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London Spy - Présentation et critique de la première saison de la série de BBC Two

London Spy: Bons Baisers de Soho

Par Jéjé, le 15 décembre 2015
Par Jéjé
Publié le
15 décembre 2015
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Cette année, en matière de personnages « gays », ça a ratissé large. Entre Looking, How To Get Away With Murder, Cucumber, Being Mary Jane, Difficult People et Sense 8, de nombreuses nuances de rose ont été évoquées. Il n’en manquait qu’une. La version « espion et génie des mathématiques ».

Pas sûr qu’on en demandait tant.

Qu’est-ce que c’est ?

London Spy est une mini-série d’espionnage en cinq épisodes dont la diffusion vient de s’achever sur BBC Two.

BBC Two, pour vous situer, c’est la chaîne chico-intello-bobo du groupe BBC, qui a produit récemment The Honorable Woman (génial), The Fall (dément), Line of Duty (formidable) et The Hour (super).

(Son équivalent pour France Télévision serait… Euh...)

De quoi ça parle ?

De Danny, un jeune homosexuel londonien typique.
(Soit très joli, un peu torturé, avec une tendance pour les drogues récréatives et les vêtements qui ne correspondent en rien à son niveau de vie.)

Qui rencontre Alex, encore plus joli, mieux habillé, plus torturé, d’un niveau social et intellectuel bien plus élevé.
Dont la vie secrète va le conduire dans les méandres très esthétisants d’une gigantesque conspiration.

C’est avec qui ?

La série est construite autour de Ben Wishaw, coqueluche arty des productions anglaises (poète romantique chez Jane Campion, jeune premier dans The Hour, « Q » version hipster dans Skyfall).

Pour l’accompagner, London Spy a déniché sur les bancs de wimbeldon un rival amoureux du Prince Harry à la mâchoire très très carrée, a convaincu Charlotte Rampling de jouer un énième personnage de femme vénéneuse et a fait un petit tour à la maison de retraite de la Royal Shakespeare Compagny.

Et c’est bien ?

C’est affreux.

Ce qui est terrible, c’est que les différences entre London Spy et The Honorable Woman, autre « thriller intimiste noir ultra léché », et elle, réussite absolue, semblent minimes.

Mais il faut croire pour ce genre de fiction ambitieuse et sophistiquée, à l’instar des soufflés en pâtisserie, si tout n’est pas parfait, ça se transforme tout de suite en bouillie indigeste.

Ce que rate très vite la série et dont elle ne peut pas se remettre, c’est la menace conspirationniste sensée donner un contexte aux événements extrêmes auxquels est confronté le personnage principal.

Tant qu’elle est complètement absente (durant la moitié du premier épisode), London Spy fonctionne à peu près. On se retrouve devant une histoire amoureuse relativement classique (c’est la rencontre de deux êtres que tout oppose), dont l’intérêt provient de l’intensité de Ben Whishaw. Mais dans laquelle on ne peut s’y investir complètement puisqu’on n’a pas oublié le titre de ce que l’on est train de regarder.

C’est London Spy, pas London Lover.

La surprise n’est donc pas immense quand tout bascule, que Danny voit se refermer sur lui un piège dont il ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. La série semble surtout vraiment commencer.

Malheureusement, l’adversaire invisible ne semble pas du tout intéresser le scénariste, qui l’installe immédiatement comme une machine toute puissante et ubiquitaire, sans faire plus d’efforts.

« British MI6. The Chinese Ministry for State Security.
American CIA. Israeli Mossad. Russian FSB. The Saudi GIP. The punchline was that they all agree.
Danny, they’ve never agreed about anything.
Until now... it seems.
 »

Hmm, c’est un peu facile.

Dans ces conditions, il n’y a pas d’enjeux. Tout peut arriver. Tout est possible. Et, comme dirait une grande penseuse, plus rien n’a de sens, plus rien ne va.
Cette situation est évidemment très pratique pour le scénariste pour placer son personnage principal dans n’importe quelle situation, n’importe quelle ambiance, n’importe quel cadre.

Allez, envie de le garder en vie en vie et en liberté pendant toute la série sans aucune raison plausible, sans soupçon de stratégie crédible, c’est possible. Envie d’une atmosphère gothique dans la nuit de la campagne anglaise, pas de souci. Envie d’un morceau de bravoure autour d’un test de dépistage du VIH d’un réalisme en décalage total avec le reste de la série, et voici. Envie d’une oraison funèbre pour placer un joli discours humaniste sur les relations amicales, c’est fait. Envie d’un toutéliage final ridicule, c’est là.
Sans lien. Sans enchaînement. Sans conséquence.

On pourrait éventuellement accepter ce dispositif si l’unité de la série se faisait sur un thème original et un discours cohérent. Mais il n’y a rien de tout ça.
Au mieux, London Spy nous dit que « le Monde ne veut pas de la vérité et que tout le monde veut continuer à mentir ».
Fichtre, c’est profond.
Et plus les épisodes avancent, plus l’esprit « poseur » de la série prend le pas sur le reste et rend encore plus risible sa pseudo-célébration de la sincérité des sentiments.

Quant à la particularité du concept de départ, l’homosexualité de l’espion, comme le reste, elle apparait de temps en temps sous forme de vignettes ponctuelles (« pas facile d’être gay en 1960 », « le test de dépistage du VIH », « mes parents m’ont rejeté ») sans véritable lien avec l’ensemble.

Affreux.

Deux points positifs tout de même.
J’ai très envie de revoir The Honorable Woman.
Je n’attends plus vraiment avec impatience qu’Oliver Queen fasse son coming-out.

Jéjé