Network qui sent bon la Vanille: Octobre 2008
« The Billion Dollar Kiss, The Kiss that Saved Dawson’s Creek » n’est pas un récit de fanfiction qui se situe à Capeside. Il s’agit d’un ouvrage fascinant écrit par un ancien auteur de Dawson’s Creek sur l’évolution du rôle de scénariste et de la production télévisuelle US de la grève de 1988 à la veille de celle de 2008.
Il y a encore une quinzaine d’années, une loi interdisait aux chaines US de produire leurs propres séries [1]. La production d’une série dépendait d’un fragile équilibre entre les besoins de la chaine, les impératifs du studio, et la direction artistique du showrunner. Un network faisait des bénéfices sur la publicité, et le studio sur la revente du programme aux marchés secondaires et en dvd. Le gouvernement Clinton a abolit cette loi. Ainsi, les grandes chaines pouvaient dorénavant développer leurs propres séries, les networks se sont vite vus rachetés par de grands groupes (Universal pour NBC, Disney pour ABC, Viacom pour CBS) et certains studios ont crée leurs propres réseaux (Warner avec la WB et Paramount avec UPN).
Cela a aussi eu pour effet de changer la façon de produire des séries. Avec le succès de ses teens dramas, la WB a rapidement compris qu’il fallait considérer ses séries comme une marque à faire vivre. Dans « Season Finale », Susanne Daniels et Cynthia Littleton retracent la genèse, l’évolution et la fusion de The WB et UPN. Tout comme « The Billion Dollar Kiss », ce livre fait ressortir la principale erreur que la WB a commise. A l’origine, le network a cherché à donner une voix à des jeunes scénaristes prometteurs avec plus ou moins de succès. Mais avec le succès de ces séries, l’aspect créatif est passé au second plan. La WB ne réfléchissait plus en termes de talents, mais de cahiers des charges.
« The Billion Dollar Kiss » a pour fil conducteur la production chaotique de Dawson’s Creek. Kevin Williamson était le scénariste populaire d’un pilote qui a généré beaucoup d’intérêt à la fois d’un point de vue commercial mais aussi créatif. Mais Williamson n’avait pas les épaules assez larges pour gérer la production et l’écriture d’une série. Apres une saison et demie et des intrigues de plus en plus invraisemblables, il quitta sa série phare. Et le network est intervenu.
C’était l’époque où les studios et les chaines étaient prêtes à verser des sommes plus que conséquentes à n’importe quel scénariste dont le nom apparaissait dans une des 20 meilleures audiences à la télévision ou une série qui faisait simplement parler d’elle. Williamson fut donc remplacé par un duo de scénaristes venu de La Vie à Cinq et de The X Files. La production n’aurait pas résisté à la schizophrénie issue de ce choix sans Greg Berlanti, un scénariste qui s’est spécialisé dans la production de séries aseptisées qui plaisent aux networks et aux studios.
Aujourd’hui, on retrouve le scénariste production aux commandes de trois productions d’ABC, le network spécialisée en séries préformatées.
Il y a cinq ans, Llyod Braun et Jaimie Tarses, alors à la tête d’ABC se savent condamnés. Avant de quitter le navire, ils développent quelques pilotes qui vont devenir des séries phares de la chaine. Lost, auquel leur successeur Steve MacPherson ne croyait pas du tout [2], Boston Legal et Desperate Housewives sont nées sous l’égide d’une équipe de profitera pas du résultât de leurs travaux. Certes, l’équipe MacPherson a pu promouvoir de façon intelligente ces séries mais cette équipe semble faire les mêmes erreurs que la WB à son époque. Les séries deviennent toutes formattés avec le même profil : un casting prestigieux, pas de génériques, un premier acte long pour capter l’intérêt du téléspectateur, puis, plusieurs petits arcs pour y mettre plus de publicité, une bande son jukebox est préférable à un score, et des séries destinées à un public jeune et féminin. Pire encore, ABC propose principalement des séries qui ne font pas réfléchir, qui ne perturbent pas. Des séries sur des gens riches, des médecins, et des avocats et à la valeur artistique limitée.
Il y a des exceptions, il y a des séries qui respectent ces directives tout en maintenant un intérêt, mais il y a principalement de la soupe sur ce network, des produits qui sentent bon la vanille et qui font vivre une marque. Marc Cherry, David E. Kelley et J.J. Abrams de ABC sont les nouveaux Amy Sherman Palladino, Joss Whedon et… J.J Abrams de la WB. Une écurie de talent qui n’est pas renouvelée, des voix qui ont fait parler d’un network qui ne sont pas pas remplacés.
La campagne promotionnelle d’ABC est le dernier exemple en date de ce parallélisme frappant. Sur une musique enjouée, September d’Earth Wind and Fire, toutes les séries de la chaine sont représentées.
Une chanson pour tous les programmes, comme pour les campagnes de la WB. On peut dire ce qu’on veut de NBC mais je vois mal Sam Waterston sur le dancefloor avec Hayden Pannetierre dans un bras et Phyllis de The Office dans l’autre sur un remix de « We are Family ».
[1] En attendant le prochain Vus d’en Haut, si vous voulez en savoir un peu plus.
[2] On dit bonjour "Desperate Networks" !.