S’il y a bien une chose que je déteste dans un series finale, ce sont les petits bilans, les petits clins d’œil au passé de la série et cette espèce de volonté de revenir sur le passé comme pour mieux conclure le présent. Mes series finale préférés sont ceux qui font évoluer les personnages vers de nouvelles directions, concluent les intrigues de la série, sans oublier celle de la saison et qui me laissent une certaine tristesse une fois qu’ils s’achèvent. J’en suis le premier surpris, Ryan Murphy m’a apporté tout ce que j’aime dans un series finale.
Tell me what you don’t like about myself
Nip/Tuck, dans cet ultime épisode semble admettre une fois pour toute qu’elle est incapable de faire évoluer ses personnages. Aussi la seule solution de Murphy est-elle de séparer ses deux héros une bonne fois pour toutes. Après tout ce qu’ils se sont dit cette saison (car avec l’absence de Julia, de Matt et le suicide de Kimber, il est peu de dire que la saison ne faisait que tourner autour d’eux), j’étais surpris de voir qu’ils voulaient encore travailler ensemble, occultant toutes leurs rancœurs.
Néanmoins, leur séparation a lieu sans cri, sans hystérie, sans scène choquante. Christian fait le premier pas et Sean se laisse facilement convaincre, conscient que leur amitié et leur partenariat a touché à sa fin depuis longtemps. Ils ne peuvent plus se supporter, ni s’apprécier au quotidien. Mais ils demeurent les meilleurs amis du monde et préfèrent le rester avant de s’entretuer. Le prétexte trouvé par Christian faisait très cheveu sur la soupe (Sean va s’occuper du bébé adoptif d’Ava dans son pays d’origine), mais cela donnait une raison suffisante à Sean pour partir sans se retourner.
Quant à Christian, il n’y a plus grand-chose de neuf à dire. Julia lui lance à la figure qu’il dévore l’âme de ceux qu’il aime. Le départ de Sean est aussi constructif dans la conclusion de Christian. Il laisse partir la seule personne qu’il a jamais réellement aimée. C’est au fond le sacrifice le plus douloureux qu’il pouvait faire. Il reste pour autant le même : un homme à femmes qui adore le sexe sans conséquences et séduire de parfaites inconnus au comptoir d’un bar en lançant qu’il est chirurgien esthétique.
A perfect lie
Le principal problème de la série est qu’elle aurait du s’achever il y a des années, à peu près au moment où le Carver assassinait Christian, en fin de saison 2. On avait fait le tour des personnages, de la série et de son potentiel. Toutes les saisons qui ont suivi n’ont rien apporté aux personnages. A chaque saison, on effaçait ce qu’avaient traversé tous les protagonistes d’un coup de baguette magique. J’ai abandonné la série pendant une saison et demie et en reprenant les neuf épisodes de cette septième saison, il n’y a qu’un seul élément que je n’ai pas pleinement saisi (une histoire d’investissement fait par Christian avec de l’argent volé, je crois). L’impact de cet élément s’étendait sur dix minutes, avant de retomber dans l’oubli.
Au-delà de ça, tous les éléments de cette saison sont des échos, si ce n’est de parfaites répétitions d’intrigue déjà vues et revues. Ce n’est finalement qu’à partir du retour d’Ava que la série opère sa conclusion et offre des intrigues novatrices. C’est assez dingue de voir ce qu’un seul personnage et une seule actrice apportent à une série. Ava illumine les deux derniers épisodes. Elle offre à Matt une conclusion à son image : faussement heureuse et très tordue. Elle est revenue avec un enfant volé dans un hôpital, scarifié par une guerre lointaine (oui, j’ai oublié d’où le bébé venait, pas la peine de vous moquer). Elle manipule Matt pour qu’il persuade ses pères d’opérer le bébé et lui retirer ses cicatrices. Mais, et c’est la première surprise de l’épisode, dès qu’elle apprend que son enfant ne sera jamais aussi parfait qu’elle l’espère, il lui faut cinq secondes pour décider de l’abandonner. Etrangement, le personnage m’a horrifié dans cette séquence. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle agit comme la pire des égoïstes. Elle avait déjà abandonné le corps de son fils adoptif pour qu’il se fasse dévorer par les vers, et j’étais satisfait que Christian en fasse mention dans l’épisode précédent. La prise de conscience d’Ava rappelle le discours nourri par la série depuis des années. En corrigeant les défauts de leurs corps, les patients qui ont défilé au cours des saisons espéraient guérir les maux de leur âme. Ava a commis la même erreur qu’eux. Elle croyait que la chirurgie esthétique lui apporterait la perfection qu’elle recherche désespérément, celle qu’elle a atteinte (ou non) depuis la dernière opération qui l’a rendue entièrement femme. Mais devant le résultat imparfait de la science, elle réagit impulsivement et répète le même schéma, en abandonnant à nouveau l’être qu’elle aimait.
Sa conclusion se marie avec celle de Matt. Celui-ci, très absent de la saison, a néanmoins trouvé un arc qui le mène vers une suite incertaine, ce qui correspond à la nature même du personnage. Ses intrigues ont toujours été à double tranchant. Lorsqu’il avait entamé sa relation avec Ava, c’était pour se remettre d’un accident de voiture dont il avait abandonné la victime. Quand il a commencé à trainer avec une néo-nazie, c’était pour guérir de son mal-être suite à l’abandon d’Ava. Et son intégration à l’Eglise de scientologie faisait suite à l’agression du père de la néo-nazie, dont il gardait les séquelles. Matt a toujours été un personnage abîmé, toujours en quête d’un bonheur qu’il trouve éphémèrement dans les bras des mauvaises personnes. Son aventure avec Kimber lui avait au moins offert une fille dont il tentait de prendre soin. Mais son rôle de père ne pouvait le combler pleinement. Lorsqu’il se sert de son enfant, si belle et parfaite dit-il, pour convaincre Ava de le reprendre, même si elle ne l’aime pas, j’ai trouvé la frontière entre le happy end et l’horrifiante conclusion parfaitement maîtrisée. Matt sort de la série d’un air apaisé, marchant sur le fil du rasoir.
A bien y réfléchir, cette fin limite est caractéristique de toutes les conclusions.
On ne sait trop si les personnages finiront heureux ou malheureux. On sait simplement que les choix qu’ils prennent les satisfont pour le moment. Liz va avoir un bébé grâce à Sean, mais combien de temps avant que les crises ne reviennent, avant que Sean ne réclame des droits ? Combien de temps avant que Christian ne replonge dans la dépression, loin de son seul ami ? Et combien de temps avant qu’Ava ne détruise davantage Matt, si ce n’est elle-même. Des happy-end qui laissent un goût légèrement amer donc. Mais pas suffisamment pour les rendre désagréables.
Je ne regretterai pas Nip/Tuck. Je suis très heureux que la série se soit enfin achevée. Mais je mentirais si je disais que ce series finale m’a déçu, comme la série m’a déçue depuis tant d’années. C’était un sursaut de vitalité avant l’arrêt cardiaque. Dommage que Murphy ait du attendre aussi longtemps pour débrancher le légume ambulant qu’était devenue sa série.