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Mad Men - Critique du dernier épisode de la saison 3

Shut the Door. Have a Seat.: Very good. Happy Christmas !

Par Feyrtys, le 24 novembre 2009
Publié le
24 novembre 2009
Saison 3
Episode 13
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Il s’agit probablement de mon épisode préféré de Mad Men, et peut-être même le meilleur, c’est pourquoi j’aurais mieux fait de me casser un bras le jour où j’ai accepté d’écrire cette critique. Parler de Mad Men, c’est un peu comme se lancer dans une analyse : on ne sait jamais quand ça va finir et quels traumatismes on va découvrir sur son enfance.

J’ai longtemps reproché à la série (du bout des lèvres seulement) de ne pas faire d’efforts pour nous faire aimer ses personnages, ni vraiment nous les faire connaître. Personne ne sait ce que pensent les personnages de Mad Men, et même si ça change de toutes les séries à voix-off qui pullulent, c’est parfois déstabilisant : il est impossible de s’identifier à eux.

Mais j’ai enfin compris que Mad Men n’était pas là pour nous faire aimer ou détester ses personnages, ou nous donner une idée claire de ce qui les pousse à agir. Parce que Betty, comme Peggy, Don ou Joan, ne se résument pas à des traits de caractère simplistes et très répandus dans les séries. Il n’y a pas d’ "épouse insatisfaite", de "carriériste", de "séducteur" ou de "femme fatale". Chaque personnage se révèle plus complexe que n’importe quel autre personnage à la télévision en ce moment, tout simplement parce qu’ils ont tous plusieurs facettes, plusieurs personnalités selon les circonstances.

D’un épisode à un autre, je pouvais haïr Don, puis pleurer pour lui, vouloir émasculer Pete, puis le trouver adorable, aduler Joan, puis avoir pitié d’elle, encourager Peggy puis avoir envie de lui mettre des claques. Aucun personnage n’est à l’abri d’être détestable dans Mad Men, mais attention ! Personne n’est un boulet, et tout le monde a son importance. Je vais d’ailleurs avoir du mal à me passer des personnages secondaires qui vont disparaître avec les ruines de Sterling Cooper.

Dans ce season finale, il y a eu de nombreuses scènes jouissives et de nombreuses scènes fortes en émotion. Mais surtout, et c’est la première fois, il y a eu de l’espoir. Et pas ce sentiment que tout est maudit, que personne ne peut être heureux, que la vie ne vaut pas vraiment pas la peine d’être vécue et pourquoi continuer à se battre ? Pour cette troisième saison, Matt Weiner a décidé, magnanime, de donner un peu de répit à certains de ses personnages (mais pas tous quand même, c’est pas Disney channel non plus).

Ça fait pas trop plaisir, ça ? Et je ne parle pas seulement du chapeau de Trudy.

Je vais commencer par les scènes fortes en émotion, et en particulier celles des flashbacks. Don/Dick se rappelle la façon dont son père est mort, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas eu une vie facile, le petit Dick. La dernière fois que l’on avait eu droit à un flashback sur le passé de Don/Dick, c’était dans le season premiere de cette même saison, et on comprenait à partir de quelle histoire Dick s’était construit : la honte d’être né, l’échange de famille avec celle d’un enfant mort-né, qui explique en partie pourquoi Dick a saisi l’occasion de prendre l’identité de Don. Mais ce n’est pas tout. Si Don est l’homme qu’il est aujourd’hui, et la raison pour laquelle il refuse de baisser les bras devant la mort annoncé de Sterling Cooper, c’est aussi parce que la pauvreté a tué son père. Jusque-là, je ne savais pas pourquoi Don semblait autant tenir à son mode de vie (autant qu’à sa famille en apparence parfaite), mais grâce à ce flashback je comprends mieux ce qui a pu le pousser à vouloir se créer cette vie aisée, loin des problèmes d’argent, loin des bras de fer contre les puissants, une vie d’homme indépendant et tout en apparence de réussite. Est-ce la pauvreté qui a rendu son père alcoolique, ou bien l’alcoolisme qui l’a confiné dans la pauvreté ? Si on regarde la scène avec les yeux du jeune Dick, la réponse peut paraître évidente.

Peggy : "You just assume I’ll do whatever you say. Just follow you like some nervous poodle." Don : "I’m not going to beg you." Peggy : "Beg me ? You didn’t even ask me." Peggy : "I don’t want to make a career out of being there so you can kick me when you fail."

Les autres scènes qui m’ont marquée sont celles où l’on voit Don et Peggy mettre les choses à plat entre eux. Leur relation a toujours été compliquée, entre l’admiration et l’envie de se prouver pour Peggy, la volonté d’aider et d’attendre beaucoup plus pour Don. Mais Draper, pour la première fois de sa vie, se montre complètement honnête avec Peggy. Ses discours ne sont pas teintés de message publicitaire, il n’essaye pas de se vendre : il est sincère. D’abord maladroit avec Peggy, autoritaire, il se ravise après qu’elle lui a fait comprendre qu’elle n’était pas à son service et lui explique, à quel point elle est importante pour lui. D’abord parce qu’il se reconnaît en elle, je pense, et ensuite parce que Peggy comprend le changement que la société entière est en train de vivre. Elle est la seule qui ait les yeux ouverts sur le monde.

Don : "I need an attorney. Divorce." Roger : "So it’s true, huh ?" Don : "What are you talking about ?" Roger : "Henry Francis." Don : "Who ?"

L’autre scène forte en émotions est celle dans laquelle Don rentre chez lui, saoul, et qu’il s’en prend à Betty. Il a appris par Roger qu’elle est proche d’Henri Francis, et l’accuse de ne lui avoir jamais pardonné, comme si son aventure était une vengeance pour toutes les femmes avec qui Don l’a trompée. Don la menace de partir avec les enfants, ce qui pour moi est le pire des chantages possibles dans un couple. Il l’accuse de n’avoir pas su se contenter de tout ce qu’il lui a offert, et finit par un coup de poing verbal : "You’re just a whore, you know that ?" J’ai eu peur qu’il la frappe, qu’il parte avec les enfants sous le bras… J’étais derrière Betty. Même si je pense qu’elle fait une grossière erreur en partant à Reno avec son politicien. Elle quitte un homme qu’elle ne connaissait pas pour épouser un homme qu’elle connaît à peine. Un homme qui ne l’admire que pour sa beauté, et rien d’autre. Un homme qui semble compréhensif en apparence, mais qui a forcément une idée très précise du rôle que Betty va devoir jouer une fois qu’ils seront mariés.

Et Joyeux Noël !

"You said you’d always come home." "Did you make him leave ?" "You made him sleep in Gene’s room and it’s scary in there."

Et pendant ce temps, la petite Sally et le petit Bobby ont le cœur brisé (et brisent le nôtre en même temps) et sont confiés/abandonnés à Carla. Don et Betty ne sont définitivement pas les parents de l’année. J’espère vraiment que Sally continuera à se rebeller et qu’on continuera à la voir grandir. C’est probablement la petite fille la plus réussie de la télévision.

"Mrs. Harris, what a pleasure to see you."

La scène la plus jouissive est bien entendu celle dans laquelle Roger appelle Joan à la rescousse. Parce que partir au milieu d’un week-end en volant les documents nécessaires pour créer sa propre boîte, c’est bien beau, mais quand personne ne sait où ces documents se trouvent, c’est tragiquement drôle. L’arrivée de Joan dans le bureau a donné le sourire à tout le monde de l’autre côté de sa télé. Si Don est le cœur de Mad Men, Joan en est l’âme, j’en suis convaincue. Sans elle la série ne serait pas la même. Malgré la pauvreté de ses choix amoureux (je pense à son connard de mari), Joan est le personnage le plus classieux et le plus indéniablement aimable de la série. Tout le monde aime Joan. Moi la première.

Good morning, Sterling Cooper Draper Pryce

Toute la réussite de cet épisode tient dans le fait que dès la première minute, et jusqu’à la dernière, on ressent l’ébullition de la création de Sterling Cooper Draper Pryce et qu’on ne peut s’empêcher de les soutenir. C’est une nouvelle vie qui commence pour chacun d’entre eux. Ils sont à l’étroit dans une chambre d’hôtel, Harry ne se rappelle plus du numéro de la chambre, Trudy (ah, Trudy…) apporte à manger et Don regarde avec fierté ce qu’il a accompli alors que son mariage est en ruines. Il appelle Betty pour lui dire qu’il ne cherchera pas à se battre contre elle, et qu’il espère qu’elle obtiendra tout ce dont elle rêve. C’est bien ce qu’on espère tous, et pas seulement pour elle, mais pour tous les autres aussi.

Feyrtys
P.S. Il y a des séries qu’on aime bien, qu’on regarde chaque semaine mais qu’on oublie aussitôt, des séries passe-partout qui ne racontent pas grand chose, et de façon maladroite. C’est malheureusement ce qu’on trouve en majorité à la télé en ce moment. Et puis il y a des séries comme Mad Men, qui vous laissent un peu pantois au fond de votre canapé.