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21 Drum Street - Carrie Mathison vs Will Travers

N°9: 26 Jours de Conspiration

Par Conundrum, le 20 septembre 2012
Publié le
20 septembre 2012
Saison Chronique
Episode Chronique
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Tom Ruhmor suit sa routine matinale. Pendant que sa femme joue à cache-cache avec ses petits enfants, il prend son copieux petit-déjeuner. Mais, en dépliant son journal, Tom, découvre un trèfle à quatre feuilles.

Réalisant ce que cela signifie et après un dernier regard vers sa femme, Tom sort son arme et se suicide devant l’un de ses petits-fils qui, à l’insu de son grand père, se cachait dans la pièce.

C’est ainsi que commence le script original du pilote de Rubicon de Jason Horwitch. C’est aussi ainsi, dernier plan sur le petit fils excepté, que commence le pilote diffusé sur AMC. Oui, mais voilà, Jason Horwitch quitte sa série pendant la production du pilote et c’est Henry Bromwell qui prend la relève.

Bromwell se retrouve à devoir jouer dans un monde dans lequel il n’a pas établi toutes les règles et le modifie bien plus profondément que les différences entre les scènes d’ouvertures originale et diffusées le laissent suggérer. En plus, donc, du petit fils témoin du suicide, des noms sont modifiées, l’orientation sexuelle de Kane Ingram est revue, les traits de caractères bien particuliers de certains personnages sont policés, et surtout il n’y a aucune mention du formidable Truxton Spangler.

En plus d’avoir une de mes morts préférés de séries, 13 Jours de Rubicon est mon intégrale estivale obligée où j’enchaîne un épisode par jour.
A défaut d’avoir une saison 2 ou 3 à me mettre sous la dent, je retrouve avec grand plaisir la chevelure et le nez de James Badge Dale, les phrasés aussi atypiques que leurs noms de Kane Ingram et Truxton Spangler, mais enfin, et surtout, toute la paranoïa et les questions sans réponses de la série.

Ces interrogations portent moins sur l’intrigue en très grande partie résolue lorsque défile le générique de fin du treizième épisode, mais plus sur la production de la série. Je me pose des questions sur les intentions originales de Horwitch laissées de côté de par Bromwell. A quoi devait servir Katherine Rhumor ? Tom, incarné par Harris Yulin, devait il avoir un rôle plus conséquent ? Le personnage qui perd la vie dans le train est-il vraiment mort ?

Et toutes ces questions restent sans réponses. Et c’est bien mieux ainsi. C’est distrayant de savoir que l’équipe de Will avait une mère de famille au Q.I. au-dessus de la moyenne qui n’a pas survécu au reformatage de la série. Tout comme il est sympathique de voir quel était la conspiration alternative dans un monde où Truxton Spangler n’existe pas. Mais au final, ces questions renforcent l’ambiance si particulière qu’une intégrale de Rubicon procure.

Cette année, par un hasard wikipédien et en gros manque de séries d’espionnage, j’ai découvert que, à l’issue de la série, Henry Bromwell a trouvé refuge dans Homeland, la nouvelle série des producteurs de 24 que j’avais soigneusement évitée l’année dernière. C’est donc un peu forcé que je me suis lancé dans ce rattrapage, ces fameux 13 jours de Homeland, avant le début de la saison 2 prévue dans quelques semaines.

Bien évidemment, la simple mention du nom de Truxton dans une adresse donnée par Claire Danes a rempli mon cœur de joie et m’a conforté dans mon choix. Je sais, il m’en faut peu.
Cependant, je ressors moins enthousiaste de cette intégrale. La filiation de 24 a pris le pas sur celle de Rubicon. Les retournements de situations alambiqués et les scènes de sexe uniquement présentes pour satisfaire les fans adolescents de 24 des premiers épisodes éloignent Homeland de la série que j’affectionne tant.

Pire, elles partagent le même défaut. Will et Carrie, les héros de nos deux séries, ont un travail extraordinaire. Rubicon et Homeland sont deux séries qui peuvent se reposer sur la tragédie du 11 Septembre sans rougir. C’est la preuve ancrée dans le monde réel qui permet de comprendre qu’une simple erreur ou omission peut avoir des conséquences catastrophiques. Pourtant les têtes pensantes des deux séries se sentent obligés d’affubler leur personnage principal d’une caractéristique extraordinaire. C’est agaçant et a l’effet inverse de celui escompté.
Il est plus facile et plus sain de s’identifier à un personnage ordinaire dans une situation extraordinaire, que de créer une tension artificielle ou de l’empathie envers des personnages qui ont vécu une tragédie si particulière.

Si dans Rubicon, le passé de Will est plutôt bien traité, mon principal problème avec Homeland est que l’on peut difficilement demander aux scénaristes de 24 de retranscrire de façon honnête l’état si particulier de Carrie. En plus de cela, si Rubicon arrive à nous passionner à regarder des gens brillants réfléchir, Homeland se sent obligé de nous aligner des retournements de situations qui peinent de plus en plus à convaincre. Par sa maîtrise bancale de son intrigue principale, Homeland prouve non seulement qu’elle n’a pas la profondeur de Rubicon mais surtout me conforte dans l’idée qu’il faut laisser aux anglais le soin de produire des fictions d’espionnage de qualité.

Pourtant Homeland, malgré ses défauts et l’agression audiovisuelle qu’est cet infâme générique, n’est pas dépourvue de moments brillants. Si je n’ai jamais réussi à totalement accepter le retour d’Angela Chase à l’écran, non seulement Damian Lewis ne déçoit jamais mais revoir la démarche si particulière d’un Dr Jeffrey Geiger fait bigrement plaisir à voir. Mandy Patinkin est pardonné pour Criminal Minds. Il y a des moments très prenants dans la série qui nous rappellent pourquoi on a su apprécier 24 à une époque.
Si on accepte les règles si étranges de la série qu’on regarde, l’épisode double final fait une très bonne heure et demie de télévision et une conclusion satisfaisante pour le téléspectateur. Mais ce n’est pas un petit "si", le gros passage à vide de deuxième partie de saison teste notre patience et ne laisse pas présager une bonne gestion de la série sur le long terme.

En tout cas, Homeland est de retour très prochainement et mérite qu’on s’attarde sur son retour. Pour le moment.

Conundrum