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Mad Men - Critique du dernier épisode de la série avant son retour en 2015

Waterloo: I Feel Like I Win When I Lose

Par Blackie, le 7 juin 2014
Publié le
7 juin 2014
Saison 7
Episode 7
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Ça y est, vous vous êtes remis de ce mi-final ? Prêts à attendre encore un an votre dernière dose de Mad Men ? Vous pouvez remercier le dirigeant d’AMC qui a clairement servi d’inspiration pour Harry Crane, pour avoir pris la décision enrageante de séparer cette saison en deux parties. SUR DEUX ANS.
Gros con.

Aurait-on eu droit à un épisode aussi forts sans cette coupure imposée ? Je n’en sais rien. Mais mon état ce dimanche soir-là se situait entre l’impression d’être passée sous un rouleau compresseur et le bonheur d’être cajolée par une bande de bisounours. J’en ai très mal dormi. Alors rien que l’idée que Mad Men s’arrêtera un jour me fait paniquer.
C’est peut-être pas si mal, un an de plus pour s’y préparer...

En tout cas, Weiner nous a servi un épisode dans la grande tradition de Mad Men, où un événement majeur de l’Histoire influe sur une campagne et vient mettre en lumière les relations des personnages. Les premiers pas sur la Lune sont autant un impact sur la présentation à Burger Chef, qu’ils sont une dernière connexion avec Bert Cooper. La mort du vieil amoureux des chaussettes colorées en vient même à éclipser l’événement (sans mauvais jeu de mots) en chamboulant l’agence pour la énième fois.

A ce stade, on pourrait facilement reprocher à Weiner de faire dans le gimmick. Mais le salaud réussit toujours à aller au-delà du simple événement de fin ou mi-saison, en amenant ces changements de façon organique. Certes, on frôle le miracle de dernière minute qui sauve le boulot de Don. Ailleurs, ce serait surement grossier. Mais ce n’est pas à sept épisodes de la fin que Mad Men va tomber aussi bas. Les pions pour parvenir à cette conclusion furent posés progressivement, et il s’agit d’une étape importante dans la reconstruction de la vie de Don effectuée par cette saison.

Concrètement, l’agence ne devrait pas être trop affectée par l’achat de ses parts, puisqu’elle pourra garder son indépendance. Au-delà de comptes en banques renfloués, ce choix sert surtout à sécuriser le boulot de tous pour les années à venir.
Et à ne pas avoir besoin d’Harry Crane comme partenaire. Très important !

Ce fut une excellente manière de voir Roger reprendre le contrôle, après avoir assisté à sa lente dérive. Entre un lit d’hôtel où des hippies ne lui laissent plus la place, une fille qui le rejette, et son meilleur ami parti temporairement, Roger s’est vu progressivement finir seul. La mort de Bert fut la goutte d’eau à sa solitude, une perte douloureuse mais qui réveille ses restes de combativité.

Roger se retrouve dans la position de devoir remplacer la figure paternelle qui vient de les quitter. S’il veut garder sa “famille” intacte, tout se joue maintenant, et il rappelle brillamment pourquoi pendant longtemps, il n’y avait que son nom sur la porte à coté de celui de Cooper.
Le voir se démener pour sauver son dernier ami, enrichir tout le monde, reprendre le pouvoir sur Cutler, et surtout envoyer chier Harry deux fois (hallelujah !), m’a mise dans un état fébrile et admiratif. Ca, c’est le Roger qu’on connait et qu’on aime !

Ce qu’il y a de brillant dans ce rachat, et laisse sur un petit nuage malgré le drame, c’est que tout le monde en ressort positivement.
Don a retrouvé une place claire dans l’agence, et une appréciation réelle pour ce qu’il fait.
Ted, convaincu par un Don enfin connecté à ses émotions qu’il peut retrouver son ancienne passion, va pouvoir laisser de coté tout qui le déprimait. Et ne pas se cracher en avion dans un moment de faiblesse.
Cutler, transformé en vilain de service, reste un homme simplement pratique. D’où sa décision de se ranger du coté des vainqueurs sans broncher. Et j’admire sincèrement cette attitude.
Pete... trouvera toujours le moyen de râler de façon hilarante.

Quant à Joan, c’est pour elle une question d’indépendance.
Il m’était impossible de lui en vouloir lorsqu’elle vote contre Don “parce qu’il lui coûte du fric”. Joan est une mère célibataire qui ne peut plus se permettre de laisser passer les autres, et a bien compris la leçon depuis qu’on l’a jetée dans le lit d’un client. C’est chacun pour soi. Quand elle s’enthousiasme à la perspective d’avoir un million, elle pense à son fils. Et elle a bien raison.

Tout le monde peut remercier Pete d’avoir tué Bert ! Oui, c’est comme le Candyman, on ne dit pas le nom de Lane Pryce à voix haute sans porter la poisse.

Cette moitié de saison 7 n’aura pas été facile pour Peggy, On la vue se sentir de plus en plus seule. Le départ de son petit voisin, à qui elle s’était attachée, bien que triste parce qu’elle perd quelqu’un de plus, renvoie aussi joliment au lâcher-prise de Don. Ces deux derniers épisodes furent non seulement un beau rattrapage, mais aussi une conclusion parfaite à sept saisons passées sous l’aile de Don.Ses liens avec Don n’ont jamais été plus serrés, et le voir lui passer la torche fièrement, sans défaitisme, était aussi touchant qu’admirable.
Quant à son pitch auprès de Burger Chef, je ne saurais même pas vous en parler correctement : je me suis juste sentie comme son client, en transe au son de ses paroles.

Parce qu’il faut bien finir sur Don, ce furent de vraies montagnes russes émotionnelles qu’on nous a offertes, dès l’instant où Meredith passe son bureau.
La bêtise de celle-ci a toujours été une petite touche comique, et j’ai trouvé ça aussi drôle que malin de servir d’elle pour détourner une scène “classique”. Le problème de Don avec les femmes, et surtout ses secrétaires, a marqué toute la série. Ce qui rend ce moment très révélateur : Don a dépassé le stade des coucheries au bureau, mais surtout sa fuite dans les bras d’une autre. Il sait que Megan est en train de le quitter, et quand elle le dit clairement plus tard, il l’accepte sereinement.

C’était aussi osé d’enclencher une révélation dramatique par un tel échange. On connait les talents de Jon Hamm dans le registre, mais il a rarement l’occasion de jouer dessus dans Mad Men. Le voir passer de l’embarras gentillet à la rage féroce en un claquement de doigt créé un choc parfait. Le visage de Hamm passe pas beaucoup d’émotions différentes en quelques minutes. Car alors qu’il débarque dans le bureau de Cutler avec une colère qu’on lui connait, les remarques acerbes de Cutler semblent le calmer plus que faire monter sa rage. Don est traité d’immature et d’alcoolique, et il encaisse. Il ne nie rien, ne s’énerve pas. Il sourit sans un mot, le regard embué mais déterminé. Don reconnait ses torts, mais surtout il n’a plus peur d’échouer. Il est enfin en paix avec lui-même, ce qui lui permettra d’avancer.

Don y perd beaucoup personnellement, non seulement avec la mort de Bert, mais aussi la fin de son second mariage. Il ne fallait pas plus que ce bref échange téléphonique, après tant d’épisodes à voir leur couple se dissoudre. Tout était déjà dit.
Heureusement, parce que je ne sais pas ce qui était le plus distrayant : la poitrine de Megan constamment mise en avant, ou le poster de Los Angeles en guise de fond. Say goodbye to these !

Ces pertes s’avèrent nécessaires pour le faire entamer ce nouveau chapitre de sa fin. La perte de Bert a pour conséquence de lui donner une seconde chance, en ne retrouvant non pas son ancien statut mais la liberté et l’enthousiasme de ses débuts. Et Megan représentait une autre part de sa vie, qu’il laisse dorénavant en arrière. Il est en train de faire peu neuve.

C’est ainsi qu’un autre coup de fil, cette fois avec sa fille, s’avère loin d’être insignifiant.Sally, comme n’importe quelle gamine amourachée, répète les opinions d’un autre. Mais lorsque son père la conseille, elle l’écoute et partage un baiser avec le garçon plus discret et rêveur. Ses émois d’adolescente lors de cette soirée m’ont parus trop secondaires par rapports au reste, au point de me laisser de marbre. Mais ce petit moment où Don retourne la faveur à sa fille en lui demandant de ne pas être cynique était plus important que tout à mes yeux. Parce qu’en plus, Sally l’écoute. Il y a une confiance retrouvée entre eux. Don a repris son rôle de père, et il le joue mieux qu’auparavant.

La scène finale est surprenante, puisqu’en sept saisons la série n’a jamais cassé le ton à ce point.Et c’est ce qui la rend si puissante. Le Don Draper qu’on a connu n’aurait jamais eu de vision aussi belle et positive auparavant.
Ses fantômes ont toujours été tragiques : son frère, son père, Anna Draper, Lane. Le message de Bert, amené par ce numéro de chant et de danse joyeux, est véritable signe de la positivité qui envahit Don. Il a touché le fond, puis il l’a remonté. Tout ira bien.

Oh purée, je le sens vraiment mal pour l’an prochain.

Blackie
P.S. Pour patienter avant la saison 7B, je vous conseille les excellentes reviews de Dylanesque, également barbophile invétéré.
Ou pas. Faudrait pas que vous me réclamiez des textes aussi à l’heure que lui en 2015 !