Cette saison 6 a démarré en nous annonçant la mort de Don, qu’elle soit au sens littéral ou figuratif, avant d’étaler son caractère exécrable grimpant jusqu’au point de tous nous donner envie qu’il se jette d’une fenêtre au plus vite. Et jusqu’à cette dernière minute, je n’avais plus aucun espoir qu’il s’agisse d’un suicide métaphorique.
Don is a Dick... sans blague ?
Don n’a fait que tomber plus bas à chaque épisode, lancé dans une auto-destruction virulente. Alors lorsqu’on lui demande si son ascenseur descend ou qu’il annonce ne plus revoir des gens, le doute sur le vrai sens de ces mots était fort. Après tout, tout va mal. Le monde hait Don Draper. Sa fille ne lui parle plus. Sa femme le quitte. Et ses partenaires lui offrent le traitement à la Freddy Rumsen, le type qui se faisait pipi dessus. On ne peut pas faire plus bas.
Malheureusement cette descente, bien que nécessaire, ne fut pas très bien traitée et le plus gros reproche que j’ai envers cette saison. Sa relation avec Sylvia ne fut intéressante qu’avec ses conséquences, encore une fois grâce à une Sally qui continue sa lancée vers des années de thérapie.
A coté, les flashbacks dans le bordel furent simplement atroces, autant par la sensation de matraquage imposée par Weiner qu’à cause de l’horrible gamin au charisme de lampadaire. Ces scènes ont trop souvent sonné plus comme des excuses au comportement de Don que des explications.
Mais il fallait bien que Don touche le fond pour pouvoir remonter. Alors pour la première fois, Dick Whitman se met à parler. Il s’ouvre, face à des étrangers puis à ses enfants. Je ne m’attendais plus à finir sur un élément aussi positif en ce qui le concerne.
Ce virement ne tombe pourtant pas de nulle part, et certainement pas de ses deux secondes passées en prison. Non, c’est bien le parallèle dressé avec Ted Chaough qui fut une réussite et lui permit d’en arriver là. La fusion avec CGC a d’ailleurs apporté une nouvelle dynamique qui fit du bien à la série entière. Est-ce que Ted a vraiment déteint sur Don, comme le souhaitait Peggy ? Je ne sais pas. Mais il est indéniable que la détresse de celui-ci a fini par le toucher au point d’agir.
Jusqu’au bout, les attitudes des deux hommes auront été on ne peut plus opposées. Quand Don veut fuir sa famille pour éviter ses problèmes, Ted veut fuir avec la sienne pour régler les siens. Leur mode de pensée est simplement basé sur des raisons complètement différentes. Ted n’est pas parfait, mais il a une conscience des autres et du résultat de ses actions. Don, lui, a du mal à se projeter au-delà de son propre intérêt si les conséquences ne le frappent pas violemment.
C’est donc un moment important lorsque Don décide de rendre la pareille à la générosité de Ted, avec un geste purement gratuit et altruiste. Même s’il blesse Megan au passage (faut pas trop lui en demander), il se montre capable de faire passer quelqu’un avant lui sans que cela vienne d’une quelconque culpabilité.
C’est pour cela que finir devant le vieux bordel en compagnie de ses enfants, en reliant son passé et son avenir, la cause de son malheur et les raisons de son espoir, était parfait. Une bien belle récompense pour toute cette souffrance (surtout la notre).
Il y avait bien eu des petites confessions ici et là au cours de la série, mais jamais d’une telle ampleur. Aller en Californie voir Anna le rendait plus heureux, et il a constamment cherché à y retourner. Mais retourner devant le bordel de son enfance, pour ce qui est surement la première fois depuis l’armée, c’est se reprendre ses racines directement sous le nez. Pour Don, c’est faire littéralement face à ses problèmes et les admettre. Je réitère donc que cette dernière image est ÉNORME. Et c’est pour ce genre de claque que j’aime autant Mad Men.
“Not great, Bob !”
En parallèle, l’arc de Pete a pris beaucoup de place et fut mieux maitrisé, quoique assez décalé. Il voulait devenir Don, et il a plutôt bien réussi à l’imiter en bousillant sa vie personnelle et professionnelle. Mais contrairement à la haine que celui-ci inspire, Pete crée plutôt un mélange de dédain et de moquerie.
Le parallèle se poursuit au point de le voir perdre son dernier parent, le transformant aussi en orphelin. Une perte qui s’ajoute à celle de son épouse et son enfant, et une carrière en dégringolade. Sauf que plutôt que tomber dans la dépression, Pete semble plus serein, comme s’il finalement cette paix dont parle Trudy. Il se montre intelligent face au problème Bob Benson et se montre plus humble au niveau de son statut.
Avec une trajectoire identique à celle de Don, Pete a choisi une autre attitude, qui l’empêche de finir dans un trou.

Avec tous ces parallèles, le vrai Don 2.0 fut Bob Benson, le petit nouveau impossible à saisir qui adopte une façade de tueur en série. En se greffant sur tout le monde mais principalement Pete, le mal aimé qui a bien besoin de cette attention, il aura déterminé une bonne partie de son arc. Jusqu’à la perte de sa mère dans un accident digne d’un mauvais polar. Dont on ne sait même pas le fin mot.
Est-ce que Bob est un escroc ? Sa tentative de séduction était-elle calculée ?
Je ne sais pas pourquoi Weiner s’acharne à faire un mystère de ce personnage. Je ne comprends même pas son attitude, lorsqu’il pousse Pete à se planter avec la voiture avec une malice mal dissimulée. Dans l’épisode d’avant, celui-ci lui a sauvé la mise en gardant son secret et le laissant bosser sur Chevy. Que doit-on comprendre à sa logique ? Weiner pense vraiment qu’on s’ennuie au point de devoir nous faire du Agatha Christie ?
"Avon calling ?" Ou le paragraphe où je colle toutes les femmes.
Pour continuer sur le thème de la solitude (c’est tellement mieux de tout classer dans une boite), Peggy semble aussi avoir perdu tout ce qu’elle possédait en début de saison. Plus de petit-ami, de mentor, ni de distance avec sa première agence. Mais elle gagne le bureau de Don, un chat, un immeuble qu’elle déteste et le pire de la mode des 70s ! Trop. Cool. Surtout pour le bureau.
Avec elle, il n’est pourtant pas question de s’ouvrir les yeux mais plutôt de se débarrasser de tout ce qui l’empêche d’avancer. Étouffée par Don puis couvée par Ted, culpabilisé par Abe, il faut qu’elle devienne totalement indépendante pour pouvoir s’épanouir. Ne nous laissons pas berner par cette "supervision" de Ted au bout du pays ni par le type qui débarque avec Ducky. La dernière image sur elle, prenant ses nouvelles fonctions tandis que les autres vont fêter Thanksgiving, est claire. Sa famille, sa vie, est à ce bureau, à la tête du département créatif.
On s’est toujours douté que la série se finirait sur sa réussite, puisqu’elle a démarré sur son arrivée au bas de l’échelle. A une saison de la fin, elle semble avoir toutes les cartes en main. Peggy, c’est tout l’inverse de ce générique devenu si familier.
Celle dont l’avenir est plus flou est Joan, quasiment ignorée cette saison. Avec un seul épisode consacré à son évolution et sa situation depuis qu’elle est passée partenaire, il est difficile de se faire une image claire de la voie qu’elle suit. Sur un plan personnel, laisser Roger voir son fils par pitié semble être le seul point de progression. Au boulot, peut-être plus de pouvoir ? Allez savoir, vu qu’on reste à se demander si Avon a jamais rappelé.
Ah non, pardon. D’après Matthew Weiner : “Ben oui, je pensais que c’était évident”. Duh. Tu vois ça où, Weiner ?!?
Il y avait une grosse attente dans cette résolution, qui se retrouve totalement balayée. La frustration et la peur de Joan se retrouvent évaporés en un clin d’œil. On n’a même pas la satisfaction de la voir aussi soulagée que victorieuse d’avoir son premier compte. Et pourrait-on savoir ce que ce contrat implique clairement, au niveau de ses responsabilités ? Non, apparemment, c’est plus important de passer du temps avec son GBFF, parce qu’après "Joan & Bob Vont à la Plage", on préfère finir sur "Joan & Bob se Font une Dinde". Passionnant ! Papa et maman Jaquemeton n’ont clairement pas supervisé cet arc.
Même Betty a eu droit à mieux, avec ses scènes parsemées mais très satisfaisantes. Elle en carrément eu le beau rôle, autant dans sa volonté d’être une meilleure mère (mieux vaut tard que jamais), que dans les vérités balancées à Don. Le changement majeur aura été dans son ton, plus affectueux et moins bourré de reproches. Même si je regrette un gros manque de transition entre une Betty ronde et brune et un soudain retour en blonde svelte. Mais le principal est qu’elle a du se remettre en question et cela a influencé sa façon de traiter sa fille. La voir pleurer car elle n’y arrive pas seule fonctionne, en particulier à un moment où Sally n’a réellement plus aucun adulte sur qui compter. Au moins sa mère essaye. Le monde change, et Betty prend enfin le train en marche. Il est temps pour Don d’arrêter le surplace.
Mad Men reste l’une des séries les plus envoutantes et les mieux maitrisées à la télévision. J’ai du mal à me faire à l’idée qu’il ne reste plus qu’une saison pour répondre à toutes nos questions (et clairement, cette fois !).
Bordel, j’ai déjà assez de mal à me faire à l’idée que Ted disparaisse sous les cocotiers ! La mort de Don, mais je m’en fous... Comment je vais survivre, moi ?!