonde lâcheté.
Les origines et la progression tragique de la trame criminelle qui s’étend sur l’ensemble de la saison lui sont intimement associées. Le refus quasi pathologique de ces hommes d’assumer les conséquences de leurs actions et et de reconnaître leurs responsabilités personnelles dans le drame dont ils sont les acteurs créent ainsi des personnages abjects et une situation effrayante.

Il y a pourtant dans Happy Valley un personnage de sociopathe, mais l’angoisse terrible qui gagne le spectateur au cours des épisodes ne vient pas de lui.
Elle s’installe parce que la série montre que le mal n’est pas le seul fait de personnes mauvaises, qu’il a lieu aussi et surtout à cause de ceux qui laissent faire et qui se dédouanent.
Elle devient encore plus profonde et perturbante quand à force de mépriser ces anti-héros le spectateur perçoit qu’il n’est peut-être pas si étranger que ça aux petites lâchetés qu’il regarde sur son écran.

(Oui, oui, je le concède, je suis complètement traumatisé par la série…)

3 Pour ses femmes

Elles sont bien mal en point, les femmes, dans Happy Valley.
Pour la simple et bonne raison qu’elles sont les premières victimes de la lâcheté des hommes qui les entourent. Pourtant, à la différence de ces derniers, elles font face et incarnent le maigre espoir en l’humanité proposé par la série.

Catherine Catwood, le personnage central, semble avoir eu plus que son compte de coups durs dans la vie quand nous la rencontrons [3] Happy Valley ne va pas pour autant être tendre avec elle au cours des cinq épisodes déjà diffusés, pas plus qu’avec les autres personnages féminins.
Ill n’y a cependant dans leurs comportements aucun apitoiement (le ton de la série est étranger à tout misérabilisme). Elles constatent ce qui se passe et agissent en conséquence. Pas pour faire le bien, pas parce qu’elle sont meilleures que les autres, mais simplement parce qu’elles n’ont pas le luxe de faire autrement, que s’effondrer dans les situations qu’ont créées "leurs" hommes n’est pas une option.

Et ce faisant la série brosse des portraits fascinants de femmes complexes et d’une force de caractère rare à la télévision [4].

4 Pour sa violence

Oui, je sais, c’est un peu étrange comme argument, d’autant qu’elle est majoritairement dirigée à l’endroit des femmes de la série.

Mais Happy Valley fait un travail exceptionnel dans la façon de la traiter et de la filmer.
La violence n’est jamais utilisée comme élément de suspense. On ne voit pas de jeune fille poursuivie par un maniaque avec des gros plans sur son regard terrifié. Il n’y a pas d’utilisation grossière de son anticipation. Elle est toujours un fait.

Quand des actes violents sont au coeur d’une scène, les corps brutalisés sont en général hors champ mais la série reste sur la scène le temps de l’agression entière. L’acte violent n’est alors plus un rebondissement comme un autre dans l’intrigue, il est insupportable parce qu’il dure et plus il dure, plus les risques d’une issue mortelle augmente.

Ensuite, Happy Valley s’attarde sur les conséquences de ces actes. Les conséquences physiques, pour commencer. On va pouvoir suivre Catherine un épisode entier avec un oeil tuméfié.
Mais l’accent est mis sur les conséquences psychologiques, personnelles et familiales.
L’un des personnages va subir un viol [5]. Il s’agit dans le déroulement de l’histoire d’un événement prévisible. Grâce à une construction habile de l’intrigue en écho avec des événements du passé, cet acte va être intégré dans la série dans toute son ignominie destructrice sur le long terme.

Je vous disais, Happy Valley, c’est quelque chose.

5 Parce qu’il ne reste qu’un épisode

Et que c’est quand même classe d’être présent pour les grands événements.
La chute du mur de Berlin.
L’épisode de Urgences en direct diffusé à 2h00 du matin sur France 2.
Le finale de Happy Valley sur BBC1.

Jéjé
Notes

[1Non mais tu vas voir, Candice Renoir2.08, c’est vraiment hyper bien pour une série française…

[2Comme après une heure et demie devant le Titanic de Cameron, où je me suis pris à espérer que le bateau évite les icebergs…

[3Il est à noter qu’elle approche la cinquantaine, un fait quasiment exceptionnel pour le personnage principal d’une série.

[4Je me refuse désormais à utiliser l’expression "femmes fortes" galvaudée à mon sens puisque trop souvent utilisée pour célébrer des personnages féminins uniquement parce qu’ils possèdent des qualités masculines (force physique, ambition, difficulté à exprimer ses sentiments…) Voir Shaw dans Person of Interest>3.23, Jessica dans Suits>4.10, Carrie dans Banshee>2.10

[5C’est le 0,7% de spoilers !